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Transformer les défunts en "compost", un rite qui tente de se faire une place

Le défunt est enterré avec trois mètres cubes de copeaux de bois, qui doivent aider la décomposition hygiénique des matières organiques. [Info Humusation]
La légalisation du compostage humain / La Matinale / 3 min. / le 7 janvier 2019
Des associations militent pour le droit à l'humusation, un processus qui consiste à transformer le corps des défunts en compost. La Belgique, en pionnière, veut accueillir cette pratique post-mortem dans son cadre législatif.

Etre enterré dans un cercueil ou être brûlé dans le four d'un crématoire: le choix de sépultures qui s'offre aux défunts pourrait s'enrichir bientôt d'un nouveau rite, l'humusation.

De poussière... à poussière

Ce processus vise à transformer le corps défunt en humus, une matière proche du compost obtenue par la décomposition de la matière organique. A cette fin, le corps est placé dans un drap et recouvert de trois mètres cubes de copeaux de bois humidifié. La chaleur dégagée par ces copeaux éliminera les germes pathogènes et les parties molles du corps.

Les os ou les dents seront, eux, détruits par des professionnels. Un an après, le "compost" est prêt: du défunt et des copeaux, il restera un mètre cube d'humus qui pourra fertiliser une centaine d'arbres.

>> Voir aussi le sujet du 19h30 sur l'humusation :

Ecologie: l'humusation, ou les morts compostables
Ecologie: l'humusation, ou les morts compostables / 19h30 / 3 min. / le 11 janvier 2018

Bientôt une loi en Belgique?

Si l'humusation ne tombe pas encore sous le coup d'une législation, la Belgique a choisi de prendre les devants. En novembre dernier, le parlement bruxellois a adopté une ordonnance en faveur de l'humusation comme mode légal de sépulture.

"On a obtenu le financement des tests scientifiques, actuellement en cours, par le ministre de l'Environnement de la Wallonie", explique Francis Busigny, président de la fondation belge "Métamorphose pour mourir". "Il n'y a aucun raison que cela ne fonctionne pas. Il faut juste un petit temps pour que les gens voient le résultat, et créer le cadre légal pour que ce soit fait dans les règles de l'art", affirme-t-il.

Dès l'obtention des résultats scientifiques, les autorités pourront mettre en place des arrêtés d'application. Aux Etats-Unis, dans l'Etat de Washington, le sénateur démocrate Jamie Pedersen souhaite lui aussi légaliser cette pratique.

Sur la vague de l'écologie

Face aux rites funéraires qui s'offrent actuellement au défunt - crémation ou inhumation - l'humusation se veut une option plus écologique et plus économique. Mais pour la thanatologue Alix Noble-Burnand, l'humusation est discutable au niveau idéologique.

"Il y a du politiquement correct derrière, une idéalisation du corps liée au développement durable", estime-t-elle. "On est très 'juste' quand on fait ça."  D'autres problèmes peuvent se poser, à en croire la thanatologue, notamment "la gêne du corps qui disparaît lentement mais qui est toujours là." "Notre culture a beaucoup de mal à accepter cette notion", souligne-t-elle.

Se distinguer... jusqu'au bout

Choisir ce procédé est également une façon de s'affirmer jusque dans la mort. "L'humusation rejoint le mouvement transversal de la personnification des obsèques", observe le socio-anthropologue Martin Julier-Costes. "C'est une énième marque d'un individu qui dit: 'Je veux marquer mon originalité et ma singularité d'individu jusqu'au bout', en souhaitant l'humusation ou quelque chose d'encore plus original. C'est aussi une manière de se démarquer et de correspondre un peu plus à des valeurs écologiques."

Si l'humusation est légalisée, quelque 3000 candidats au compost post mortem se disent prêt à y recourir en Belgique. Quant aux services de pompes funèbres privés ou publics, ils devront sans doute revoir leur fonctionnement pour faire face à ces obsèques d'un nouveau genre.

Natacha Van Cutsem/kkub

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