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Alexeï Navalny: "Avec des élections libres, je gagnerais contre Poutine"

Alexeï Navalny en meeting à Volgograd. [RTS - Isabelle Cornaz]
En campagne, l'opposant russe Alexeï Navalny donne une interview à la RTS / Tout un monde / 9 min. / le 13 novembre 2017
Principal opposant à Vladimir Poutine, Alexeï Navalny sera probablement empêché de participer à la présidentielle russe de mars 2018. En campagne dans le sud du pays, il a accordé une interview à la RTS.

A quatre mois de cette élection présidentielle, la situation est rocambolesque: Vladimir Poutine, qui va sans doute remporter le scrutin, n’a toujours pas annoncé sa candidature et les autres candidats ne font pas campagne pour l’instant. Le seul qui sillonne la Russie, au rythme de plusieurs meetings par week-end et avec un certain succès, est Alexeï Navalny.

Mais l'opposant n’a pas de réelles chances de pouvoir participer à cette élection après avoir été condamné à une peine avec sursis, ce qui le rend inéligible selon la commission électorale. Il semble vouloir dicter les règles du jeu avant qu'on l’empêche d’agir: faire avant l’heure la campagne présidentielle qu'on va certainement lui refuser, afin d’exister le plus longtemps possible.

Chaque meeting se transforme en une totale crise de nerfs du pouvoir.

Alexeï Navalny

"La priorité c’est que je puisse parcourir le pays à la rencontre des électeurs", explique Alexeï Navalny. "C’est une tâche pas facile en Russie, d’un point de vue logistique déjà, à cause de la taille immense du pays, et bien sûr parce qu’on ne nous laisse pas organiser ces rencontres. Chaque meeting, chaque demande d’autorisation se transforme en une lutte, en une totale crise de nerfs du pouvoir qui envoie des lettres aux étudiants et aux écoliers pour leur interdire de venir à nos meetings. Personne à part nous ne fait campagne pour cette présidentielle, ce qui semble dingue. Mais nous, nous faisons ce que nous devons faire. Nous faisons une campagne par le bas, vu que nous n’avons pas accès à la télévision."

Depuis le début de cette campagne, j’ai passé un jour sur cinq en détention.

Alexeï Navalny

Le candidat doit faire face à de nombreux obstacles et menaces depuis qu'il a lancé sa campagne il y a un an. "Un des exemples les plus parlants peut-être, c’est le fait que moi-même, depuis le début de cette campagne, j’ai passé un jour sur cinq en détention! Des dizaines de coordinateurs de nos QG ont été arrêtés. Des enquêtes pénales ont même été ouvertes. Parmi les gens qui nous soutiennent ou les membres de nos équipes, certains ont été licenciés de leur travail ou renvoyés de l’université. Et dans nos QG, surtout au sud de la Russie, certains sont même confrontés à violence, à des agressions."

Ils ont essayé de bloquer nos actions mais n’y sont pas parvenus.

Alexeï Navalny

Alexeï Navalny affirme que les autorités ne délivrent pratiquement plus d’autorisations pour qu'il puisse tenir des meetings. Mais "on trouve des subterfuges: des personnes acceptent de nous louer leur terrain privé", explique-t-il. "Dans tout le pays, il y a des gens courageux et malgré les pressions, nous poursuivons notre campagne. Le Kremlin a pris peur en voyant que pas mal de monde assistait à mes meetings, du moins plus que lors des rassemblements du parti au pouvoir. Et ils ont essayé de bloquer totalement nos actions, mais n’y sont pas du tout parvenus."

Nous nous battons pour la victoire et pour une vraie participation à ces élections.

Alexeï Navalny

Face à toutes ces embûches, l'opposant fait preuve de pragmatisme. "Je vois bien que le Kremlin ne veut pas me laisser participer, mais c’est le résultat qui est le plus important pour nous. Nous nous battons pour la victoire et pour une vraie participation à ces élections. Ces voyages que je fais dans les régions sont en train de me convaincre qu'il est possible de gagner contre ce pouvoir et contre Poutine en particulier. Si nous avions des élections libres, je suis convaincu que je gagnerais contre Poutine. Mais ce réseau politique que nous avons construit à travers le pays - nous avons ouvert 80 QG en région, nous avons 170'000 bénévoles qui participent à cette campagne - tout cela, bien sûr, a aussi une valeur pour notre travail dans le futur.

J’ai tout à fait le droit de me présenter, même si ça ne plaît pas à Vladimir Poutine.

Alexeï Navaly

Alexeï Navalny dit que ses sympathisants sont prêts à boycotter l'élection s'il n'est pas autorisé à y participer. "Selon la Constitution, j’ai tout à fait le droit de me présenter, même si ça ne plaît pas à Vladimir Poutine. Et si on m’en empêche, alors moi-même, mes sympathisants, et même ceux qui ne me soutiennent pas mais qui veulent des élections concurrentielles, nous ne reconnaîtrons pas ces élections et nous les boycotterons. Nous mènerons une campagne active de boycottage, pour que cela ne soit pas convenable d’y participer."

Je sais quels sont les risques (…), mais je n’y pense pas en permanence."

Alexeï Navalny

Celui qui veut libérer les prisonniers politiques et réformer la justice s'il est élu ne craint pas pour sa vie malgré les menaces. "Non, si tu penses à ça alors peut-être il ne vaut mieux pas faire ce que je fais. Je suis une personne normale, je sais quels sont les risques existants, je ne viens pas de la Lune, je vis ici depuis toujours. Je comprends ces risques, je les partage avec tous les activistes, mais je n’y pense pas en permanence."

>> Ecouter le reportage d'Isabelle Cornaz sur le meeting d'Alexeï Navalny à Volgograd :

Alexeï Navalny en meeting à Volgograd. [RTS - Isabelle Cornaz]RTS - Isabelle Cornaz
L'opposant russe Alexeï Navalny reste déterminé à briguer la présidence en 2018 / La Matinale / 4 min. / le 13 novembre 2017

Isabelle Cornaz/oang

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