Publié

Flou réglementaire autour de la pratique du topless en Suisse romande

Flou juridique autour du topless en Suisse, alors que la pratique devient une revendication auprès des jeunes Romandes
Flou juridique autour du topless en Suisse, alors que la pratique devient une revendication auprès des jeunes Romandes / 19h30 / 2 min. / le 3 août 2019
Les femmes ont-elles le droit d'enlever le haut sur les plages romandes? La pratique du topless, devenue chez certaines de ses plus jeunes adeptes un acte militant, est-elle réglementée? Tour d'horizon des principales communes concernées.

Maëlle et Duna ne couvrent pas ce sein que l'on ne saurait voir. Quand elles bronzent au bord du lac, les deux étudiantes enlèvent le haut de leur maillot de bain. Un choix évident pour ces jeunes Romandes.

"Quand il fait chaud, je n'ai pas forcément envie de mettre une couche de vêtement en plus", explique au 19h30 Mäelle, en monokini sur une plage à Milvignes (NE). "En faisant du topless, on montre aussi qu'il n'existe pas qu'une sorte de corps, il n'y a pas que celui qu'on voit dans les magazines", ajoute Duna.

Et la loi dans tout ça? Au niveau fédéral, le code pénal prohibe l'exhibitionnisme, soit le fait de montrer ses organes génitaux dans un lieu public, mais ne réglemente pas la pratique du topless. Idem dans les cantons qui laissent généralement cette compétence aux communes.

En l'absence d'un règlement spécifique, nombreuses sont celles qui considèrent la baignade seins nus comme autorisée. C'est le cas de Milvignes. "Nous n'avons aucune réglementation en matière de topless, aussi bien sur les rives d'Auvernier que sur celles de Colombier", explique Marlène Lanthemann, présidente de la commune et magistrate en charge de la sécurité publique. "Ce qui signifie que le topless est autorisé; nous n'avons d'ailleurs à ce jour rencontré aucun problème."

Dans d'autres communes interrogées, la réponse n'est pas si claire. Soit de nouveau parce qu'il n'existe pas de règlement spécifique, soit parce que le règlement n'est pas suffisamment précis, se contentant d'évoquer l'exigence d'une tenue correcte, appropriée ou décente. Un torse féminin nu serait-il indécent? La question est "casse-gueule" en politique, souffle à la RTS un municipal. D'autres se contentent de répondre que cela n'a jamais été discuté par les autorités.

Enfin, certaines communes se montrent plus strictes. A l'image de Grandson (VD), dont le règlement général de police interdit le nudisme sur le territoire public communal, en particulier sur toutes les plages publiques. Et qui estime que la pratique du topless pourrait être traitée aux mêmes conditions que le nudisme. Pour rappel, la commune était par le passé particulièrement prisée par les amateurs de naturisme et a décidé de sévir.

Mais Grandson n'est pas seule. Mieux vaut éviter d'enlever le haut à Bienne ou sur la plage des Îles à Sion où s'exposer seins nus n'est pas toléré.

"Par respect pour les familles et les enfants"

A Genève, le topless a fait parler de lui ces dernières années. Jusqu'en 2017, rien n'interdisait aux femmes de bronzer seins nus au bord du lac ou du Rhône, mais un règlement datant de 1929 proscrivait la baignade dans le lac ou le fleuve "sans être vêtu d'un costume ou caleçon de bain approprié à chaque sexe".

>> Revoir le reportage du 19h30 à ce sujet :

La pratique du topless a perdu de l'engouement ces dernières décennies. [RTS]
GE: un règlement interdit la baignade seins nus pour les femmes, mais pas le topless sur les rives / 19h30 / 2 min. / le 19 juillet 2016

A la suite d'une pétition dénonçant la verbalisation de baigneuses, le Conseil d'Etat genevois a modifié le règlement. "Il est interdit de se baigner dans le lac (à partir des berges), le Rhône et les rivières sans être vêtu d'un costume de bain (maillot ou caleçon)", spécifie désormais le texte.

La majorité des communes genevoises bordées par le Léman ou par des rivières autorisent ainsi la pratique du topless. Mais pas Dardagny où le maire estime que les femmes ne doivent pas enlever le haut sur la plage inaugurée l'an dernier "par respect pour les familles et les enfants". Il reconnaît toutefois qu'il n'y a pas de base légale claire à cette volonté. "Personnellement, cela ne me choque pas", explique Pierre Duchêne. "Mais dans un lieu public, j'estime qu'on doit avoir une certaine décence vis-à-vis de tout le monde", indique le maire.

La notion d'indécence dénoncée

A Dardagny, tout comme dans d'autres communes dont Préverenges (VD) et Morat (FR), on note cependant que la plage est peu voire pas fréquentée par des adeptes du topless. La tendance des seins nus a fortement diminué chez les jeunes femmes, avancent même les autorités de Morat.

Chez nos voisins européens, une étude parue la semaine dernière confirme cette observation: 22% des Françaises ont déjà enlevé le haut sur la plage, contre 28% il y a dix ans et 43% en 1984, indique l'enquête de l'Institut français d'opinion publique (Ifop) réalisée sur plus de 5000 Européennes.

Tous âges confondus, les répondantes invoquent essentiellement la peur pour la santé pour expliquer leur décision d'éviter le monokini. Les femmes de 18 à 25 ans citent quant à elles la crainte du harcèlement, la peur qu'on critique leur corps ou encore celle que des hommes les regardent avec insistance.

En enlevant le haut, Maëlle et Duna ont décidé de faire face à cette inquiétude. "Mes tétons ne sont pas sexuels", clame Maëlle. "J'en ai marre qu'on me siffle parce que je ne porte pas de haut à la plage ou de soutien-gorge sous mon T-shirt blanc." Faisant du topless un geste militant, elles dénoncent une notion d'indécence qui serait fabriquée contre le corps des femmes. "Ce qui est indécent, c'est de regarder et sexualiser les corps, pas d'avoir un corps", estime Maëlle, décidée à banaliser le téton. Et en faire un étendard de la lutte féministe.

Cecilia Mendoza et Tamara Muncanovic

Publié