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Des avocats d'office soupçonnés de surfacturer leurs services

Les factures d'avocats commis d'office sont souvent revues à la baisse par des magistrats qui les jugent excessives.
Les factures d'avocats commis d'office sont souvent revues à la baisse par des magistrats qui les jugent excessives. / 19h30 / 2 min. / le 26 septembre 2018
Les notes d’honoraires des avocats d'office sont parfois divisées par deux par les magistrats qui doivent les valider. Le président du Tribunal cantonal vaudois pointe du doigt certains "moutons noirs".

Des factures d'avocats d'office revues à la baisse par des procureurs ou des juges, c'est courant en Suisse romande. Et c'est toujours le même adjectif qui revient dans la décision des magistrats qui doivent valider les notes d'honoraires. Ils écrivent que le montant facturé est "excessif".

L'avocat Grégoire Rey, qui a des bureaux dans les cantons de Genève et du Valais, a vu certaines de ses factures modérées par des magistrats. Interrogé par le 19h30, il évoque une affaire en particulier. "On y passe 72 heures en tout, ce qui fait à peu près 14'000 francs pour arrondir, et on a un procureur qui nous dit que ça ne mérite pas plus de 15 heures, alors que lui est sur le dossier depuis trois ans à 100%." Et Me Rey d'ajouter: "De diminuer comme ça la note d'honoraires en disant que ce n'est pas possible de passer autant de temps sur un recours, c'est donner l'impression qu'on surfacture. Et ça, c'est inadmissible."

Des exemples de notes d'honoraires modérées, il y en a d'autres. En voici deux trouvées parmi les décisions de justice publiées sur les sites Internet des tribunaux cantonaux romands. Un avocat d'office facture 3600 francs, mais le juge ne lui accorde que 1800 francs, la moitié. Dans une autre affaire, un avocat réclame 48'000 francs. Il n'obtiendra que 17'000 francs, soit 65% de moins.

Un système de forfait envisagé

Des avocats d'office surfacturent-ils? C'est le constat du numéro un des juges vaudois. Eric Kaltenrieder témoigne dans le 19h30: "Il y a des avocats qui multiplient des opérations qui ne sont pas directement nécessaires, qui n'apportent aucune plus-value à la défense des intérêts de leur client." Il précise: "Cela reste une minorité d'avocats. On pourrait parler, comme dans d'autres professions, de moutons noirs."

Des "moutons noirs", l'emploi de ce terme fait bondir les avocats. Ils plaident non coupables et pointent du doigt les magistrats. "Il existe une grosse difficulté pour les juges et les procureurs à savoir exactement le temps qu'un avocat a pu consacrer à un dossier, dans la mesure où, pour un même dossier objectif, le temps consacré peut aller du simple au double en fonction notamment des spécificités du client", affirme Me Basile Schwab, bâtonnier de l'Ordre des avocats neuchâtelois. "Je pense qu'il y a, comme dans toutes les professions, des avocats qui ont besoin de plus de temps que d'autres pour effectuer une même activité. C'est parfois difficile à accepter pour un magistrat."

Dans plusieurs cantons romands, la situation est tendue entre avocats et magistrats, mais le dialogue n'est pas rompu. Pour régler les problèmes, du moins en avoir moins, certains cantons envisagent d'instaurer un système de forfait pour indemniser les opérations, c'est-à-dire les actes de procédure, des avocats.

Fabiano Citroni

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Quand un avocat d’office surfacture, c’est le contribuable qui est lésé

Qui doit payer un avocat commis d'office? En principe, quand quelqu'un bénéficie de l'assistance judiciaire, l'Etat avance l'argent mais la personne bénéficiaire doit rembourser quand elle le peut. L'avocat d'office doit donc être payé par la personne qui jouit de ses services.

Dans les faits, ça ne se passe pas comme ça. Selon les chiffres fournis par les pouvoirs judiciaires romands, en moyenne 30% seulement des montants avancés par l'Etat sont remboursés. Cela signifie que dans 70% des cas, l'avocat d'office est payé par l'Etat donc le contribuable. Pour aller plus loin dans le raisonnement, on peut dire que lorsqu'un avocat d'office surfacture et passe entre les mailles du filet, c'est le contribuable qui est lésé.