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Un "Norma" de Bellini baigné dans la lumière à l'Opéra de Lausanne

Une scène de "Norma" de Bellini dans une production mise en scène par Stefano Poda à Lausanne. [Opéra de Lausanne - Jean-Guy Python]
"Norma", chaste déesse, à lʹOpéra de Lausanne / L'Actu Musique / 15 min. / le 7 juin 2023
Avec la soprano Francesca Dotto dans le rôle-titre, l'Opéra de Lausanne propose, pour sa dernière production de la saison, un "Norma" de Bellini magnifié par la mise en scène épurée et très graphique de Stefano Poda. A voir jusqu'au 14 juin.

Opéra en deux actes de Vincenzo Bellini, sur un livret de Felice Romani d'après la tragédie d’Alexandre Soumet, "Norma" a été créé le 26 décembre 1831 à la Scala de Milan sous la direction du compositeur. Considéré comme l'un des chefs-d'oeuvre du XIXe siècle, il raconte le destin d'une grande prêtresse gauloise qui vit une histoire d’amour secrète avec Pollione, consul romain et donc ennemi des Gaulois.

Par amour, Norma a trahi son peuple et son voeu de chasteté. Par amour toujours, elle tempère l’animosité entre les deux peuples et cherche à tout prix à éviter la guerre qui se profile. Mais voilà que Pollione s’éprend d’une jeune novice gauloise nommée Adalgisa. Comment Norma va-t-elle réagir? Va-t-elle tuer les enfants qu'elle a eus avec Pollione? Va-t-elle pardonner? Se venger? Avouer sa faute? Voilà tout l'enjeu de cette tragédie.

Norma, un rôle mythique

Pour une soprano, Norma est l'un des rôles les plus emblématiques et exigeants du répertoire. Il demande autant de qualités musicales que de talent dramatique. Parfait exemple du bel canto romantique italien, cet opéra a offert à de nombreuses cantatrices - on pense évidemment à Maria Callas - l'occasion de briller, en particulier lors de son air le plus connu intitulé "Casta Diva".

Dans la production à voir actuellement à l'Opéra de Lausanne, c'est la soprano italienne Francesca Dotto qui endosse le rôle-titre, avec une voix pleine de couleurs et de variations. Face à cette partition si difficile, la chanteuse n'hésite pas à prendre des risques fous, parfois jusqu’à la brisure du timbre.

Deux femmes face-à-face

La mezzo-soprano italienne Lucia Cirillo, à la voix franche et pure, campe sa rivale et amie Adalgisa. Deux femmes face-à-face, mais surtout face à un même dilemme: choisir entre leur engagement de prêtresse et l'amour d'un homme. Lors du somptueux duo de la fin du premier acte durant lequel Adalgisa avoue qu'elle est amoureuse d'un homme, ce qui provoque chez Norma d'abord de la compassion, puis de la colère lorsqu'elle comprend que l'amoureux en question n'est autre que Pollione, les deux cantatrices sont assises dos à dos. Elles se touchent, mais elles ne peuvent pas se regarder dans les yeux. On comprend alors toute la sororité, le dévouement, la complicité et la profonde compréhension qu'elles ont l'une pour l'autre.

Car dans cet opéra, c'est bien Pollione qui a le mauvais rôle, celui du salaud. Un rôle qui pourrait presque paraître caricatural, mais que le ténor italien Paolo Fanale réussit à développer tout au long de l'oeuvre pour finalement le laisser totalement exploser lors de la scène finale.

Le plateau lausannois est complété par la basse danoise Nicolai Elsberg (Oroveso), la mezzo-soprano lausannoise Eléonore Gagey (Clothique) et le ténor français Jean Miannay (Flavio).

Une mise en scène aussi graphique qu'esthétique

A la mise en scène, on retrouve Stefano Poda qui ancre "Norma" dans un décor contemporain, esthétique et graphique, constitué de cloisons transparentes grillagées et mobiles sur les quatre côtés de la scène. Au centre, les racines d'un chêne gaulois et une demi-coupole romaine qui descendent du plafond aux moments-clés.

Une scène de "Norma" de Bellini dans une production mise en scène par Stefano Poda à Lausanne. [Opéra de Lausanne - Jean Guy Python]
Une scène de "Norma" de Bellini dans une production mise en scène par Stefano Poda à Lausanne. [Opéra de Lausanne - Jean Guy Python]

Jouant principalement sur l'opposition entre l'ombre et la lumière (parfois d'un blanc presque aveuglant) et sur le noir et blanc des costumes, certains pourraient reprocher le côté simpliste, voire immobile, de cette mise en scène. Mais ici pas de postures ou d’accessoires encombrants, Stefano Poda a préféré laisser de la place pour l’expression pure du chant et de la musique de Bellini interprétée par l’Orchestre de chambre de Lausanne, dirigé avec brio par Diego Fasolis.

Sujet radio: Anne Gillot

Adaptation web: Andréanne Quartier-la-Tente

"Norma", Opéra de Lausanne, les 9, 11 et 14 juin 2023.

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