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Les mendiants pourront à nouveau être interpellés à Genève

Les personnes mendiantes pourront de nouveau être arrêtées à Genève (vidéo)
Les personnes mendiantes pourront de nouveau être arrêtées à Genève (vidéo) / Forum / 2 min. / le 3 août 2022
La justice genevoise a rejeté le recours d'une avocate qui contestait le bien-fondé de la nouvelle loi cantonale contre la mendicité, a appris la RTS. Le département de la sécurité n'entend cependant pas multiplier les interventions. Le Tribunal fédéral sera saisi.

La nouvelle loi contre la mendicité à Genève trouve grâce aux yeux de la justice. La Chambre constitutionnelle de la Cour de justice du canton a rejeté, la semaine dernière, le recours d'une avocate, représentante d'une mendiante, a appris la RTS. Elle contestait le bien-fondé de cette loi, édictée sur les cendres d'une précédente législation retoquée par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH).

La Chambre constitutionnelle genevoise a estimé que la nouvelle législation en matière de mendicité est proportionnée, répond à un intérêt public et ne viole pas les droits fondamentaux des mendiants. Cette nouvelle loi, votée en décembre 2021 par le Grand Conseil genevois, propose une interdiction ciblée de la mendicité. Plus question de la prohiber purement et simplement, comme ce fut le cas jusque-là.

Texte nuancé

La pratique de la mendicité est désormais exclue dans trois cas de figure uniquement: en cas d'appartenance à un réseau organisé, en cas de comportement de nature à importuner le public et, enfin, aux abords de certains lieux, comme des écoles ou des commerces. Ces nuances ont fait mouche auprès de la justice genevoise. Dans un arrêt rendu le 28 juillet dernier, que la RTS s'est procurée, elle rejette tous les griefs de Me Dina Bazarbachi, l'avocate d'une mendiante qui se sentait lésée.

"La norme querellée constitue une atteinte admissible à la liberté personnelle, dans la mesure où elle n'empêche pas la pratique de la mendicité mais se contente de la limiter dans une mesure adéquate et nécessaire à la lutte contre l'exploitation humaine, en particulier des jeunes et des personnes dépendantes, et à la préservation de l'ordre public au sens large, en ménageant le droit de mendier aux personnes pauvres, dénuées d'aide et cherchant à remédier à leur situation de dénuement", écrivent les cinq juges de la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice.

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Retournement de situation

Cet arrêt est un retournement de situation après la décision de la CEDH. Le canton de Genève avait dû suspendre, l'an dernier, son interdiction généralisée de mendier. Les juges de Strasbourg avaient donné suite à un recours de Me Dina Bazarbachi, déjà. L'avocate genevoise contestait la mise en détention de sa cliente pour avoir violé l'interdiction de mendier.

Devant cette sorte de vide juridique, la droite du parlement cantonal avait proposé une nouvelle loi, loi qui prévoit donc une prohibition ciblée. C'est celle-là qui était contestée devant la justice cette année. En vain.

>> Lire aussi : Genève vote une nouvelle loi pour restreindre la mendicité

Verdict unanime

Contacté par la RTS, le Département de la sécurité se dit "pleinement satisfait de cette décision, en tant qu'elle confirme notamment que les mesures visant à circonscrire la pratique de la mendicité répondent à un intérêt public qui est supérieur à l'intérêt personnel du mendiant à solliciter l'aumône. Il est rappelé qu'à Genève la mendicité est le fait quasi-exclusif de personnes n'ayant aucun lien avec notre canton ou la Suisse".

De son côté, l'auteur principal de la nouvelle législation, le député PLR Murat Alder, accueille également cette décision avec satisfaction. "Elle indique que la disposition genevoise est en phase avec les considérations majoritaires au sein des pays du Conseil de l'Europe", se félicite-t-il.

"Il faut relever aussi le fait que cet arrêt de la Chambre constitutionnelle, qui a été adopté par cinq juges, ne comporte aucune opinion divergente. Donc, cette fois l'Etat dispose d'une pleine et entière légitimité pour appliquer la loi qui a été adoptée par le Grand Conseil."

Interpellations possibles

L'arrêt de la Chambre constitutionnelle genevoise va avoir une conséquence principale: la police genevoise pourra à nouveau interpeller les mendiants. Des amendes pouvaient déjà être distribuées, vu que la législation est entrée en vigueur en février dernier. Mais le recours pendant devant la justice avait suspendu les arrestations.

Le département genevois de la sécurité précise cependant qu'il ne faut pas s'attendre à une multiplication des interventions policières. "Les injonctions aux intéressés seront toujours privilégiées par rapport aux sanctions", indique-t-il, "tant que les forces de l'ordre ne seront pas confrontées à une opposition manifeste."

Recours au Tribunal fédéral

Interrogée dans l'émission Forum, mercredi soir, la recourante Me Dina Bazarbachi concède que cet arrêt est un revers. Elle annonce d'ores et déjà son intention de saisir le Tribunal fédéral et de demander l'effet suspensif de la loi.

"L'arrêt examine de manière totalement théorique cet article. D'un point de vue pratique, on pourrait échapper à toute sanction (...) L'application de cette loi est donc complètement absurde", estime la recourante. La saga autour de l'interdiction de la mendicité à Genève n'est donc pas prête de se terminer.

>> L'interview de Dina Bazarbachi dans Forum :

La police genevoise peut à nouveau interpeller les mendiant.e.s: interview de Dina Bazarbachi (vidéo)
La police genevoise peut à nouveau interpeller les mendiant.e.s: interview de Dina Bazarbachi (vidéo) / Forum / 3 min. / le 3 août 2022

Raphaël Leroy

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