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Raphaël Enthoven: "On est aussi loin aujourd'hui qu'à l'Antiquité de produire une machine consciente"

Entretien avec l'écrivain français Raphaël Enthoven, dont le dernier livre explique pourquoi la crainte de l’intelligence artificielle n'a pas lieu d'être
Entretien avec l'écrivain français Raphaël Enthoven, dont le dernier livre explique pourquoi la crainte de l’intelligence artificielle n'a pas lieu d'être / 19h30 / 5 min. / le 10 mars 2024
L'intelligence artificielle est partout: la science, la finance, la médecine. Mais pour le philosophe Raphaël Enthoven, l'IA ne pourra en revanche jamais réfléchir comme un être humain et la crainte de la machine n'a pas lieu d'être.

Pour démontrer son propos, Raphaël Enthoven s'est mesuré en juin dernier à ChatGPT sur une épreuve de philosophie du baccalauréat. Le philosophe français a remporté le duel, obtenant 20/20 contre 11/20 pour l'IA, pour sa dissertation sur le thème: "Le bonheur est-il affaire de raison?".

Cet exercice prouve selon lui qu'une machine n'est pas capable de réflexion. "Le bon élève prend un peu de recul et s'interroge sur le sujet. Il observe que "le bonheur est un sentiment et que pour cette raison, le bonheur peut difficilement être l'affaire de la raison", explique-t-il dimanche dans le 19h30 de la RTS.

Ce qui nous fait réfléchir n'est pas de l'ordre de ce qui se transmet à une machine

Raphaël Enthoven, philosophe français

La machine, quant à elle, "résonne comme un mauvais élève, qui mobilise d'emblée ses connaissances". "A aucun moment la machine ne s'est posée la question de savoir pourquoi c'était un problème de se demander si le bonheur était une affaire de raison", poursuit-il. "A aucun moment la machine n'a réfléchi, parce que ce qui nous fait réfléchir n'est pas de l'ordre de la complexité, de ce qui se transmet à une machine".

Une peur ancienne

L'IA n'est en effet pas capable de sentiments. Or, selon Raphaël Enthoven, ce sont nos états d'âme qui nous permettent de penser. "Réfléchir, penser: tout ça est le fait du désarroi, l'expérience d'être au monde, de savoir qu'on va mourir ou qu'on est né par hasard dans un monde qui s'en fout. Tout ça nous impose de penser", affirme-t-il. "La machine ne connaît rien de tout cela."

La crainte de la machine n'a donc pas lieu d'être, selon l'écrivain. Par ailleurs, cette crainte n'a rien de nouveau, estime-t-il. "Nous n'avons jamais cessé d'avoir peur que nos machines s'emparent de nos vies, que nos possessions nous dépossèdent", dit-il. "C'est une peur qui va de Pygmalion jusqu'à l'intelligence artificielle en passant par Terminator, Frankenstein, Pinocchio, Matrix, Star Wars...", liste-t-il.

Nous n'avons jamais cessé d'avoir peur que nos machines s'emparent de nos vies

Raphaël Enthoven, philosophe français

Il n'y a toutefois pas de raison de s'inquiéter. "On est aussi loin aujourd'hui qu'à l'époque de l'Antiquité de produire une machine consciente", rassure Raphaël Enthoven.

Propos recueillis par Jennifer Covo

Adaptation web: Emilie Délétroz

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