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Joe Biden: retour vers le futur

C’est un récit très hollywoodien en somme : Joe s’est envolé dans la « DeLorean » de Zemeckis. Il est retourné à l’année 2017 pour tenter de réparer les dégâts !

La mission est difficile mais pas impossible. En politique étrangère, Joe Biden pourra compter sur un talentueux pilote en la personne d'Antony Blinken, Européen de cœur et d’expérience qui saura conduire une diplomatie bienveillante envers les amis de l’Amérique et soucieuse de compromis avec ses adversaires. « America is back », a décrété Joe Biden. Le retour des Etats-Unis dans les Accords de Paris sur le climat est une première étape. Un geste aussi spectaculaire que le fut le retrait opéré par Trump du même accord. L’épisode inaugurait alors la saison déraisonnable. Le choix de Biden ouvre une ère nouvelle.

André Crettenand - 2019. [RTS - Jay Louvion]
André Crettenand - 2019. [RTS - Jay Louvion]

Mais tout reste à faire. Et plus qu’on ne l’imagine car ces dernières semaines, Trump et son âme damnée Mike Pompeo se sont ingéniés à embrouiller les choses et à mener toute action qui entraverait l’action de Joe Biden. Une véritable politique de la terre brûlée.

Qu’on en juge, pour le seul mois de janvier.

Cuba : l’île a été inscrite sur la liste noire des pays qui soutiennent le terrorisme en raison de ses liens avec le Vénézuela de Nicolas Maduro. Il s’agit de compliquer tout retour au dialogue initié par Barack Obama.

Taïwan : les restrictions de contact entre officiels américains et taïwanais ont été levées. C’est une sorte de reconnaissance officielle de l’île, mais qui constitue une véritable provocation à l’endroit de la Chine. C’est le but recherché.

Yémen : les rebelles houthis, soutenus par l’Iran, ont été déclarés « organisation terroriste », au grand dam des humanitaires dont les opérations de secours aux civils vont être entravées, voire interdites. Mais le geste vise l’Iran bien sûr. La perspective de nouvelles négociations sur le nucléaire n’enchantait pas l’administration Trump.

Chine : la semaine dernière encore, toute une série de sanctions ont été décrétées contre les entreprises chinoises. Et à quelques heures de son départ, Mike Pompeo a accusé la Chine de génocide contre les Ouïghours, contraignant la future administration de Biden à prendre position.

Toutes ces mesures ultimes n’avaient d’autres buts que d’entraver l’action du nouveau président. Joe Biden y répond par un programme « éclair » de décrets. Un « Blitz de 10 jours », pour reprendre l’expression du New York Times, destiné à frapper les imaginations et à remettre l’Amérique sur la bonne voie. En politique étrangère, il faudra un peu plus de temps pour rétablir un courant normal. « America is back » mais aussi « Back to the future ». Tout se passe comme si on reprenait tout au début, il y a 4 ans. Une expérience éprouvante dont on ne sait si les uns et les autres auront tiré toutes les leçons. Il y a 4 ans, Trump avait commencé son mandat par quelques jours de vacances. Il faudra oublier les comparaisons. Etonnant de voir comment nous avons de la peine à nous vider la tête de Trump et passer à autre chose. « Sleepy Joe », le mal nommé, l’homme tranquille, est bien parti pour réveiller le monde.

Méfions-nous pour autant d’une lecture binaire : le bien, actuel, contre le mal d’autrefois. Pas d’illusion rétrospective. Pas de désir inconsidéré. Les Etats-Unis gardent l’ambition si ce n’est d’un gendarme, en tous cas d’un leader du monde. Ils se méfieront encore de la Chine, de ses intentions hégémoniques et de ses nouvelles ambitions, et avec laquelle ils sont engagés dans une guerre froide. Ils resteront prudents envers la Russie qui mène ses incursions dans le cyberespace, ils seront exigeants avec l’Iran, ils ne seront pas béats devant l’Union européenne.

A Genève, centre choisi du multilatéralisme, les organisations internationales ne cachent pas leur soulagement après des années de cauchemar (voir le reportage de Nicolas Vultier). Elles sont impatientes de retrouver un partenaire normal. Les Etats-Unis reviennent dans l’OMS, ils devraient réinvestir l’OMC. La Genève internationale a tout à gagner d’un climat apaisé. Tout à gagner de la sérénité qui sied aux échanges. Du respect des autres. Oserais-je ajouter : des bonnes manières. Toutes choses dont on avait perdu l’habitude et le plaisir.

André Crettenand

andre.crettenand@rts.ch

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