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A Genève, un Airbus russe d'Aeroflot coincé à jamais sur le tarmac?

A cause de la guerre en Ukraine, un airbus d'Aeroflot croupit à Genève
A cause de la guerre en Ukraine, un airbus d'Aeroflot croupit à Genève / Forum / 3 min. / le 28 juin 2022
Un Airbus A321 de la compagnie nationale russe Aeroflot est immobilisé depuis le 27 février à Genève. En raison de la fermeture de l'espace aérien aux avions russes, il n'a pas pu repartir vers la Russie. Abandonné sans maintenance sur le tarmac genevois, il pourrait ne jamais redécoller.

Aux premiers jours de la guerre en Ukraine, les pays européens ferment tour à tour leur espace aérien aux aéronefs russes. Le Royaume-Uni, la Bulgarie, la Pologne et la République tchèque l'annoncent le 25 février. Le 26, la Roumanie, l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie suivent.

Mais tel n'est pas encore le cas de la Suisse et de ses voisins. Le 27 février, un Airbus A321 d'Aeroflot quitte donc Moscou pour Genève en début d'après-midi. Il ne reverra jamais le sol russe.

L'appareil se pose à Genève aux alentours de 15 heures et doit repartir, selon l'horaire, une heure plus tard pour Moscou. Mais dans l'après-midi, les événements se précipitent. Un à un, les voisins de la Suisse (Allemagne, Autriche, Italie, France) ferment leur espace aérien aux avions russes. A Genève, l'A321 d'Aeroflot est en bout de piste. Mais il ne recevra pas l'autorisation de décoller, obligeant ses passagers et son équipage à prendre d'autres vols, notamment via la Turquie, pour retourner en Russie.

>> Relire la chronologie du 27 février : Alors que Moscou poursuit son offensive, l'Europe ferme son ciel aux avions russes

Déplacement interdit sans autorisation

Quatre mois se sont écoulés et l'avion n'a pas quitté Genève, a appris la RTS. Il a d'abord été installé sur le parking P48, un vaste espace situé entre l'autoroute et la piste, utilisé notamment pour entreposer les jets privés qui restent à Genève durant plusieurs jours.

L’avion d'Aeroflot n'a pas bougé de là durant plusieurs mois, l’Aéroport de Genève ne pouvant pas le déplacer sans l’autorisation du propriétaire, sauf en cas de nécessité sécuritaire. Et c'est exactement ce qu'il s’est passé il y a quelques semaines. Le P48 a en effet été réquisitionné par les Forces aériennes suisse pour assurer la sécurité de la Conférence ministérielle de l'OMC. Sur ordre de la commandante de la Police genevoise, l’appareil a été déplacé ailleurs sur le tarmac.

Abandonné à la hâte

L'A321 d'Aeroflot (immatriculé VP-BOE) immobilisé sur le P48 de l'Aéroport de Genève en mars 2022. [Keystone - Salvatore Di Nolfi]
L'A321 d'Aeroflot (immatriculé VP-BOE) immobilisé sur le P48 de l'Aéroport de Genève en mars 2022. [Keystone - Salvatore Di Nolfi]

Abandonné à la hâte, l'appareil de 45 mètres de long - c'est le plus gros avion de la catégorie des courts et moyen courriers - n'est pas entretenu. Le réservoir de carburant n'a même pas été vidé. A l'intérieur, on peut imaginer que tout est resté comme au 27 février. Mais surtout, il n'a pas été protégé des aléas de la météo et des ravages potentiels d'animaux ou d'insectes.

Pour éviter qu'il ne se dégrade, un avion de ligne immobilisé doit être préparé. Il aurait en effet fallu recouvrir les ouvertures (moteurs notamment) et autres parties sensibles de l'aéronef, ou encore choyer les moteurs, en les lubrifiant et les protégeant de l’humidité avec des sacs géants de silice. Les roues doivent, elles, régulièrement fonctionner pour ne pas s'user avec tout le poids au même endroit.

Il faut aussi exécuter à intervalles réguliers des tests approfondis des principaux systèmes. Cela implique un essai moteur généralement toutes les deux semaines, voire un vol de maintenance. Or, rien de tout cela n’a été fait, a confirmé à la RTS l’Office fédéral de l’aviation civile (OFAC). Selon lui, l’appareil "ne répond donc plus aux exigences de navigabilité". En d'autres termes, il n’a plus le droit de voler pour le moment.

Avenir très incertain

Que va devenir cet avion? Tant l’OFAC, l'aéroport de Genève, que l’Autorité de l’aviation civile des Bermudes, là où est immatriculé l’avion, renvoient vers le propriétaire. Mais encore faut-il savoir qui il est aujourd’hui. Avant la guerre, l’avion était en effet exploité par Aeroflot, mais sous contrat de leasing avec une société basée à Dublin, la filiale européenne de GTLK, le plus grand groupe russe de leasing - une pratique courante dans l'aviation de ligne.

Selon l’Autorité de l’aviation civile des Bermudes, le bail d’origine a été résilié, mais aucune nouvelle ne leur a été donnée sur l’avenir de l’appareil. L'avion a toutefois été réimmatriculé en Russie, ce qui est illégal.

La RTS a contacté tant Aeroflot que GTLK pour en savoir plus sur leurs intentions, sans obtenir de réponse de leur part. L’avion restera donc pour l'instant à Genève, en tout cas jusqu'à la fin des sanctions, ce qui peut vouloir dire pour plusieurs années. Et il restera a priori privé de maintenance, Airbus ayant confirmé avoir cessé de fournir des pièces détachées et des services de soutien aux entreprises russes.

Pour l'aéroport de Genève, la présence de l'A321 d'Aeroflot représente un manque à gagner certain, car une place de parking pour un Airbus de ce type coûte 1366 francs par jour.

Sujet radio: Valentin Emery
Adaptation web: Vincent Cherpillod

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Une remise en état très coûteuse

Il n'est pas sûr que le propriétaire veuille récupérer à terme l'appareil, même si le prix catalogue d'un Airbus A321-200 est supérieur à 100 millions de dollars. L'avion, qui est âgé de 9 ans, devra être remis en état, ce qui coûtera certainement très cher.

L'histoire rappelle un peu l'aventure de l'ancien avion de Yasser Arafat. Après avoir croupi 13 ans sur le tarmac de Cointrin, l’appareil avait été démantelé en juin 2018.

>> Lire à ce sujet : Après sa destruction à Genève, retour sur la folle épopée du jet d'Arafat