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La Suisse reste le "grand-père des paradis fiscaux du monde"

La Suisse et les Etats-Unis occupent les deux premières places du classement mondial sur le secret bancaire de l'organisation non gouvernementale Tax Justice Network (TJN), qui utilise des termes peu flatteurs pour la Confédération.

Alors que la controversée liste noire des paradis fiscaux de l'Union européenne vient d'être réduite à neuf pays, allant de Macao à la Barbade mais sans la Suisse et les grands Etats, TJN, qui réalise la sienne tous les deux ans, mais ne fait également pas l'unanimité (voir encadré ci-dessous), propose un classement radicalement différent.

"Contrairement à d’autres, la liste n’est pas fondée sur des décisions politiques", critique TJN, dont l'étude entend dépasser la simple liste des paradis fiscaux pour analyser l'opacité financière en combinant deux facteurs: la transparence (échange automatique d'informations ou pas) et la taille du secteur financier.

L'indice mesure ainsi l'impact mondial du pays concernant la criminalité financière, l'évasion fiscale et le blanchiment d'argent.

La Suisse entre argent noir et argent blanc

Au final, la Suisse conserve son premier rang dans l'opacité financière mondiale, TJN estimant dans un long article consacré à la Confédération qu'elle est "le grand-père des paradis fiscaux du monde, l'un des plus grands centres financiers offshore du monde et l'une des plus grandes juridictions secrètes".

L'ONG relève toutefois que la Suisse a réalisé certains progrès ces dernières années, notamment en acceptant d'adhérer à l'accord d'échange automatique de données mis en place par l'OCDE, mais que ces efforts restent lents et rares et qu'elle continue à privilégier les plus riches (voir aussi le débat d'Infrarouge ci-dessous).

TJN parle ainsi d'une politique helvétique à deux vitesses: "argent blanc pour les pays riches et puissants, argent noir pour les pays vulnérables et les pays en développement". La Suisse aurait ainsi mis en place une coopération exemplaire avec les pays occidentaux, avec de l'argent propre, mais agirait autrement avec les pays émergents, avec de l'argent plus sale. Et de conclure: "Les Suisses échangent des informations avec les pays riches s'ils le doivent, mais continuent à offrir aux citoyens des pays plus pauvres la possibilité d'échapper à leurs impôts."

Une lutte que dans un sens aux Etats-Unis

Si TJN est également peu tendre envers certains Etats européens comme le Luxembourg et l'Allemagne, elle adresse aussi d'amples critiques aux Etats-Unis, deuxièmes du classement. Elle juge la progression constante des Etats-Unis dans le classement "inquiétante" et dénonce leur refus de se joindre à l'accord de l'OCDE sur l'échange automatique.

Pour l'ONG, les Etats-Unis mettent de grands moyens pour se défendre contre l'évasion fiscale à l'étranger, et notamment en Suisse, mais "ils ne se sont pas sérieusement attaqués à leur propre rôle pour attirer les flux financiers illégaux et soutenant l'évasion fiscale".

La très forte augmentation de la part de marché des Etats-Unis dans les services financiers à l'étranger est notamment pointée du doigt, surtout dans certains Etats très opaques comme le Delaware, le Wyoming et le Nevada, qui mènent à ses yeux une politique fiscale jugée "agressive".

>> Voir aussi le débat d'Infrarouge intitulé "Davos: les riches prêts à partager?" :

Davos: les riches prêts à partager?
Davos: les riches prêts à partager? / Infrarouge / 60 min. / le 24 janvier 2018

Frédéric Boillat

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Qui est le TJN?

L'organisation non gouvernementale Tax Justice Network (TJN) a été fondée en 2003 par le Britannique John Christensen, un diplomate militant de la première heure contre les centres offshore et paradis fiscaux, relatait Le Monde début 2017.

Certains experts dénoncent ainsi son parti pris idéologique, notamment parce que l'association ne se borne pas à utiliser des critères quantitatifs, mais prend aussi en compte des données qualitatives.

Reste que ces données, si elles sont loin de celles de l'OCDE ou l'Union européenne, se veulent une autre approche de l'opacité financière et certaines organisations importantes les reconnaissent et les mentionnent, comme l'Oxfam ou Transparency International par exemple.

>> Voir aussi le commentaire sur Twitter de l'eurodéputée écologiste Eva Joly:

La liste publiée par @TaxJusticeNet démontre - si c’était encore nécessaire - l’absurdité de la liste noire européenne des #ParadisFiscaux ; une liste biaisée élaborée dans l’opacité et ne répondant qu’à une logique d’arrangements politiques https://t.co/crdL5BnT1r

— Eva Joly (@EvaJoly) 31 janvier 2018

Le classement de TNJ

1. Suisse
2. Etats-Unis
3. Iles Caïmans
4. Hong Kong
5. Singapour
6. Luxembourg
7. Allemagne
8. Taiwan
9. Emirats arabes unis
10. Guernesey
11. Liban
12. Panama
13. Japon
14. Pays-Bas
15. Thaïlande
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23. Royaume-Uni
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25. France
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28.Chine
29.Russie
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35.Autriche
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41.Italie
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46.Liechtenstein