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Jour 8, l'audacieux Gaston, les jambes lourdes de Thiem, la paire italienne et la pression sur Svitolina

Belle tape dans les mains entre les deux guerriers du Chatrier, Dominic Thiem et Hugo Gaston. [AFP - Stéphane Allaman]
Belle tape dans les mains entre les deux guerriers du Chatrier, Dominic Thiem et Hugo Gaston. - [AFP - Stéphane Allaman]
La fin de dimanche aura été marquée par un gros bras de fer entre l'improbable Hugo Gaston et Dominic Thiem, mais la journée a été riche en rebondissements, avec la victoire de Jannik Sinner sur Alex Zverev, et surtout dans le tableau féminin, où Martina Trevisan réalise des miracles et où Elina Svitolina se retrouve très attendue.

HOMMAGE À GASTON: oui, il fallait commencer ce carnet par un hommage à Hugo Gaston, le formidable "emberlificoteur" de Toulouse qui, deux jours après avoir battu Stan Wawrinka, a bien failli se payer un autre vainqueur de Grand Chelem, Dominic Thiem en l’occurrence, avant de se briser sur le fil (4-6 4-6 7-5 6-3 3-6). Avec son tennis rafraîchissant, ses amorties géniales et sa délicieuse patte gauche, le 239e mondial (né en l’an 2000!) - qui a mérité la belle tape dans le main de son bourreau ainsi que l'ovation que celui-ci a demandée au public - vaut bien mieux que son classement et a tout pour aller plus loin. Ne reste plus qu’à lui souhaiter d’y parvenir. Il serait trop dommage que son jeu audacieux et sa fraîcheur demeurent sans lendemain.

LA QUESTION: posée par L’Equipe à ses lecteurs: "Hugo Gaston a-t-il le potentiel pour intégrer prochainement le Top-10 mondial?" Entre nous, on était à deux doigts de répondre que c’est couru d’avance et que le bonhomme va bien évidemment battre les records de Federer, Nadal et Djokovic. Non, plus sérieusement, c’est affligeant. Lire ceci au réveil ce matin pique encore le yeux. Cela n’apporte strictement rien au joueur. Ce n’est pas tant que l’on conteste le talent du bonhomme, mais plutôt de devoir constater que la presse de l’Hexagone, encore une fois, une fois de plus, une fois de trop (mais hélas avant encore bien d’autres fois de trop), transforme un athlète prometteur en champion avant l’heure. Bien avant l’heure même, en l’occurrence. Comment en effet oser poser une telle question alors que le sympathique Gaston n’avait jamais gagné un match sur le circuit avant ce tournoi et qu’il vient de perdre non pas en finale, mais en 8e? Bien sûr, on souhaite tout le meilleur à l’intéressé, surtout que, comme écrit plus haut, son tennis est enthousiasmant. Mais là, cette interrogation nous rappelle un peu cette histoire de "nouveaux Mousquetaires"... Nouveaux Mousquetaires qu’au final on n’a jamais vus.

THIEM EST CUIT: apparu plutôt très en jambes en 1re semaine, avec aucun set égaré lors de ses 3 premiers tours, alors qu’il avait notamment affronté Marin Cilic et Casper Ruud, Dominic Thiem semble complètement à bout au moment où le tournoi entre dans sa phase la plus intéressante. Considéré comme le 3e favori derrière Novak Djokovic et Rafael Nadal, l’Autrichien a montré des signes de fatigue dès la 3e manche de son match contre Hugo Gaston. La suite n’en a été que plus dure pour lui qui débarque en quarts de finale sur les rotules. Difficile désormais de croire qu’il pourra enchaîner l’original "back-to-back" US Open-Roland-Garros. Surtout que Diego Schwartzman, son prochain adversaire, s’est pour sa part promené contre Lorenzo Sonego (6-1 6-3 6-4).

L’ÉMOTION TREVISAN: on ne cache pas avoir un gros coup de cœur pour Martina Trevisan, l’Italienne revenue de très loin et qui illumine cette quinzaine parisienne. L’actuelle 159e mondiale, qui a surmonté des problèmes d’anorexie pour finalement percer "sur le tard" (elle a 27 ans), a renversé Kiki Bertens, pourtant spécialiste de terre battue, pour signer ainsi son premier succès sur une joueuse membre du Top-10. Courageuse et audacieuse, elle qui n’avait jamais pris part à Roland-Garros vit un rêve éveillé. Et devant les journalistes qui lui parlent d’argent, elle préfère parler du jeu et de son bonheur. "Même si c’est vrai que d’aller en quart de finale, c’est aussi important pour les sous", rit-elle. Avant de se décrire comme "une personne normale, qui aime bien aller boire des coups". Quant à savoir si elle a un message à faire passer à ceux qui, comme elle, souffrent, Trevisan est claire: "Restez concentré sur vos rêves et n’abandonnez jamais!"

L’AUTRE JANNIK: comme sa compatriote Trevisan, Jannik Sinner réalise une quinzaine de folie. Lui qui n’avait, lui non plus, jamais disputé Roland-Garros, a détruit les ambitions d’un Alexander Zverev aussi débordé que fiévreux (6-3 6-3 4-6 6-3). Le tennis de Sinner est renversant, sa confiance en lui aussi. Tout juste âgé de 19 ans, le prodige de San Candido devient le 1er joueur à atteindre les quarts de finale Porte d’Auteuil à sa 1re participation depuis un certain Rafael Nadal en 2005. Ca tombe bien, c’est justement l’Espagnol que le jeune Jannik affrontera mardi. Sans trembler. "Je suis ravi de ce challenge, lâche-t-il. Je suis aux anges. Mais je sais, aussi, que dans ma carrière il y a encore beaucoup à faire." Talentueux, et humble en plus.

LA TEMPÉRATURE DE ZVEREV: la fièvre de Sascha Zverev a d’ailleurs été un sujet de débats pour les journalistes qui, somme toute, s’ennuient comme des rats morts à Paris. La psychose autour du Covid-19 est telle qu’on a même pu lire sur Twitter un journaliste écrire que "si Zverev a joué en étant contaminé, c’est impardonnable". Oui, oui, vous avez bien lu. Pas de doute: les gens sont dingues.

RAFA LA DALLE: même si Sinner peut proposer autre chose que tous ceux qui ont jusque-là croisé le chemin de Rafael Nadal dans ce tournoi, on a le droit d’avoir un peu peur pour l’Italien, qui s’apprête à affronter un "Matador" fort inspiré. Hier encore en atomisant Sebastian Korda (6-1 6-1 6-2), "Rafa" a montré qu’il a "la dalle" et qu’il est en mission dans cette quinzaine. Sur ses 3 derniers matches, le No 2 mondial n’a lâché que 12 jeux. Le tarif est impressionnant mais ne le réjouit toutefois pas. "Oui, je suis en quarts de finale sans avoir perdu le moindre set et en ayant obtenu des résultats assez secs, mais les conditions ne sont vraiment pas idéales pour moi, pour mon style de jeu et c’est bien la réalité", soupire-t-il.

LE FLOP DE HALEP: on l’attendait volontiers dans le dernier carré, peut-être même au sommet du tournoi comme il y a 2 ans. Mais Simona Halep est apparue totalement à l’ouest contre Iga Swiatek. Balayée comme rarement dans sa carrière (1-6 2-6), la Roumaine, qui aurait pu redevenir No 1 mondiale au terme de la quinzaine, n’a pas touché une "bille" ni même pensé une seule seconde pouvoir trouver la solution contre une Polonaise transfigurée. Au moins a-t-elle eu le mérite de louer la prestation de son adversaire. "Tout le mérite revient à Iga, qui a joué de manière incroyable, a joliment relevé "Simo". Elle était partout, elle frappait toutes les balles très puissamment. Franchement, je ne pouvais pas faire grand-chose de mieux que ce que j’ai fait. Elle m’a dominée en étant très agressive." Et face à un journaliste lui demandant si elle allait pouvoir se remettre de ce genre de défaites, Halep s’est montrée rassurante. "Je vais prendre un chocolat et ça ira mieux demain…" Qu'elle passe donc par la Suisse!

SWIATEK, LE SOUVENIR DE 2018: voici deux ans, nous l’avions vue à Wimbledon, où elle avait battu Leonie Küng en finale du tournoi junior. Et voilà qu’aujourd’hui Iga Swiatek se retrouve en quarts de finale de Roland-Garros, chez les grandes, en ayant pleinement mérité sa place. Le phénomène polonais est en marche. Âgée de 19 ans seulement, la native de Varsovie a pris une revanche cinglante sur Simona Halep, laquelle l’avait battue en… 8es de finale ici-même l’an dernier. Avec la manière, la droitière poursuit une route superbe dans cette quinzaine, puisqu’elle avait notamment écarté de son chemin Su-Wei Hsieh et Eugenie Bouchard. Prochain rendez-vous: mardi contre Trevisan.

LA PROMENADE DE SVITOLINA: la presse française promettait l’enfer à Elina Svitolina, l’Ukrainienne étant appelée à affronter Caroline Garcia… Ce dimanche n’a pourtant été qu’une promenade pour la compagne de Gaël Monfils, qui a évolué trois étages au-dessus de son adversaire (6-1 6-3). Elle dit être inspirée par son compagnon pour "marcher" sur la Française. "Je sais combien il adore jouer ce tournoi alors cette année je joue autant pour lui que pour moi", déclare-t-elle. Reste maintenant à savoir si elle est consciente que dans la dernière ligne droite et avec toutes les têtes qui sont tombées, Svitolina se retrouve favorite sur le papier. "Bien sûr, je suis la meilleure tête de série encore en lice et on peut considérer que je dois gagner ce tournoi, mais je ne vois pas les choses ainsi, témporise-t-elle. Toutes les filles qui sont encore dans le tableau méritent d’être là. Si elles en ont battu des mieux classées, ce n’est pas pour rien. Je vais éviter de me mettre trop de pression sur les épaules." Certes, mais elle est bien la favorite…

UNE QUALIFIÉE TRES QUALIFIÉE: sortie presque de nulle part, Nadia Podoroska n’a pas envie de quitter les feux des projecteurs. Appliquée, l’Argentine, sortie des qualifications, n’a pas laissé passer sa chance contre Barbora Krejcikova (2-6 6-2 6-3). En se rebiffant sérieusement après une manche initiale à sens unique, grâce notamment à une excellente 1re balle, mais aussi à un tennis plus complet que son classement ne l'indique, la joueuse de 23 ans a montré qu’elle avait une grosse force de caractère. Peut-elle pousser l’exploit jusqu’à faire trébucher Elina Svitolina?

LA PHRASE: elle sort de la bouche de l’ancien joueur brésilien Fernando Meligeni. Interrogé dans L’Equipe à propos du joueur le plus fou qu’il ait connu durant sa carrière, celui qui a évolué entre 1990 et 2003 sur le circuit n’a pas manqué de citer trois hommes que l’on connaît bien: "Il y avait plein de dingos gentils comme Marc Rosset ou Marat Safin, qui était imprévisible. Mais le vrai fou, c'était Goran Ivanisevic. À l'entraînement, il était capable de fracasser toutes ses raquettes. À Hambourg, il en avait détruit huit dans la même séance avec moi. Une fois, à Bercy, je l'ai vu déchirer son short ou tous ses tee-shirts dans le vestiaire. Il était dingue!"

Arnaud Cerutti, @arnaud_cerutti

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Jour 3, le baiser de Djoko, la noyade de "Kiki", la révolution italienne et le gâchis Parmentier

Jour 2, les douleurs de France, le héros genevois qui épate et le bonheur glacé de Thiem

Jour 1: Roland s'arrose, Wawrinka donne le "la" et... future corrida de Rafa?

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