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Malgré certaines mesures, la crise perdure au sein des ambulances lausannoises

Une enquête confirme la crise persistante du personnel dans le secteur ambulancier lausannois (vidéo)
Une enquête confirme la crise persistante du personnel dans le secteur ambulancier lausannois (vidéo) / Forum / 3 min. / le 4 mars 2024
La tempête est loin d'être terminée au sein du service des ambulances lausannoises. Selon des informations de la RTS, les burn-out, arrêts maladie et autres congés maternité ne permettent toujours pas au SPSL de faire circuler assez d'ambulances.

Le manque de personnel au sein de l’unité ambulances de la Ville de Lausanne a commencé à se faire ressentir durant le premier semestre 2023. La situation s’est dégradée progressivement et a eu des conséquences concrètes. Au pic de la crise à l'été dernier, la Ville n'a plus pu assurer l’engagement opérationnel d'environ 10% de ses services, pourtant imposés dans le mandat de prestation délivré par la Direction générale de la santé vaudoise.

>> Lire à ce sujet : Interpellation urgente après les dysfonctionnements au sein du service des ambulances lausannois

Et les problèmes persistent. Alors que la norme vaudoise impose au service de protection et sauvetage de la Ville de Lausanne (SPSL) un service minimum de quatre ambulances avec équipage en journée et trois la nuit, il n'y en a actuellement que trois le jour et deux la nuit.

Avec plus de 2400 services à assurer par année au total, sur des journées en continu, l'unité lausannoise est la plus importante des 40 unités d'ambulances du canton de Vaud. Mais selon l'enquête de la RTS, 212 services (de 12 heures) n'ont pu être effectués, faute de personnel disponible.

Selon des spécialistes du domaine consultés par la RTS, ce taux est inhabituel. Tous les autres services du canton ont un taux de manque variant entre 0 et 2.8%.

L'appel à l'aide a tardé, malgré un engagement non respecté

Il existe pourtant un accord entre la Ville de Lausanne et le canton de Vaud sur la mission de prises en charge pré-hospitalières: l'Etat verse 1,5 million de francs par an à la Municipalité pour assurer ces urgences. Dans les faits, cette convention n'est donc plus respectée depuis des mois, selon la Direction générale de la santé vaudoise (DGS).

Pourtant, selon une source proche du dossier, la Ville n'a pas sollicité tout de suite l'aide des instances cantonales pour l'aider à gérer cette crise de personnel. Alors que le malaise et les absences ont débuté au début de l'été 2023, le canton a été informé fin août seulement des difficultés du SPSL.

Des mesures urgentes ont été mises en place début septembre, notamment pour le renfort ponctuel d’ambulances privées, à savoir STAR Ambulances et TCS Swiss Ambulance Rescue Vaud.

Pas de sanctions

Selon la DGS toutefois, rien ne justifie de "sanctionner" le SPSL. La crise actuelle est causée par une succession d’absences simultanées "justifiées" (femmes enceintes, maladies, accidents). Sanctionner le service serait contre-productif et pourrait le pousser à assurer la prestation coûte que coûte en épuisant le personnel encore actif.

La loi permet toutefois de diminuer la subvention, qui est calculée en fonction des charges et des recettes. Dans le cas du SPSL, les absences couvertes par la perte de gain apparaîtront comme diminution de charges, faisant automatiquement diminuer la subvention cantonale.

La situation reste délicate

Contactée fin janvier 2024, la société STAR Ambulances assure ne pas avoir été sollicitée depuis plusieurs semaines par le SPSL. La situation reste cependant compliquée en termes d'effectifs chez les ambulanciers lausannois, selon les informations de la RTS.

En dépit d'une "amélioration de la situation" annoncée par le SPSL dans La Matinale en décembre 2023, il manque toujours régulièrement au moins une ambulance sur trois, voire deux, sur les différents tournus, confirme la DGS.

Et pour cause: il manque actuellement 6 à 8 équivalents plein-temps (EPT) dans les effectifs de l'Unité ambulances, sans compter les personnes encore en arrêt de travail. Des offres d'emplois fixes et temporaires sont pendantes.

De nouveaux engagements annoncés

Selon plusieurs sources internes, il y a une vraie difficulté pour recruter. S'il est l'un de ceux qui paie le mieux dans le canton, le service lausannois n'attire plus, parce que l'autonomie des ambulanciers est plus limitée qu'ailleurs. Ils ne peuvent pas mettre en application toutes les facettes du métier pour lequel ils ont été formés.

Interrogé lundi soir dans Forum, le municipal en charge de la Sécurité et de l'Economie Pierre-Antoine Hildbrand a toutefois annoncé l'engagement de trois personnes en avril, ce qui portera, selon lui, le taux d'occupation des postes du service à plus de 96%.

Un management défaillant?

Enfin, l'ambiance de travail serait délétère. La proportion de cadres, notamment, interpelle: ils représentent plus d'un tiers des 40 employés de l'unité ambulances. Et selon plusieurs témoignages ainsi qu'un courrier anonyme reçu par la RTS, certains de ces responsables font régner un climat de travail difficile.

Les ambulanciers ont aussi été rappelés à l'ordre la semaine dernière lors d'une séance avec le chef de service. Ils ont été priés de ne pas ébruiter les problèmes internes, en vertu d'un devoir de confidentialité, sous peine de licenciement.

Dans Forum, Pierre-Antoine Hildbrand a répété qu'un "certain nombre de mesures correctrices" avaient été prises, qui n'ont "pas encore résorbé entièrement la crise". L'élu rappelle néanmoins que la sécurité de la population a toujours été garantie et qu'il n'y a pas eu d'argent encaissé de la part du canton pour les prestations non effectuées.

Vers le mieux?

Selon lui, les collaborateurs et collaboratrices ont été entendus et d'autres entretiens seront effectués prochainement. Des évaluations sont également en cours concernant le management, affirme-t-il.

>> Son interview complète dans Forum :

Pierre-Antoine Hildbrand, municipal en charge de la Sécurité et de l'Economie de la ville de Lausanne. [Keystone - Valentin Flauraud]Keystone - Valentin Flauraud
Lausanne promet des mesures en faveur du personnel ambulancier: interview de Pierre-Antoine Hildbrand / Forum / 6 min. / le 4 mars 2024

Et les problèmes vont au-delà de la seule unité des ambulances (voir encadré). L'actuel chef des ressources humaines du SPSL est également sur le départ, moins d'un an après son arrivée. Mais selon Pierre-Antoine Hildbrand, "ça n'a rien à voir avec cette crise".

Ce malaise est connu du syndicat SSP et plusieurs affaires sont actuellement suivies de près, confirme par ailleurs Vanessa Monney, secrétaire syndicale en charge des salariés de la Ville de Lausanne. Un rapport interne doit être présenté mardi.

Robin Baudraz/jop

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Le torchon brûle également chez les pompiers

L’entité des Sapeurs-Pompiers professionnels, également rattachée au SPSL est aussi concernée par des problèmes internes. Des témoignages font état d'un manque de reconnaissance de la profession par la hiérarchie et le dialogue serait difficile avec Pierre-Antoine Hildbrand.

Les revendications ne sont pas prises en considération. Au lieu de ça, les pompiers se seraient vu menacer de ne plus pouvoir disposer de leurs ateliers, notamment celui de métallurgie. Ces installations historiques servent aujourd'hui en premier lieu pour le service ainsi que les loisirs des sapeurs-pompiers durant leurs permanences, lorsqu'ils ont du temps libre.

Un arrangement gagnant-gagnant avec STAR Ambulances

Pour pallier ces manques, la Ville de Lausanne avait déjà fait plusieurs fois appel à STAR Ambulances, une société privée basée à Epalinges. Tous ces renforts se sont faits gratuitement, en vertu d'un arrangement confirmé par les différentes parties.

Lors de ses quatre présences effectives à Lausanne, STAR Ambulances s'est rémunérée en intervenant dans le centre-ville, où les missions sont plus nombreuses. Une aubaine pour l'entreprise qui était assurée d'y trouver son compte, chaque intervention réalisée étant directement facturée au patient.