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Reto Bertolotti, l'ex-zèbre devenu chef des arbitres

"J'aime avant tout la responsabilité que demande l'arbitrage".
"J'aime avant tout la responsabilité que demande l'arbitrage".
Reto Bertolotti est le personnage incontournable de l'arbitrage du hockey helvétique. L'ex-zèbre aux 800 matches de Ligue nationale, devenu chef des arbitres, livre sa vision d'une profession mal-aimée et mal en point en Suisse.

Le respect, c'est le mot-clé de Reto Bertolotti. Le Seelandais,
qui vient de fêter ses 48 ans, continue à véhiculer cette valeur en
tant que chef des arbitres helvétiques de hockey sur glace.



Avant de passer dans les bureaux, l'ancien célèbre zèbre à
moustache - il l'a rasée en public à Bienne après un pari fait
durant la Coupe Spengler 2004 - a dirigé 800 matches de Ligue
nationale et participé à 9 Championnats du monde et 9 Coupes
Spengler entre 1983 et 2005. Alors que la Suisse manque d'arbitres,
Bertolotti, qui est également instructeur IIHF, promeut sa
profession et évoque l'évolution des règles du jeu.

"L'arbitrage m'a beaucoup apporté"

La situation de
l'arbitrage est mauvaise en Suisse. Ceux qui râlent sur l'arbitre
n'ont aucune idée de ce job.

Reto
Bertolotti

tsrsport.ch:

-
Depuis 2005, vous avez quitté la glace pour devenir chef des
arbitres. Pourquoi avez-vous fait ce choix
?



RETO BERTOLOTTI:

Après plus de 20 ans dans les
patinoires, c'était le moment d'arrêter en bonne santé. De plus, on
m'a proposé ce poste, qui me permet de rester dans le milieu et
d'aider l'arbitrage qui m'a beaucoup apporté. Aujourd'hui, mon rôle
est de recruter, de former et de coacher les arbitres de la 4e
ligue à la Ligue nationale A. Depuis 2006, je suis également devenu
instructeur à la Fédération internationale, où il est très
intéressant de connaître les différentes cultures, par exemple
entre la Suède et l'Espagne.



tsrsport.ch:

- Quelle est alors la situation
de l'arbitrage en Suisse
?



RETO BERTOLOTTI:

Elle est très mauvaise! Il
manque entre 200 et 300 arbitres à la base, c'est-à-dire en 4e et
3e ligues, voire en juniors. En Suisse, il y a un véritable
problème d'image. Même si nous avons Kurmann, ou Busacca en foot,
parmi les meilleurs mondiaux, la réputation du milieu est négative.
Je comprends que se laisser insulter n'est pas agréable. Mais ceux
qui râlent sur l'arbitre n'ont aucune idée de ce job.



tsrsport.ch:

- Quelle est alors la
solution
?



RETO BERTOLOTTI:

Nous travaillons afin de changer
cette image de ce poste qui permet de faire de belles
expériences.

Les premiers Européens à avoir des arbitres pros

tsrsport.ch:

- Le
fait de professionnaliser l'arbitrage est-il une
réponse
?



RETO BERTOLOTTI:

Cela ne sera pas possible dans
les petites ligues, mais cela a permis une bonne progression en
LNA. Nous avons été les premiers à aligner des professionnels en
Europe. Les autres pays nous ont d'abord ri au nez. Une fois que
nous avons fait nos preuves, d'autres grands championnats ont
emboîté le pas. Aujourd'hui, nous avons trois arbitres pros. C'est
devenu indispensable, tellement il y a de matches.



tsrsport.ch:

- Le passage à quatre arbitres
par rencontre ne vous facilite pas la tâche..
.



RETO BERTOLOTTI:

Ce n'est pas un gros problème.
Cela ne concerne que la LNA. D'ailleurs, si on voulait faire tous
les matches de LNA à quatre, il ne manquerait que 5-6 arbitres.
Mais cette saison, notre objectif reste de donner la possibilité à
chaque directeur de jeu de se préparer pour les playoff. Le fait de
diriger un soir à trois puis le lendemain à quatre n'est vraiment
pas évident. Cela demande de changer sa façon de voir le jeu. A
trois, on suit surtout le joueur qui a le puck. A quatre, l'action
vient devant l'arbitre qui est déjà dans la zone défensive. Mais
c'est certain que l'arbitrage à quatre est une grosse progression
face à un jeu qui a gagné en vitesse.

"Depuis 2005, le hockey est un tout autre sport"

tsrsport.ch: - Vous êtes dans le milieu
depuis plus de 25 ans. Comment avez-vous vécu l'évolution de cette
discipline?




RETO BERTOLOTTI: Depuis mes débuts, cela a
évidemment beaucoup changé. Mais la plus grosse évolution a eu lieu
en 2005. Avant, c'était l'arbitre qui subissait le jeu. Depuis,
c'est l'arbitre qui change la façon de jouer, grâce à des règles
plus strictes.

tsrsport.ch:

- Justement, cette "tolérance
zéro" ne s'effrite-t-elle pas? Pour preuve: les nombreux blessés
depuis septembre
!



RETO BERTOLOTTI:

D'abord, la "tolérance zéro",
une expression créée par la presse, n'existe pas. Ensuite, depuis
2005 le hockey est un tout autre sport. Sans ce nouveau règlement,
Mark Streit n'aurait eu aucune chance de s'imposer en NHL. Les
joueurs techniques ont désormais plus de liberté. Le jeu, qui a
surtout gagné en vitesse, est devenu plus spectaculaire.



Bien sûr aujourd'hui, on réagit à la tendance des blessures, mais
elles font partie du jeu. Il faut néanmoins qu'une valeur soit
toujours considérée, celle du respect. Si un joueur cherche avant
tout à blesser un adversaire, il doit être sanctionné. Sinon, pour
prendre le cas de la charge de Shawn Heins (FR Gottéron) sur Roman
Josi (Berne), elle était correcte. Après l'analyse, on voit que le
Bernois se blesse sur la glace et non sur la mise en échec.



tsrsport.ch:

- Au niveau des sanctions
infligées par le juge unique de la Ligue, pensez-vous qu'elles ne
sont parfois pas assez sévères, au vu de la faute
commise
?



RETO BERTOLOTTI:

Ce n'est pas à moi de juger.
Mais une chose est sûre, c'est qu'il a sa ligne et qu'il la
respecte. Il me consulte souvent pour avoir mon point de vue, mais
il prend lui seul les décisions de manière très professionnelle.
Bien sûr, on pourrait donner 20 matches de suspension comme en NHL.
Mais il y a 80 journées outre-Atlantique. En Suisse, on n'en a que
50. Ainsi 3-5 rencontres de punition paraissent justes
proportionnellement.



Propos recueillis par Sébastien Clément

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"On devient toujours arbitre un peu par hasard"

tsrsport.ch - Comment êtes-vous devenu arbitre?

RETO BERTOLOTTI: On devient toujours arbitre un peu par hasard. Souvent, on te demande de diriger un match juniors, puis un autre et cela continue. Mais je ne connais personne qui veut faire ce job tout de suite. Cela doit être un hobby avant que cela soit un métier.

tsrsport.ch - Quels facteurs vous ont donné envie de poursuivre dans l'arbitrage?

RETO BERTOLOTTI: J'aime avant tout la responsabilité que cela demande. C'est également un moyen de rester dans le hockey. On peut arbitrer jusqu'à 50 ans si on est en bonne santé. Et ce métier m'a fait découvrir des endroits, des pays où je ne serais jamais allé.

tsrsport.ch - On imagine toute la pression qu'un arbitre peut avoir. Ce paramètre a-t-il été difficile à gérer?

RETO BERTOLOTTI: Cela fait partie de ce job. Le plus important est de s'y préparer. Mais la pression n'est pas que négative. Elle devient positive quand on a envie d'être bon. L'expérience joue aussi un rôle. C'est impressionnant d'être dans une patinoire pleine de bruit, surtout à Berne. Si on ne l'a pas vécu, c'est difficile à s'imaginer. Cependant, la pression est dans chaque boulot. Alors que des gens la subissent durant 8 heures par jour, un arbitre n'est "que" 3 heures face à celle-ci.

Reto Bertolotti express

Que pensez-vous du niveau du hockey helvétique: les arbitres étrangers qui viennent diriger en LNA trouvent que c'est la meilleure ligue au niveau de la vitesse. Sinon, la Suisse est à sa place au 7e rang mondial. Au lieu de regarder plus haut,elle doit surtout se protéger des nations qui sont derrière.

L'aide vidéo dans l'arbitrage: c'est une grande aide et cela enlève de la pression sur l'arbitre. Je ne comprends pas pourquoi le foot y renonce...

La corruption: il est pratiquement impossible de tricher en hockey. Une rencontre peut basculer à tout moment, tellement il peut y avoir de buts.

Le dernier match que vous avez arbitré: c'était un Canada-Tchéquie à Prague, une de mes villes préférées. De plus, j'adorais l'ancienne patinoire praguoise et Arno Del Curto était venu me voir.

Un match gravé à vie: le 7e et dernier match de la finale de 2001 entre Lugano et Zurich. Quand Samuelsson a marqué en prolongation, l'explosion de joie était très impressionnante sur la glace.

Votre pire match: la blessure de Michel Zeiter, coupé à la gorge lors d'un duel entre Zurich et Coire.

La Coupe Spengler: c'est un petit cadeau d'y participer.Cela reste une compétition spéciale, qui est plus un show. Mais l'arbitre doit faire son job.

La 1ère chose que vous faites le matin: Eh ben je vais aux toilettes...

Votre devise: il faut montrer du respect pour se faire respecter.

Le hockey, c'est: ma passion.

Si vous n'aviez pas été arbitre: j'aurais été capitaine sur un bateau.

Noël: je n'aime pas tellement cette fête. Pourquoi attendre cette occasion pour offrir des cadeaux?

Un cadeau: respecter les gens a plus de valeur que d'offrir quelque chose.

Votre salaire: c'est quelque chose qui ne se révèle pas en Suisse.