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"Nabucco" de Verdi sublimé à Lausanne par la mise en scène de Stefano Poda

"Nabucco" de Giuseppe Verdi présenté à Lausanne dans une mise en scène signée Stefano Poda. [Opéra de Lausanne - Jean-Guy Python]
"Nabucco" de Giuseppe Verdi présenté à Lausanne dans une mise en scène signée Stefano Poda. - [Opéra de Lausanne - Jean-Guy Python]
Opéra parmi les plus populaires du répertoire, "Nabucco" de Giuseppe Verdi est à voir jusqu'au 14 juin à l'Opéra de Lausanne. Esthétique et graphique, la mise en scène est signée de main de maître par l'Italien Stefano Poda.

C'est un fait. Lorsque l'on va écouter "Nabucco" de Verdi, on attend avec impatience le fameux Choeur des Hébreux, "Va, pensiero", hit célébrissime qui a dépassé depuis très longtemps le cercle des aficionados de la musique d'opéra. Dimanche soir, lors de la première de cette nouvelle production, le public lausannois n'a pas dérogé à la règle et a applaudi chaleureusement les choristes dès la dernière note de cet air envolée.

En 1842, au moment de la création à La Scala de "Nabucco", Milan est encore pour quelques années sous occupation autrichienne, mais déjà en plein Risorgimento, élan patriote qui aboutira à l'unification de l'Italie quelques années plus tard. Chant plein d'espoir du peuple juif réduit en esclavage, le "Va, pensiero" trouvera une résonnance auprès du public et sera érigé par la suite en hymne du patriotisme italien avant de devenir plus largement un symbole des peuples opprimés.

Un grand spectacle biblique

Opéra en quatre actes basé sur le livret de Temistocle Solera, le récit de "Nabucco" prend place à Jérusalem en 587 avant J.-C., au moment où les troupes du roi de Babylone réduisent en esclavage le peuple hébreu. Mais, alors qu'il se proclame l'égal des dieux, Nabucco est foudroyé par la colère divine et perd la raison. Abigaille, sa fille présumée, s'empresse de s'emparer de la couronne et de condamner à mort les Hébreux. Et c'est alors que leur sort semble scellé que prend place, à la fin du troisième acte, le fameux "Va, pensiero".

Le Choeur de l'Opéra de Lausanne chante le cultissime "Va, pensiero" dans "Nabucco" de Giuseppe Verdi présenté à Lausanne dans une mise en scène signée Stefano Poda. [Opéra de Lausanne - Jean-Guy Python]
Le Choeur de l'Opéra de Lausanne chante le cultissime "Va, pensiero" dans "Nabucco" de Giuseppe Verdi présenté à Lausanne dans une mise en scène signée Stefano Poda. [Opéra de Lausanne - Jean-Guy Python]

Mais le roi déchu et emprisonné recouvre la raison et, comprenant que sa véritable fille Fenena, convertie au judaïsme par amour, fait partie des condamnés, invoque le pardon du Dieu des Israélites. Il regagne alors son trône et libère les Hébreux. Quant à Abigaille, elle avale du poison qui lui laisse juste le temps de se repentir avant de mourir.

Un excellent plateau vocal

A Lausanne, c'est une interprétation pleine de fougue et de contrastes que propose l'Orchestre de chambre de Lausanne sous la direction efficace et enlevée du chef américain John Fiore. Du côté du plateau vocal, l'excellent niveau de l'ensemble de la distribution est à révéler, à commencer par le choeur qui tient le rôle principal. Préparé par Patrick Marie Aubert, le Choeur de l'Opéra de Lausanne propose, comme à son habitude, une prestation à la hauteur de l'événement. La présence d'une troupe de danseurs et de figurants parmi les choristes permet, en outre, d'apporter un surplus d'actions et de mouvements bienvenus sur la scène.

Abigaille, l'un des rôles les plus difficiles du répertoire, est interprété par la soprano Irina Moreva. A l'image de ce magnifique aigu chanté pianissimo qui a fait frissonner la salle dimanche, ce rôle lui permet de montrer toute l'étendue de sa tessiture. Quant à Gabriele Viviani, qui campe Nabucco, il allie avec aisance puissance vocale, virtuosité et sentiments.

"Nabucco" de Giuseppe Verdi présenté à Lausanne dans une mise en scène signée Stefano Poda. [Opéra de Lausanne - Jean-Guy Python]
La soprano Irina Moreva dans "Nabucco" de Giuseppe Verdi présenté à Lausanne [Opéra de Lausanne - Jean-Guy Python]

Un visuel esthétique et graphique

La mise en scène a été confiée à Stefano Poda. Une septième collaboration entre la maison d'opéra vaudoise et l'Italien qui, s'il était peu connu au moment de proposer "Faust" et "Ariodante" durant la saison 2016-2017, a depuis acquis une belle renommée internationale. Il vient de recevoir le Prix Abbiati 2024 de la critique musicale italienne pour son travail sur "La Juive" présenté cette saison à Turin et sera en charge du "Nabucco" qui fera l'ouverture du Festival d'opéra des arènes de Vérone 2025.

Sur cette production lausannoise, il se charge de la mise en scène, mais également des décors, des costumes, de la lumière et de la chorégraphie, pour un rendu visuel esthétique et graphique qui est un vrai régal pour les yeux.

S'appuyant sur les différentes oppositions déroulées dans l'intrigue, dont la plus flagrante est celle entre les Hébreux et les Babyloniens, il joue avec les décors, les couleurs blanche et rouge, les symétries, la lumière et y ajoute quelques gros éléments de décor qui surplombent par moment la scène ou prennent place sur le plateau.

"Nabucco" de Giuseppe Verdi présenté à Lausanne dans une mise en scène signée Stefano Poda. [Opéra de Lausanne - Jen-Guy Python]
Les lignes très pures et graphiques de la mise en scène de "Nabucco" signée Stefano Poda. [Opéra de Lausanne - Jen-Guy Python]

Une simplicité tout apparente qui permet de faire ressortir la symbolique de l'oeuvre et de la placer hors du temps. Et c'est là la marque de fabrique et la force de frappe de l'Italien dont la signature est reconnaissable au premier coup d'oeil. Seul petit bémol, ce travail précis et millimétré fait parfois primer le visuel sur le jeu qui se retrouve alors quelque peu désincarné, du moins en ce soir de première.

Dernière production de la saison, ce "Nabucco" est aussi un beau cadeau d'adieu offert à Eric Vigié au terme de dix-neuf ans à la tête de l'Opéra de Lausanne. En septembre, il sera remplacé par Claude Cortese.

Andréanne Quartier-la-Tente

"Nabucco" de Giuseppe Verdi, co-production avec l'Opéra national Capitole Toulouse, mise en scène de Stefano Poda, à voir encore les 7, 9 et 14 juin 2024 (complet).

Avec Gabriele Viviani (Nabucco), Irina Moreva (Agigaille), Airam Hernandez (Ismaele), Nicolas Courjal (Zaccaria), Marie Karall (Fenena), Adrien Djouadou (Il Gran Sacerdote), Maxence Billiemaz (Adballo), Nuada Le Drève (Anna), le Choeur de l'Opéra de Lausanne (dirigé par Patrick Marie Aubert) et l'Orchestre de Chambre de Lausanne. Direction musicale: John Fiore

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