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Georges Bregy, le docteur ès coups francs

Bregy était aussi un maître dans l'art des penalties.
Bregy était aussi un maître dans l'art des penalties.
Georges Bregy fut l'un des leaders de l'équipe de Suisse durant le Mondial 1994 aux Etats-Unis. Le célèbre moustachu haut-valaisan, aujourd'hui représentant en assurances, voit la sélection nationale passer le 1er tour en Afrique du Sud.

Comment oublier Georges Bregy (52 ans)? Au début des années 90,
le moustachu haut-valaisan animait à merveille l'entrejeu de
l'équipe de Suisse, en compagnie du non moins génial Alain
Sutter.



Maître dans l'art du coup franc, l'ancien milieu de terrain de
Young Boys avait apporté une grande contribution à la qualification
de la Suisse pour le Mondial 1994. L'équipe nationale allait ainsi
disputer la Coupe du monde pour la première fois depuis celle de
1966 en Angleterre. Passé ensuite au métier d'entraîneur, avec
notamment une Coupe de Suisse à la clé (en 1998 avec le LS), Bregy
a quitté le monde du foot en 2003. Il est désormais représentant en
assurances à Zurich.



tsrsport.ch: - Quand on pense à vous, c'est
l'image de votre coup franc contre les Etats-Unis (1-1), pays hôte
du Mondial 1994, qui nous vient immédiatement à
l'esprit.




GEORGES BREGY: C'est mon meilleur souvenir. Je
marquais le premier but suisse en Coupe du monde depuis 28 ans, qui
plus est sur ma spécialité! Quand j'ai pris le ballon dans les
mains, je me suis dit que le gardien américain avait sûrement
analysé mes coups francs, et qu'il pensait que j'allais, comme
toujours, tirer du côté du mur. Alors j'ai essayé l'autre côté.
C'était exceptionnel. Dans ces moments-là, on ne pense pas à
grand-chose. J'étais très heureux.



tsrsport.ch: - Puis, quelques jours plus
tard, il y a eu ce match fou contre la Roumanie (4-1). La plus
belle prestation de l'équipe de Suisse dans l'histoire, selon
vous?




GEORGES BREGY: Tout le monde était en grande
forme ce jour-là. Au niveau du rythme et du pressing que nous
avions exercé, c'était une grande performance et en tout cas l'une
des meilleures parties jamais jouées par l'équipe nationale.

"Sutter nous avait manqué contre l'Espagne"

Durant le Mondial 1994, j'ai dit à ma femme de
m'oublier

Georges Bregy

tsrsport.ch:

- L'aventure s'arrêtait toutefois
en huitièmes de finale contre l'Espagne (3-0). La faute à l'absence
d'Alain Sutter, blessé?







GEORGES BREGY:

Il est certain que Sutter nous
aurait fait du bien, surtout qu'il était arrivé dans ce tournoi en
pleine forme. A l'époque, la sélection s'appuyait sur les
titulaires, qui jouaient le 80% des rencontres. Hodgson ne
modifiait son onze de base qu'en cas de force majeure. Du coup,
notre jeu s'en ressentait lorsqu'un titulaire était absent. Mais je
ne peux pas dire que notre banc manquait de profondeur pour autant,
les remplaçants mouillaient leur maillot autant que les
autres.



tsrsport.ch:

- Pourtant, on a pu lire ici ou
là que les remplaçants avaient eu le mal du pays et qu'ils
souhaitaient que le tournoi s'arrête au plus vite
.



GEORGES BREGY:

On ne peut pas vraiment dire cela.
Même si les joueurs qui n'entrent pas en jeu ont parfois des
pensées négatives, toute l'équipe voulait profiter de cette grande
fête. Certains jeunes ont toutefois peut-être manqué de grinta. Ils
pensaient sans doute pouvoir revivre pareille expérience 4 ans plus
tard. En ce qui me concerne, je m'étais investi à fond dans cette
aventure. J'avais dit à ma femme: "oublie-moi 2-3 semaines!"

"Hodgson exigeait beaucoup de moi"

De nos jours,
l'équipe de Suisse évite le contact avec le public

Georges Bregy

tsrsport.ch:

- Quelle était votre relation
avec Roy Hodgson
?



GEORGES BREGY:

Il était dur avec moi, très
exigeant. J'ai essayé de lui renvoyer l'ascenseur car c'est quand
même lui qui m'a fait revenir en équipe de Suisse après une longue
absence. Par la suite, j'ai continué à suivre sa carrière. Il a
apporté sa patte dans chaque club où il est passé. Ce qu'il est en
train de réaliser avec Fulham (réd: qualifié pour la finale de
l'Europa League contre l'Atletico Madrid) est sensationnel.



tsrsport.ch:

- L'équipe de 1994 semblait plus
proche du public que la sélection actuelle. Les footballeurs ont
tendance à devenir de plus en plus inaccessibles
.



GEORGES BREGY:

Nous étions très proches des
supporters, c'est vrai. On ne refusait jamais d'échanger 2-3
phrases avec eux à la fin des entraînements, et de signer des
autographes. Cela nous apportait beaucoup. Aujourd'hui, les joueurs
sont encasernés et s'entraînent souvent à huis clos, tout en se
faisant rares dans les médias. Personnellement, ce n'est pas parce
que je parlais à un journaliste que j'allais ensuite faire un
mauvais match. Au contraire, cela me faisait plaisir d'être
sollicité.

"La Suisse a les moyens d'aller en huitièmes"

tsrsport.ch: - Depuis votre époque, on peut
compter les buts marqués par la Nati sur coup franc direct sur les
doigts de la main. Où est le problème?




GEORGES BREGY: Hakan Yakin et Alex Frei sont
normalement chargés de réussir de tels buts. Peut-être qu'Ottmar
Hitzfeld privilégie les coups francs indirects, je ne sais pas.
Selon moi, il faut préférer le tir au but. Ce n'est pas à moi de
dire si je suis le dernier bon tireur de coup franc en sélection.
Mais il est vrai que depuis mon époque, ce genre de but tend à se
raréfier dans l'équipe nationale.



tsrsport.ch: -La Suisse peut-elle réussir une
bonne Coupe du monde le mois prochain en Afrique du Sud?




GEORGES BREGY: L'équipe a clairement les
capacités de se hisser en huitièmes de finale. C'est un avantage de
rencontrer l'Espagne en premier, car celle-ci sera peut-être encore
en phase de rodage. Le match clé sera celui contre le Chili, où il
faudra au minimum faire match nul. Quant au Honduras, si on ne bat
pas cette formation, nous n'avons rien à faire au tour
suivant.



tsrsport.ch: - Le Chili et le Honduras, eux,
clament pourtant qu'ils budgètent 3 points contre la
Suisse...




GEORGES BREGY: Ils ne connaissent sûrement pas
assez la Super League et les joueurs suisses pour dire cela. C'est
vrai qu'il ne faut pas prendre à notre tour le Honduras à la
légère, même si sur le papier, il s'agit tout de même de
l'adversaire le plus facile.

"Hitzfeld est la star de l'équipe de Suisse"

tsrsport.ch:

- Quel
regard portez-vous sur Ottmar Hitzfeld
?



GEORGES BREGY:

La star de l'équipe, c'est lui.
J'ai eu la chance de passer une semaine chez lui à Munich en 2003,
lorsque je passais mon diplôme d'entraîneur UEFA. Sa force, c'est
de faire preuve de psychologie. Il sait mettre les joueurs à l'aise
tout en leur imposant ses idées. Il sent aussi très bien quand une
de ses ouailles a besoin d'un soutien moral.



tsrsport.ch:

- Ottmar Hitzfeld peut-il se
priver d'Hakan Yakin
?



GEORGES BREGY:

Il est important que Yakin accepte
son rôle de joker, et selon ce que j'en sais, il semble d'accord.
Avec son pied gauche, il peut décider de l'issue d'un match. Si
j'étais le sélectionneur, je le prendrais dans mes bagages.



tsrsport.ch:

- Avec le recul, comment
analysez-vous votre propre carrière d'entraîneur, commencée à
Rarogne en 1994 et finie à Zurich en 2003
?



GEORGES BREGY:

J'ai vécu de bons moments, en
améliorant le classement de formations comme Rarogne en 1ère Ligue
et Thoune en LNB, qui n'étaient pas au mieux avant mon arrivée. Il
y a surtout eu ce succès en Coupe avec Lausanne en 1998. C'était
extraordinaire. Ensuite, à Zurich, j'ai connu des conditions de
travail difficiles. Le directeur sportif Erich Vogel me mettait
constamment des bâtons dans les roues. Après mon limogeage, j'avais
postulé à YB, mais c'est finalement Hans-Peter Zaugg qui avait été
choisi. J'ai alors décidé de revenir dans la vie normale et de
recommencer à travailler.

"Maintenant, je me contente de jouer"

tsrsport.ch: - Le football ne vous
manque-t-il pas?




GEORGES BREGY: Si je devais revenir dans le
milieu, ce serait uniquement comme directeur sportif. A ce poste,
on peut travailler sur le long terme et se montrer créatif.
Dorénavant, je me contente de jouer dans une équipe de vétérans à
Thalwil (réd: dans le canton de Zurich). Si je marque encore des
coups francs? Nous jouons sur des buts de juniors, plus petits,
alors j'ai tendance à envoyer le ballon aux étoiles (rires).



tsrsport.ch: - Est-il difficile de revenir à
l'anonymat, lorsque, comme vous, on a beaucoup été médiatisé à un
moment donné?




GEORGES BREGY: Non. C'est plutôt positif, car on
se sent plus libre. Mais même maintenant, on me reconnaît encore
dans la rue à Zurich, et les gens m'arrêtent parfois pour discuter.
C'est spécial.



Propos recueillis par Michaël Taillard

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"J'espère que YB ne va pas flancher"

tsrsport.ch: - Votre carrière de joueur a connu un gros coup d'arrêt en 1988. Devenu indésirable à Sion, vous aviez dû rejoindre la LNB.

GEORGES BREGY: C'était un moment très dur. A Sion, le président André Luisier m'avait accusé de comploter contre l'entraîneur, Jean-Claude Donzé, alors que c'étaient Jean-Paul Brigger et Alain Balet qui avaient organisé certaines choses. Luisier me faisait passer pour le bouc émissaire, alors que j'ai toujours fait mon travail. A cet instant, d'autres clubs me voulaient, mais Luisier leur parlait en mal de moi, ce qui les décourageait. Mais comme il me restait 3 ans de contrat, et que j'étais toujours payé, j'étais prêt à rester "parqué" à Martigny le temps qu'il faudrait.

tsrsport.ch: - Après 13 matches à l'échelon inférieur, Umberto Barberis, qui coachait alors Lausanne, vous a cependant "repêché".

GEORGES BREGY: Bertine avait besoin d'un joueur expérimenté pour encadrer des jeunes comme Stefan Huber, Dominique Herr, Marc Hottiger, Christophe Ohrel et Stéphane Chapuisat. Cela a été une belle satisfaction personnelle d'apporter ma contribution à un titre de vice-champion, avant de repartir vivre 4 autres belles années à Young Boys.

tsrsport.ch: - C'est justement à Berne que vous aviez fêté votre seul titre de champion suisse, en 1986.

GEORGES BREGY: On formait un beau duo au milieu avec le Suédois Robert Prytz, qui flambait durant le 2e tour du championnat. Nous étions vraiment une équipe en pleine confiance, mais ce n'est que sur la fin que nous nous sommes mis à songer au titre.

tsrsport.ch: - La formation actuelle de YB se retrouve dans la même situation!

GEORGES BREGY: J'ai peur qu'ils ne flanchent au plus mauvais moment, car l'équipe n'a pas encore connu de passage à vide. Mon coeur a toujours balancé entre Sion et YB, mais si les Bernois sont sacrés, cela me fera bien sûr plaisir. J'ai vécu des moments exceptionnels dans la capitale.

tsrsport.ch:- Xavier Hochstrasser peut-il être considéré comme votre digne successeur à YB?

GEORGES BREGY: Je l'espère (rires)! En tout cas, il sait bien tirer les coups francs. A lui de prouver qu'il peut en mettre encore plus au fond. C'est en quelque sorte le disciple d'Hakan Yakin, il a beaucoup appris en évoluant à ses côtés lors de sa première saison à YB.

Georges Bregy express

Boisson préférée: eau minérale et de temps en temps un bon verre de vin rouge.

Plat préféré: fondue chinoise.

Un film: Avatar.

Une musique: le pop.

Le club où vous auriez rêvé de jouer: Le Real Madrid, Barcelone ou le Bayern Munich.

Vos idoles: Diego Maradona et Johan Cruyff.

Meilleur entraîneur de votre carrière: Roy Hodgson.

La personnalité la plus célèbre dans votre répertoire téléphonique: ma femme (rires).

Meilleurs souvenirs: la naissance de mes deux enfants et la Coupe du monde 1994.

Pire souvenir: quand on m'a viré de Sion en 1988.

Une personnalité avec qui vous aimeriez prendre un café: Roger Federer. Sa longévité au plus haut niveau est impressionnante.

Le meilleur joueur du monde: Lionel Messi.

Le meilleur joueur suisse: Blaise Nkufo. Je l'aime bien car il est resté simple malgré son statut de vedette. Il a toujours prouvé qu'il pouvait s'imposer dans les différents pays où il a joué.

Meilleure qualité: mon engagement.

Pire défaut: je n'arrive pas toujours à garder mon calme.


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CARTE DE VISITE

Nom: Bregy

Prénom: Georges

Né le: 17 janvier 1958

Poste: milieu de terrain / entraineur

Parcours d'entraîneur:
1994-1995: Rarogne
1995-1998: Lausanne-Sport
1999-2001: FC Thoune
2001-2003: FC Zurich

Parcours de joueur:
1979-1984: FC Sion
1984-1986: Young Boys
1986-1988: FC Sion
1988: Martigny
1988-1990: Lausanne-Sport
1990-1994: Young Boys

Palmarès d'entraîneur:
Vainqueur de la Coupe de Suisse avec Lausanne (1998).

Palmarès de joueur:
Champion de Suisse avec Young Boys (1986).
Deux fois vainqueur de la Coupe de Suisse avec Sion (1980 et 1982).

Equipe de Suisse:
54 sélections de 1984 à 1994 (12 buts).
Participe à la Coupe du monde 1994 avant de prendre sa retraite.