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Un camp d'entraînement soutenu par l'Otan fait débat au Monténégro

Le massif de Sinjajevina est fait de montagnes façonnées par le pastoralisme. [CC-BY-SA - JYB Devot]
Un camp d'entraînement soutenu par l'Otan divise au Monténégro / Tout un monde / 5 min. / le 1 novembre 2022
Un projet militaire soutenu par l'Otan divise profondément le Monténégro, petit pays des Balkans qui oscille entre ses sympathies prorusses et ses aspirations européennes. Les opposants évoquent la protection des pâturages mais aussi une nécessaire neutralité face à la guerre en Ukraine.

L'armée du Monténégro et l'Otan cherchent à ouvrir un camp d'entraînement militaire au coeur de l'un des plus grands pâturages d'Europe, dans le massif de Sinjajevina. Il s'agit de montagnes à l'écosystème particulièrement riche, façonnées par le pastoralisme, que les bergers veulent préserver de la militarisation.

Les opposants ont pour l'instant réussi à bloquer le projet, mais ils restent sur leurs gardes. "Nous devons préserver Sinjajevina comme un lieu sacré, pour notre descendance", explique une bergère mardi dans l'émission Tout un monde de la RTS. "En aucun cas, il ne pourra être transformé en terrain d'entraînement militaire, jamais."

Comme elle, plusieurs dizaines d'éleveurs se mobilisent pour que cet immense plateau du centre du pays ne soit pas transformé en un camp militaire.

De premiers exercices militaires en 2019

En 2019, l'armée monténégrine avait débuté une série d'entraînements sur le plateau, avec des tirs d'obus et des explosions qui ont horrifié les habitants. Mais il y a deux ans, éleveurs et écologistes ont réussi à s'opposer au retour des militaires après avoir occupé le terrain pendant presque deux mois. Et aujourd'hui, le projet de terrain militaire est à l'arrêt faute de majorité au sein du gouvernement.

De nombreux habitants de la région restent cependant inquiets des décisions politiques à venir. "Avec ces changements de gouvernement à répétition", souligne l'un d'entre eux, "l'armée peut très bien venir ici ce soir ou demain et se mettre à tirer des obus (…) "Nous nous mobiliserons jusqu'à ce que les autorités révoquent cette décision."

Façon de vivre préservée au fil des siècles

"Sinjajevina est aujourd'hui le deuxième plus grand pâturage en Europe", rappelle un militant écologiste. "La façon de vivre et d'élever le bétail y a été complètement préservée à travers les siècles. Cet écosystème est le résultat d'une symbiose entre la nature et la présence durable des humains."

En juillet dernier, la ministre de l'Environnement a proposé de faire du vaste plateau une zone protégée. Mais le projet militaire soutenu par l'Otan divise profondément une classe politique locale et des partis soumis aux jeux d'influence entre l'Est et l'Ouest. L'ambassade du Royaume-Uni à Podgorica, notamment, soutient fortement la militarisation du plateau.

Un pays qui reste profondément divisé

Seize ans après son indépendance de la Serbie, le Monténégro reste très divisé entre pro-Occidentaux et pro-Serbes. L'adhésion du pays à l'Otan en 2017 n'a jamais été acceptée par une partie de la population qui se souvient avec amertume des bombardements de l'alliance sur le pays en 1999.

Et alors que la guerre est revenue sur le continent européen, beaucoup de Monténégrins revendiquent aujourd'hui une certaine neutralité.

"On a peur de ce qu'il peut arriver ici"

"Après l'Ukraine, nous ne voulons pas être une nouvelle victime des affrontements entre l'Est et l'Ouest", témoigne l'un d'entre eux. "Et bien sûr, qu'on a peur de ce qu'il peut arriver ici", déplore-t-il en craignant que l'armée invoque soudainement le besoin de disposer de plus de camps d'entraînement.

"Je ne comprends pas très bien comment on peut préserver la paix en préparant la guerre", poursuit cet homme de la région. "Il me semble que moins on parle de paix, plus il y a des risques de guerre."

Très présents dans les médias locaux, les défenseurs de Sinjajevina ont lancé une pétition internationale afin de pousser les autorités à abandonner ce projet militaire. En attendant, les bergers se relaient dans la montagne afin d'empêcher un possible retour des militaires.

Louis Seiller/oang

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