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Patrick Poivre d’Arvor, la chute d'un intouchable de la TV française

Patrick Poivre d’Arvor en octobre 2008. [EPA/Keystone - Yoan Valat]
Patrick Poivre d’Arvor en octobre 2008. - [EPA/Keystone - Yoan Valat]
Pendant 30 ans, Patrick Poivre d’Arvor a été le présentateur vedette du 20h de TF1. Il est désormais au coeur d’un scandale sexuel retentissant dans le monde des médias: 25 femmes ont témoigné contre lui et 17 ont porté plainte, dont 8 pour viol. PPDA, lui, nie en bloc toutes les accusations.

En février 2021, l'écrivaine Florence Porcel porte plainte contre Patrick Poivre d’Arvor et témoigne dans la presse. Elle l'accuse de l'avoir violée et astreinte à une fellation: "Je lui ai dit non à plusieurs reprises, il n'y a jamais eu aucun doute que c'était un viol."

Immédiatement, PPDA s'invite sur une chaîne du groupe TF1 pour rétablir sa vérité: "De ma vie, jamais je n'ai consenti, accepté une relation qui ne serait pas consentie, qui serait forcée, que ce soit sentimentale ou sexuelle."

La plainte est classée pour insuffisance de preuves, mais les dénégations de l'ex-star du 20h vont déclencher une avalanche de témoignages. D'autres femmes l'accusent publiquement de harcèlement, d'agression sexuelle ou de viol. "Je venais pour un entretien professionnel, il m'a imposé une fellation, je le connaissais depuis 10 minutes", dénonce l'une d'elle.

Des plaintes récentes

Jusque-là, ces femmes de 19 à 34 ans n'avaient pas témoigné, par honte ou par peur pour leur carrière. Une vingtaine d'entre elles finissent par le faire devant les enquêteurs et la moitié décident de porter plainte. Les accusations décrivant PPDA comme un prédateur sexuel se multiplient depuis un an, avec encore une nouvelle plainte déposée récemment pour un viol présumé il y a 27 ans.

Porter plainte contre la star du journal télévisé, je ne pense pas que les policiers m'auraient crue et j'aurais été blacklistée

Une des accusatrices contre PPDA

"Il m'a basculée avec ces mains sur la moquette (...) il a enlevé mon pantalon, il a enlevé son pantalon et il m'a violée. Je n'avais plus aucun réflexe", décrit ainsi une jeune journaliste invitée dans le bureau de PPDA en 1995, un témoignage diffusé jeudi dernier par le magazine de France 2 Complément d'enquête et repris par l'émission de la RTS Temps Présent. Et d'ajouter qu'elle n'a pu en parler à personne à l'époque, ni porter plainte: "Porter plainte contre la star du journal télévisé, je ne pense pas que les policiers m'auraient crue et j'aurais été blacklistée, je n'aurais plus eu de travail nulle part."

Durant longtemps, les plaintes sont classées pour prescription ou absence d'infraction, mais en décembre dernier, la justice ouvre une nouvelle instruction et d'autres femmes dénoncent à nouveau le comportement de PPDA. Florence Porcel s'est constituée partie civile afin de provoquer la saisine d'un juge pour enquêter de nouveau sur les faits non prescrits dénoncés. Une deuxième enquête pour viol est en parallèle menée à Nanterre pour des faits apparaissant prescrits.

Je n'aimais pas me retrouver toute seule dans la rédaction

Une des accusatrices de PPDA

Pendant ce temps, les nouvelles révélations et les témoignages continuent dans les médias, certaines femmes dénonçant aussi des faits récents. "Je n'aimais pas me retrouver toute seule dans la rédaction, je savais à coup sûr qu'il allait venir, me caresser le cou en disant 'Quand est-ce qu'on part en week-end?'", dénonce une ancienne stagiaire de Radio Classique.

PPDA porte plainte pour dénonciation calomnieuse

Star de l'information durant 30 ans, avec 10 millions de téléspectateurs quotidiens, Patrick Poivre d’Arvor était le présentateur préféré des Français, passant pour un journaliste surdoué, un écrivain romantique et un simple séducteur. Aujourd'hui semble se présenter une face bien plus sombre du personnage, qui a été peu à peu écarté des cercles mondains et littéraires qu'il avait assidûment fréquentés jusque-là, mais aussi de toute activité journalistique.

PPDA, lui, reste sur la même ligne de défense. La semaine dernière, il a encore déposé une plainte avec constitution de partie civile pour dénonciation calomnieuse contre 16 femmes ayant auparavant porté plainte contre lui pour violences sexuelles ou harcèlement sexuel.

D'après des passages publiés par franceinfo, il y fustige le "lot d'excès et de dérives" du mouvement social #MeToo. Il décrit aussi "un retour du puritanisme et de la censure, habilement parés de la prétendue protection des femmes". A ses yeux, les 16 accusatrices sont des femmes "éconduites ou ignorées", nourrissant une "amertume qui les conduit à commettre, par vengeance tardive, le délit de dénonciation calomnieuse".

"On ne peut pas accuser faussement et impunément", avait commenté son avocat dans la presse. Le journaliste avait déjà déposé une plainte similaire en février, classée sans suite.

Comme deux plaintes sont désormais en cours d'instruction par la justice, ce sera à celle-ci de trancher.

Frédéric Boillat avec afp

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