Ce que nous appelons aujourd’hui la période viking (env. 793 à 1066 ap. J.C.), n’a effectivement pas livré de trace de "galdrastafir".

Comme vous le dites, ces symboles sont tirés de manuscrits islandais datant majoritairement des 18e et 19e siècles. Ces dessins semblent combiner diverses runes plus anciennes, mais cela ne peut en aucun cas constituer une preuve de l’existence de ces "galdrastafir" avant les premiers manuscrits du 17e siècle qui les contiennent. Ceux-ci semblent surtout renvoyer à deux phénomènes inhérents à la fin de l’époque moderne: les courants mystiques européens et le début des nationalismes. Au Moyen-Âge, les documents légaux relatifs aux chasses aux sorcières ne font pas mention de runes, encore moins de "galdrastafir", mais reflètent globalement des pratiques similaires à celles décrites ailleurs en Europe. Lorsque les savants commencent à s’intéresser aux runes, au 17e siècle, c’est dans un contexte de construction d’identité nationale. L’un des premiers, Johannes Bureus, les voyait comme un support pour prouver aux autres peuples européens l’ancienneté, et donc la valeur, de la civilisation suédoise – il y était un familier de la cour royale. En parallèle, fortement intéressé à l’alchimie, il pensait que les runes étaient une écriture secrète qui contenait le savoir mystique des anciens, qu’il comparait à la Kabbale juive, bien connue des milieux mystiques européens.

D’ailleurs si les runes "simples" (non-combinées en symboles) étaient utilisées en Scandinavie pré-chrétienne, elles l’étaient dans un but d’écriture et non de magie. Les premières inscriptions en runes connues datent du 3e siècle de notre ère. Elles ont été retrouvées sur des objets du quotidien, comme des outils, des broches et des armes, et elles indiquent le propriétaire de l’objet ou l’artisan qui l’a créé. Une grande partie des connaissances sur les runes viennent des pierres runiques. Les premières apparaissent dès le 5e siècle en Scandinavie, et sont érigées pour commémorer un défunt et marquer la présence d’une famille puissante dans la région. La majorité des pierres gravées connues aujourd’hui datent d’après la conversion de la Scandinavie au Christianisme. Les pierres de Jelling, au Danemark, semblent avoir lancé cette "mode"; le roi Harald les a fait ériger à la mémoire de ses parents … et en a profité pour se vanter d’avoir unifié et converti le Danemark au Christianisme. Avant et après, les pierres runiques obéissent à une structure similaire: X a fait graver cette pierre à la mémoire de Y, suivi ou non d’une liste de faits mémorables. Après la conversion, le message est souvent accompagné d’une croix ou une prière. L’écriture en caractère runique n’est donc pas limitée à l’époque pré-chrétienne; à Bryggen, en Norvège, des centaines de plaquettes de bois gravées datant du 12e au 15e siècle ont été retrouvées. La plupart font référence à des transactions marchandes, et quelques-unes sont des messages privés, comme celle qui dit "Gyda te dit de rentrer!". 

Ressources en ligne:

- Inscriptions de Bryggen

- Page sur les pierres de Jelling sur le site de musée national danois

- Musée Islandais de la magie