Le laboratoire cantonal de Zurich a testé divers produits alimentaires achetés en grande surface. Résultat: une concentration d'huiles minérales dans la nourriture dépassant les normes admises. Transférées depuis les emballages, ces substances peuvent être à l'origine de cancers.
Des dérivés du pétrole dans l’assiette
Le petit déjeuner des enfants. La scène est quotidienne, banale. Ce qui l’est moins, c’est qu’en dégustant leurs céréales, nos chères têtes blondes ingurgitent, sans le savoir, une kyrielle de produits chimiques peu recommandables, dont des huiles minérales. Présentes dans le paquet en carton, ces huiles traversent les emballages et on les retrouve dans nos aliments. On appelle ça la migration.
Le Dr Koni Grob travaille au laboratoire cantonal de Zurich. Depuis 15 ans, il traque la présence des huiles minérales dans notre nourriture. Spécialiste mondial de la migration des produits chimiques des emballages, il est le premier à avoir mis au point une méthode de détection des huiles.
Koni Grob, Laboratoire cantonal Zurich :
« Prenons un paquet, n’importe quel paquet comme celui-ci. Pour vous donner un ordre de grandeur, cet emballage contient environ deux gouttes d’huiles minérales. Et je vous pose la question: qui a envie de manger ça? Moi pas, en tout cas ! »
Riz, pâtes, plats surgelés, corn flakes, biscuits, les huiles minérales s’infiltrent partout. Du côté des associations de défense des consommateurs, la colère gronde.
Mathieu Fleury, Secrétaire général FRC :
« La thématique de la migration des emballages vers les aliments est une thématique qui nous préoccupe depuis des années. On a eu le bisphénol, on a eu toute une série de scandales successifs. Là, une nouvelle problématique qui émerge. On parle d’huiles minérales. Une chose qui est totalement impropre à la consommation. C’est mélangé à nos aliments. Quelque chose doit être fait. C’est totalement inacceptable ! »
En Suisse, l’affaire éclate en février. Les journalistes de l’émission alémanique Kassensturz achètent 21 produits de consommation courante, emballés dans du carton, et les font analyser. D’après les études toxicologiques menées par l’Organisation Mondiale de la Santé, il ne devrait y avoir pas plus de 0,6 milligrames d’huile minérale par kilo de nourriture. Or, 16 des 21 échantillons analysés par Koni Grob dépassent cette valeur.
Exemple, K Classic, on a retrouvé 1,8 mg d’huile minérale par kilo. 3 fois la dose maximum recommandée. Cette Maizena express contient 5,5 mg d’huile. Près de 10 fois trop. Et les pâtes Combino Tagliatelle contenaient 34 mg d’huile minérale par kilo, c’est 56 fois trop !!
A l’œil nu, un emballage en carton paraît imperméable. Mais au niveau microscopique, il n’en est rien. D’un côté, des molécules provenant des aliments peuvent migrer vers l’extérieur du paquet. De l’autre, et c’est ce qui inquiète, des composants de l’emballage, comme les fameuses huiles minérales ou d’autres produits chimiques migrent vers l’intérieur du paquet, et se retrouvent dans les aliments. Et ce n’est pas un petit sac en plastique qui va résoudre le problème.
Koni Grob, Laboratoire cantonal Zurich :
« Souvent, les paquets ont un sachet de protection à l’intérieur. Mais il faut savoir que les huiles minérales n’ont PAS besoin d’être en contact direct avec la nourriture pour passer du carton vers l’aliment. En fait, les huiles se diffusent dans l’air, et elles peuvent donc facilement traverser un sachet. Par exemple, celui-ci ne sert absolument à rien. Par contre, celui -là qui est en aluminium, est étanche. Nous n’avons pas retrouvé d’huiles minérales dans la nourriture. »
Il existe deux catégories d’huiles: les MOSH sont des hydrocarbures saturés d’huile minérale, et les MOAH, hydrocarbures dits aromatiques. Tous deux sont des dérivés du pétrole. Quels sont les risques pour la santé ? Marie-France Corre est ingénieur en matériaux, consultante en France sur les questions de santé liées à la consommation.
« Ce que l’on sait, c’est que quand on est exposé à des quantités importantes de ces produits, on va avoir des effets aigus. Par contre, quand on a, toute la vie durant, une exposition plus faible, on a aussi des effets, qui sont chroniques. On a des atteintes des organes ; typiquement le foie, le cœur et le système lymphatique. Donc là, on va avoir une inflammation de ces organes due à l’action des produits contenus dans les huiles minérales et on peut avoir à terme, le développement de cancers. Donc le risque est bien là, mais on ne peut pas le quantifier par rapport à ce qui vient d’être découvert dans les cartons. »
Toujours est-il que nous avalons quotidiennement des dérivés de pétrole. Même en quantités infimes, est-ce préoccupant ? Direction Berne, au siège de l’Office fédéral de la santé publique. La priorité, ici, c’est avant tout de dédramatiser.
Reste une question : d’où diable proviennent ces huiles minérales ? Au départ, il y a un joli paradoxe écologique : c’est en effet le recyclage qui pose problème. Brochures, emballages, vieux journaux, aujourd’hui tout se recycle et c’est très bien. Le hic, c’est que tous ces vieux papiers, ces journaux périmés sont gorgés d’encres d’imprimeries…et ce sont ces encres qui contiennent les huiles minérales.
Vincent Dudler, chef des risques chimiques, OFSP :
« Il ne faut pas oublier que l’emballage a pour fonction principale de protéger l’aliment. Donc on accepte un petit risque chimique, un risque minime, qui nous évite d’avoir un risque beaucoup plus conséquent au niveau d’une contamination bactérienne. » Quid des dépassements de la norme ? Pour Vincent Dudler, « Il faut relativiser. Si l’on s’alimente de manière variée et équilibrée, le risque pour le consommateur est négligeable. Mais maintenant que le problème [de normes non respectées] a été détecté, on doit tout faire pour en limiter les conséquences. »
Nous sommes chez Papirec, à Genève. Chaque jour, des centaines de tonnes de vieux papier et de carton arrivent ici. Avant de pouvoir recycler, il faut retirer manuellement le maximum de papier du carton. Car moins on aura de vieux journaux dans le carton, moins on aura d’huiles minérales dans les cartons recyclés. Or malgré un tri minutieux, il reste toujours près de 10% de journaux dans le carton.
Christophe Pradervand, Directeur Papirec Genève :
« Il faudrait déjà que la chaîne de tri tourne beaucoup moins vite. Et surtout il faudrait quatre à six personnes de plus pour avoir un tri optimum et un produit fini avec 0% de papier d’imprimerie. »
Il y a donc trop de journaux mélangés avec le carton. Les fabricants ont beau laver ces vieux cartons, les baigner, les sécher avant de les recycler, impossible pour l’instant d’éliminer totalement les huiles minérales.
Certains facteurs peuvent accélérer la migration des huiles. Premier élément aggravant, le stockage. Entassez des paquets les uns sur les autres pendant des semaines, voire des mois, et vous aurez des produits chimiques qui vont migrer allégrement d’un paquet à l’autre, en traversant les couches de carton. Autre facteur aggravant, la durée de conservation. Plus un produit reste dans son emballage, plus il y aura de migration. A l’inverse, la cuisson de la nourriture permet d’éliminer en bonne partie les huiles minérales.
Mais il n’y a pas que les huiles minérales qui migrent de l’emballage jusque dans nos assiettes. Au laboratoire cantonal de Genève, on s’intéresse aux substances contenues non plus dans le carton lui-même, mais à sa surface. Ce sont tous les produits chimiques utilisés dans l’impression des emballages. Et là, on entre dans un domaine immense, et pour une bonne partie encore méconnue.
Patrick Edder, chimiste cantonal Genève :
« C’est une des grandes difficultés du domaine. C’est que vous avez tous les pigments, les encres, mais vous avez plein d’additifs qui peuvent rentrer dans la composition de ces encres. Et c’est des milliers de substances, qui potentiellement, pourraient venir contaminer les denrées alimentaires. »
En avril 2010, l’ordonnance fédérale sur les matériaux a été modifiée pour tenter de cataloguer ces substances, définir lesquelles sont autorisées pour l’impression des emballages alimentaires, et lesquelles sont interdites. Au total, la liste contient aujourd’hui plus de 5’000 produits chimiques différents. Et pour beaucoup d’entre eux, les effets sur la santé restent totalement mystérieux.
Patrick Edder, chimiste cantonal Genève :
« La toxicologie des ces substances là n’a malheureusement souvent pas été investiguée parce que l’on ne s’attendait pas à ce que l’on les retrouve au niveau des denrées alimentaires et de leur consommation. Donc on n’a pas d’étude suffisamment définie pour ces substances-là. »
Notre attitude ne serait-elle pas trop tolérante aujourd’hui?
Vincent Dudler, chef des risques chimiques, OFSP : « Encore une fois, il faut relativiser. Il y a les risques. Il y a les bénéfices. On doit, dans l’alimentation, accepter certains risques. Nous n’avons pas le choix. Il y a autant de produits cancérigènes et mutagènes dans les aliments que dans les emballages. »
Marie-France Corre, consultante en consommation :
« En fait, ça va être la multitude de ces composés cancérigènes, qui sont présents dans les aliments mais qui sont présents aussi dans l’air, dans les objets que nous touchons au quotidien, qui vont contribuer à créer un problème. Donc à la question de savoir si un carton qui emballe des pâtes va provoquer un cancer chez quelqu’un, la réponse est évidemment non. Mais c’est une contribution faible de ce produit au problème futur que va rencontrer le consommateur. »
Des solutions coûteuses
Nous sommes à Köniz, près de Berne. La vénérable maison Zeiler est l’une des principales fabriques d’emballage du pays. L’entreprise appartient à Migros, mais elle emballe aussi pour le compte de grands groupes agroalimentaires suisses et étrangers. Ici, on invente des emballages pour tout ce qui se mange. Des céréales au chocolat en passant par les bonbons !
Pierre Barth, dir. Ventes Zeiler – Limmatdruck :
« Le bonbon c’est particulier car il s’agit d’un emballage primaire. C’est-à-dire que l’on met le bonbon en contact direct avec l’emballage. Après, il y a d’autres produits, des cartons qui doivent être antigras parce que le produit nécessite cette protection ou des emballages qui doivent résister à la chaleur, par exemple des produits de boulangerie ou le fromage d’Italie que vous allez mettre au four pour cuire. »
L’emballage : un univers d’une grande complexité, technologiquement très pointu et de plus en plus globalisé. Bref, pas facile de s’y retrouver.
Patrick Edder, chimiste cantonal Genève :
« On a eu un cas où l’on a pu mettre en évidence une contamination, sur un produit vendu en Suisse, d’une grande marque française. Donc on est remonté jusqu’à cette grande marque française. Mais le produit, formellement, était fabriqué en Angleterre et les encres fabriquées en Allemagne. »
En février, l’émission alémanique Kassensturz révèle que sur 21 produits achetés en grandes surfaces, 16 contenaient beaucoup trop d’huiles minérales. Or, La majorité des produits avaient été empaquetés à l’étranger.
Vincent Dudler, chef des risques chimiques, OFSP : « Actuellement, on n'a pas de moyen spécifique de contrôle aux frontières. Les emballages peuvent être importés de manière libre. »
Patrick Edder, chimiste cantonal Genève :
« Dans la législation suisse, chaque acteur a une part de responsabilité. Donc, même le distributeur est censé s’assurer que le produit est conforme à la législation. »
Le distributeur, celui qui met en vente un produit dans ses rayons a la lourde charge de contrôler la sécurité de son emballage, et ce quel que soit son lieu de provenance. Guy Vibourel est le patron de Migros - Genève. Comment s’y prend-il ?
Guy Vibourel, directeur Migros Genève :
« C’est la mondialisation. Alors vous savez que l’on a d’abord des normes que nous communiquons à nos fournisseurs. C’est-à-dire qu’on leur demande de respecter les normes sanitaires en vigueur, notamment à propos des emballages. Et puis ensuite, nous faisons des tests par sondage, au fur et à mesure qu’ils arrivent. Et nous les faisons analyser par un laboratoire. »
Des normes imposées aux fournisseurs, et des contrôles a posteriori. C’est peu ou prou le système adopté par les grands distributeurs. Et du côté de l’état, qui surveille les emballages ?
Vincent Dudler, chef des risques chimiques, OFSP :
« Le contrôle n’est pas dévolu à l’Office fédéral. Il est dévolu aux laboratoires cantonaux qui, au travers de campagnes ou de mesures ponctuelles, vont déterminer la conformité des emballages et prendre les mesures qui s’imposent. Mais il faut surtout voir que la tâche principale est pour l’industriel, pour l’entreprise qui fabrique les emballages. »
Patrick Edder, chimiste cantonal Genève :
« Quand on discute avec l’industrie, dans la plupart des cas, si on ne met pas en évidence un danger qui est quand même important, on a un peu moins de moyen de pression sur l’industrie. Même si quand même, la plupart d’entre-elles, sont quand même sensibles et ont peur d’une crise ou d’un scandale. Et agissent quand certaines choses se mettent en évidence. »
En février, suite à l’affaire des huiles minérales dénoncées à la TV alémanique, les entreprises ont effectivement réagi. Chez Lidl, ces tagliatelles qui contenaient 56 fois trop d’huiles minérales, ont été retirées des magasins après la diffusion de l’émission Kassensturz.
Idem Chez Coop. Ces Grissini de marque Buitoni, qui contenaient, excusez du peu 60 fois trop d’huiles minérales, ont été retirés du marché à la demande, précise Coop, du fabricant lui-même.
Du côté de Migros, dont ce couscous présente une concentration d’huiles minérales 10 fois supérieure à la norme, on a nommé un groupe de travail.
Guy Vibourel, directeur Migros Genève :
« Jusqu’à présent, nous n’avons pas retiré le produit. Je n’ai pas en mémoire d’avoir retiré des produits pour ce problème particulier. Nous serions bien sûr prêts à le faire s’il y avait un problème majeur. »
Mais au lieu de réagir au coup par coup, l’idéal serait évidemment de pouvoir résoudre le problème à la source. Rappelons que le carton recyclé contient trop d’encres d’imprimerie provenant du papier journal, et il semble utopique, pour l’instant, d’affiner le tri jusqu’à le supprimer totalement.
Les journaux pourraient-ils alors employer des encres moins nocives ? Impensable là aussi pour le moment ! Beaucoup trop cher et technologiquement irréalisable avec les imprimantes actuelles.
Face à cette double impasse, certains ont imaginé des solutions plus radicales.
Susanne Sugimoto-Erdös, porte-parole Coop :
« Désormais, une partie de notre assortiment de la marque Coop n’est plus emballé avec du carton recyclé, mais avec du carton neuf. Mais nous savons que cela ne peut pas être une solution applicable à tous nos produits : écologiquement, ça n’aurait pas de sens ! »
S’il ne supprime pas tous les problèmes de migration, le recours au carton neuf permet de diminuer drastiquement la contamination des huiles minérales.
Pierre Barth, dir. Ventes Zeiler – Limmatdruck :
« Il y a une tendance, suite aux informations qu’il y a eu dans les médias, certains clients ont tendance à favoriser l’alternative le carton pur cellulose ou tout bois. C’est effectivement le cas. »
A l’avenir, va-t-on emballer tous nos produits alimentaires avec du carton neuf ? A Berne, du côté de la puissante association suisse des emballeurs, on n’y croit pas trop.
Wolfgang Durrer, Directeur Institut Suisse de l'Emballage :
" Non, ça ne peut pas être une solution à long terme, car il y a l’aspect écologique. Si on passait entièrement au carton neuf, c’est toute la filière du carton recyclé qui s’écroulerait. Et ce n’est vraiment pas le but recherché !"
Autre piste explorée pour contrer la migration, le rajout d’emballages. Film transparent collé sur le carton, sachet en aluminium, protection en PET, les fabricants rivalisent d’imagination, mais là encore, on tombe vite dans le paradoxe !
La FRC est par exemple partie en guerre contre le sur emballage. Comment concilier écologie et sécurité ? Mathieu Fleury, Secrétaire général FRC : « Oui, c’est pénible de découvrir que le carton qui était l’emballage qui nous satisfaisait le plus, présente lui aussi des problèmes. Pour autant, on doit toujours faire des arbitrages. Et là, la sécurité et la santé sont en jeu, je crois qu’il n’est plus question de lutter contre l’emballage, mais contre l’emballage inutile, ou par exemple l’emballage de luxe. »
Dernière direction de recherche, l’utilisation d’encres d’imprimerie moins nocives. Depuis le 1 avril 2010, une ordonnance fédérale fixe la liste des produits autorisés et ceux interdits dans l’impression des emballages alimentaires. Une loi pionnière en Europe. Résultat, on utilise aujourd’hui en Suisse des encres spéciales, sans huiles minérales, des encres dites à faible migration. Un réel progrès, mais ce n’est toujours pas la panacée.
Pierre Barth, dir. Ventes Zeiler – Limmatdruck:
« Je ne pourrais pas vous garantir un produit avec 0% de migration de produits chimiques. Je ne le ferai jamais. C’est techniquement possible. On dit que le verre et les produits avec un micron d’aluminium peuvent protéger à 100%. Mais c’est au client de définir si le niveau de protection lui convient ou pas. »
Élimination des vieux journaux, encres et emballages de plus en plus sophistiqués, les emballages seront peut-être plus sûrs à l’avenir, mais ils coûteront à coup sûr plus cher…et là, on peut déjà deviner qui va payer la facture !
Wolfgang Durrer, Directeur Institut Suisse de l'Emballage :
« A la fin, c’est toujours le consommateur qui décide de ce qu’il veut payer ou pas pour sa nourriture. Par exemple, celui qui veut des produits bio est prêt à payer un prix plus élevé. Celui qui veut des aliments plus sûrs paiera aussi plus, parce que ça vaut plus cher ! Ca me paraît tout à fait normal. A terme, le marché va se diviser en deux. Si je veux acheter bon marché, je dois aussi accepter des risques plus élevés. Par contre, si moi je ne veux que des produits top, je dois être prêt à en payer le prix ! »
En d’autres termes : si vous voulez manger une nourriture sans risques, vous devez payer plus cher ; si vous n’en en avez pas les moyens, tant pis pour vous ! Une autre manière de dire qu’il y a une alimentation de classes, à deux vitesses, comme on le dit souvent pour l’assurance maladie !
Achats risqués sur le web
Faire ses achats sur Internet, c’est devenu courant. Le volume des achats par voie électronique explose. Mais ce n’est pas sans risque.
René Maccabez a une passion : son imposante collection de 80 guitares électriques. Fin 2009, il veut acquérir un modèle rare, une Burns Apache, une guitare anglaise dénichée sur Internet : « Quand j’ai consulté internet, j’ai vu qu’il y avait un site en Suisse. J’ai passé la commande. J’ai payé à ce moment les 1836 frs que coûtait la guitare. » Le site lui promettait sa guitare dans les 15 jours.
René Maccabez aura patienté un bon mois après sa commande avant d’interpeller le vendeur. A-t-il trop tardé ? L’avis d’un avocat spécialiste du droit sur Internet, Me Jamil Soussi : « Il convient, immédiatement après que le délai de livraison soit échu, d’interpeller le vendeur et de lui fixer un délai supplémentaire convenable pour s’exécuter en lui signifiant qu’à défaut d’exécution, on résiliera le contrat et l’on demandera la restitution des fonds déjà versés. Je conseille de le faire par écrit. Si possible par courrier recommandé. »
René Maccabez, lui, a choisi de communiquer par mail. Une correspondance plutôt soutenue, qui va s’étaler sur des mois. Mais après 60, 70 voir 80 messages envoyés, René Maccabez n’a pas de nouvelles.
Nous aussi, nous voulions savoir ce qu’il en était. Nous avons donc recherché le vendeur et c’est ici, sur les hauts de Montreux, que nous l’avons retrouvé. A côté des ventes sur Internet, Guy Stocker donne des cours de guitare et tient un minuscule magasin. Il se souvient bien de René Maccabez !
Guy Stocker, directeur CMI : « Monsieur Maccabez, et d’autres clients d’ailleurs, ont commencé à je ne dirais pas paniquer, mais à me poser des questions. Mais que se passe-t-il ? Alors à coups de mail, je leur ai expliqué qu’effectivement, Burns avait du retard, mais qu’ils me fassent confiance et qu’ils fassent confiance à la maison Burns parce qu’ils allaient être livrés comme tous les autres. Comme ça s’est passé durant des années.»
René Maccabez : « Il nous a fait patienter parce que l’on est plusieurs à avoir commandé des guitares chez lui. Il nous a fait patienter pratiquement une année. »
Finalement, après un très long suspens, Guy Stocker doit annoncer la mauvaise nouvelle à ses clients : les guitares commandées ne viendront pas. Burns a d’énormes problèmes de fabrication et de logistique, Monsieur Stocker, fâché, rompt tout lien avec la maison anglaise. Monsieur Maccabez n’a plus que les yeux pour pleurer.
Guy Stocker, directeur CMI admet qu’il aurait pu rembourser ses clients plus tôt : « Vous avez raison, mais je me suis retrouvé confronté à la même demande de nombreux clients. »
Les mois passent, et malgré tous ses efforts, René ne voit toujours pas la couleur de l’argent !
Monsieur Maccabez : « Je lui ai envoyé mes données bancaires. Je lui ai écrit ensuite presque chaque semaine. Un mois après, il m’a redemandé mes coordonnées bancaires et c’est là que je me suis dit que ça allait être compliqué. »
Guy Stocker s’explique : il a lui-même avancé de l’argent à Burns pour les guitares, une somme qu’il n’a pas encore récupérée. Il n’avait donc plus assez de liquide pour rembourser les clients.
Et pendant ce temps, René continue à compléter sa collection. Mais il ne sait toujours pas comment récupérer son argent. Auriez-vous une idée, Maître ?
Me Jamil Soussi : « Si la restitution des fonds n’intervient pas, il faut menacer le vendeur d’agir en recouvrement. Soit par le biais de poursuites ; soit par le biais d’une action judiciaire dans la juridiction compétente. »
Guy Stocker : « Bien sûr, [une action en justice d’un de mes clients] pourrait arriver. Mais j’aurai exactement les mêmes arguments que j’ai aujourd’hui. C’est mon esprit artiste. Et en sachant que de toute façon, ma clientèle sera remboursée de ces erreurs. »
Finalement, par un de ces hasards dont la providence a le secret, Guy Stocker a remboursé Monsieur Maccabez, la veille de notre visite !!! Au grand soulagement du collectionneur, à qui cette aventure laisse quand même un petit goût amer.
Monsieur Maccabez : « J’ai péché car c’était la guitare que je voulais, que c’était un bon prix, ça m’a paru sérieux. Et voilà. »
Me Jamil Soussi : « Dans les transactions liées à Internet, le prix le moins élevé a pour corollaire un risque plus important. On a affaire à des structures très légères, qui n’ont pas d’employés, pas de stock, pas de locaux. Alors ça leur permet de proposer des prix beaucoup moins élevés. Mais par contre, ils sont eux-mêmes tributaires de leurs fournisseurs. Ils n’ont pas la même force de frappe auprès de leurs fournisseurs qu’une entreprise de la grande distribution. Et donc on est confronté à un risque de défaillance beaucoup plus important. Et aussi à un risque d’insolvabilité. »
Évidemment, vous prenez un risque plus important encore en commandant sur un site hébergé à l’étranger: les chances de récupérer votre argent sont alors assez minces ! Mieux vaut prendre un maximum de précautions et de renseignements avant de commander quoi que ce soit. Un conseil : cherchez sur Internet, sur des forums, dans des blogs, si le vendeur ou le site qui vous intéresse a déjà fait parler de lui.
La semaine prochaine
Les pesticides, les perturbateurs endocriniens ont envahi nos assiettes. De plus en plus de scientifiques font un lien de causalité directe avec l’augmentation du nombre de cancers et de maladies neuro-dégénératives. Et ces produits recouvrent trop souvent les légumes exotiques.