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Les petits producteurs, pas toujours gagnants face à la hausse du prix de l’électricité

Quel sera le prix de l'électricité en 2024? [Depositphotos - AndreyPopov]
Electricité plus chère: et les petits producteurs? / On en parle / 8 min. / le 8 septembre 2023
Les petits producteurs pourraient potentiellement bénéficier de la hausse des tarifs de l'électricité en 2024, mais le prix de leur énergie dépend de nombreux facteurs techniques, géographiques, saisonniers et politiques. Comment s’y retrouver?

L’augmentation du prix de l’électricité en Suisse en 2024, de 18% en moyenne, pourrait potentiellement faire quelques heureux parmi les petits producteurs et productrices indépendants ayant posé sur leur toit des panneaux solaires, qui réinjectent souvent une partie de l’électricité produite dans le réseau.

Interrogé en novembre 2022 par On en parle, l’enseignant retraité Ulrich Moser a installé 26 panneaux photovoltaïques sur son toit à La Chaux-de-Fonds. Il se plaignait alors de son fournisseur, Viteos, car il recevait très peu d’argent pour l’électricité produite sur son toit, tandis que l’électricité qu’il achetait chez ce même fournisseur augmentait fortement. Un an plus tard, Ulrich Moser fait partie des chanceux, car Viteos double presque le prix de rachat de l’électricité des petits producteurs, de 13 à 24,5 centimes le kilowattheure.

Pour Diego Fischer, membre du comité de VeSe, l’Association des producteurs d'énergie indépendants, cette augmentation est spectaculaire. "Les autres producteurs sont plutôt entre 15 et 20 centimes le kilowattheure", précise-t-il dans l’émission On en parle.

L’achat et la vente d’électrons, deux marchés complètement différents

La différence entre le prix d’achat et le prix de vente de l’électricité reste cependant très grande. Si Viteos achète le kilowattheure 24,5 centimes à Ulrich Moser, le fournisseur vend son électricité plus chère encore à la population, à 42,5 centimes. Une différence due notamment au fait que le prix de l’électricité consommée chez soi comprend les coûts d’utilisation du réseau et diverses taxes.

Mais cela n’explique pas tout. Le prix d’un électron varie en fonction de sa provenance et de ses conditions de production. Ainsi, un électron solaire, produit localement avec une garantie d’origine, un électron fabriqué à partir de nucléaire français et un électron fabriqué avec du charbon allemand possèdent des prix différents. Enfin, les saisons influencent elles aussi le prix de l’électron. Un producteur photovoltaïque produit et vend beaucoup de courant en été, soleil oblige. Mais, en été en Suisse, les besoins en électricité ne sont pas très élevés. Comme son courant n’est pas très demandé, il n’est pas très cher.

Interrogés, plusieurs distributeurs insistent sur le fait que l’achat et la vente de courant soient deux marchés complètement différents. Si Diego Fischer, qui défend les producteurs indépendants, est d’accord, il rappelle la réalité du terrain, qui est celle des conseils d’administration et des opérateurs électriques. Deux entités aux mains des collectivités publiques mais aussi des actionnaires privés, ce qui implique un mélange d’intérêts et de visions politiques.

Un prix garanti dans le futur

Face à ces différents acteurs, les producteurs indépendants comme Ulrich Moser tentent de faire pression en écrivant dans la presse et en posant des questions. Il souhaite prévoir son avenir à long terme. "Les prix dépendent des cantons, des communes des fournisseurs d’énergie. C’est une mosaïque incroyable. Ce qu’il serait logique, c’est qu’il y ait un prix unique garanti."

La Loi sur l’Energie est actuellement débattue au Parlement. Elle devrait aboutir à l’horizon 2025 à un prix de reprise garanti sur plusieurs années. Il est question de 9, voire 10 centimes. Le distributeur Groupe E soutient l’idée. Viteos, de son côté, n’a pas attendu et prévoit de garantir déjà 12 centimes minimum pour plusieurs années. A Lausanne, les Services industriels promettent 10 centimes jusqu'en 2032.

"Si les 24 centimes proposés par Viteos sont un tarif unique pour 2024, nous n’aurons rien gagné. Il est important que les personnes investissant sur 30 ans dans leurs installations puissent prévoir ce qui les attend les années suivantes et qu'ils puissent amortir leurs installations sur la durée", conclut Diego Fischer.

Sujet radio: Mathieu Truffer et Bastien Von Wyss

Adaptation web: Myriam Semaani

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