Un "téléphone du vent" en terres vaudoises pour garder contact avec les défunts ou "dire au revoir"
Située au numéro 20 du chemin de Poéty à Villars-Burquin, la cabine du "téléphone du vent" offre une vue panoramique sur le lac de Neuchâtel et les Alpes. Elle est entourée d'un cadre verdoyant, dans un coin du grand jardin de Patrick Genaine, spécialiste dans l'accompagnement du deuil.
Il n'y a rien de religieux dans cette démarche et cette installation en bois et vitrée est ouverte à tous.
Un concept japonais
Le premier "téléphone du vent" a été inventé par le Japonais Itaru Sasaki après la mort de son cousin en 2010. Ne sachant pas comment gérer ses émotions, le paysagiste a cherché un moyen de les exprimer et de faire son deuil. Il a ainsi eu l'idée d'installer dans son jardin une ancienne cabine téléphonique récupérée dans un centre commercial en démolition. "Il y a ajouté un vieux téléphone pas connecté et a dit 'le vent transportera mes paroles vers mon cousin, donc j'appelle ça le téléphone du vent'", raconte Patrick Genaine vendredi dans Forum.
Le vent transportera mes paroles vers mon cousin défunt, donc j'appelle ça le téléphone du vent
Voyant le bien que l'installation lui procure, Itaru Sasaki décide de l'ouvrir au public en 2011, notamment, pour aider les familles endeuillées du séisme et de la catastrophe nucléaire de Fukushima. Plus de 30'000 personnes s'y seraient recueillies, selon les estimations du paysagiste endeuillé.
"Soulagement"
Patrick Genaine, qui a repris l'idée de ce téléphone peu ordinaire, est convaincu qu'il s'agit d'un "moyen très utile pour aider à l'élaboration du deuil" car il permet de "dire au revoir".
"Si on peut garder une forme de lien avec la personne, c'est favorable à l'élaboration du deuil", dit-il. D'autant que l'on n'a pas toujours l'occasion de dire tout ce qu'on aurait voulu à la personne perdue et "ça pèse". "La cabine est l'endroit où l'on peut faire cet exercice de rattrapage" en parlant ou en écrivant.
Garder une forme de lien avec le défunt est favorable à l'élaboration du deuil
Ce spécialiste en deuil explique que c'est comme aller voir un médium pour avoir un contact subjectif avec le défunt, mais en l'ayant nous-même, pas à travers l'autre. Parler dans cette installation provoque un soulagement à la personne en deuil en gardant ce contact avec le défunt.
Une démarche gratuite
Au micro de la RTS, Patrick Genaine précise que son téléphone du vent est ouvert à ceux qui en ont besoin, qu'ils souhaitent parler avec lui ou non. Certains n'ont pas envie de me parler, décrit-il, et "d'autres ont envie de parler ou ont besoin d'une petite introduction avant d'y aller ou de débriefer après, car, souvent, ils sont surpris de ce qu'ils ont vécu".
Cette "démarche psychologique", "pas ésotérique" comme il le rappelle, est "gratuite". "Les gens viennent, trouvent l'adresse sur la page Facebook et Instagram et entrent dans la cabine", ajoute encore le Vaudois.
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Propos recueillis par Valentin Emery
Adaptation web: Julie Marty