Quand le patron évoque son "no1" Cadel Evans

Alors que de nombreux tournois de tennis s'arrachent les Federer, Djokovic ou Nadal, le Tour de Romandie n'a pas ces soucis. Sauf pépin de dernière minute, Cadel Evans, le vainqueur du dernier Tour de France, sera bien au départ du prologue de Lausanne, mardi.

Très attaché à notre pays - il y habite depuis des années et y a fêté son 1er grand succès (TdR'06) et un titre mondial (Mendrisio'09) -, l'Australien défendra donc en toute logique son titre sur les routes romandes, mais avec un nouveau statut de star glané à Paris.

"Il n'a pas changé avec ce sacre", lance Richard Chassot, patron de la Boucle romande et consultant RTS. Celui qui est également le nouveau président de Swiss Cycling raconte "le no1" du vélo.

"Il préfère le Tour de Romandie aux classiques"

RTSsport: Votre "tête d'affiche" Cadel Evans a déclaré forfait pour les dernières classiques ardennaises en raison d'une infection aux sinus. Craignez-vous qu'il ne vienne pas défendre son titre?

RICHARD CHASSOT:

Non non, pas du tout. Son inscription n'a pour l'instant en tout cas pas

été changée (réd: interview réalisée vendredi). L'an passé, il avait déjà fait l'impasse sur les dernières classiques en raison d'un problème à un genou. Le fait est que, dans l'optique du Tour de France, il préfère le Tour de Romandie aux grandes classiques. S'il a la volonté de venir, il sera là, c'est certain.

RTSsport: On imagine que pour un patron de course, présenter le vainqueur du Tour de France est une belle satisfaction?

RICHARD CHASSOT: Nous avons évidemment beaucoup de plaisir à accueillir Cadel Evans. Mais ceci déjà bien avant qu'il ne gagne le Tour, car c'est une belle personnalité. Evans, on l'a eu sur le "Romandie" la 1ère fois alors qu'il était surtout connu en VTT. Il est ensuite devenu un "gars de chez nous", en habitant longtemps à Lugnorre/FR, au Vully. Il m'est d'ailleurs arrivé de rouler avec lui. Ce n'est pas un personnage extraverti, mais quelqu'un de très sympa. Les gens l'aiment bien, le considèrent presque comme un Suisse. Et au sein du peloton, il a droit à beaucoup de respect des autres coureurs.

Il habite désormais depuis quelques années à Stabio, au Tessin. C'est plus facile pour lui, et notamment pour son épouse, qui est italienne. Mais il reste un peu suisse...

"Oui, on peut dire que Cadel Evans est le no1 de l'an passé"

RTSsport: Si on exagère un peu, accueillir le vainqueur du Tour de France, c'est comme quand un tournoi de tennis accueille le no1 mondial?

RICHARD CHASSOT: Oui, on peut dire ça! Même si ce n'est pas le cas dans les faits, le vainqueur de la Grande Boucle peut être considéré comme le no1 du vélo (réd: Tom Boonen est no1 UCI en ce moment). Le Tour, c'est la course la plus difficile, la plus médiatique, celle que tous veulent remporter. Le Tour consacre le cycliste de la saison, car c'est à ce moment-là que tous sont dans leur meilleure forme. Donc oui, on peut dire qu'on va accueillir le no1 mondial de l'an passé.

RTSsport: Un tournoi de tennis se plie en 4 pour accueillir les Federer, Nadal ou Djokovic. Pour vous, ça change quoi d'accueilli Cadel Evans? A-t-il des exigences particulières pour venir?

RICHARD CHASSOT:

Non, Cadel ne nous a jamais rien demandé. Le seul qui l'aurait

souhaité, c'était Lance Armstrong, par rapport à sa sécurité. Mais on ne l'aurait pas fait... Il ne faut pas oublier que le cyclisme, c'est aussi et surtout un métier d'équipe. En tant que patron du Tour de Romandie, il faut savoir que je fais le maximum pour chaque coureur. Pour Cadel ou le dernier du peloton. Tous ont le droit au même traitement.

Finalement, pour le patron, ça ne change pas grand-chose que le vainqueur du Tour de France - ou le no1 mondial - soit là. C'est bien pour les sponsors, qui peuvent communiquer à ce sujet, et pour le public, qui va se passionner pour Evans. L'ancien coureur que je suis se réjouit de sa présence, qui garantira une belle course. Mais que Cadel soit là ou pas, le Tour de Romandie restera une belle course!

"Il se sent un peu à la maison en Suisse"

RTSsport: Evans habite en Suisse depuis des années, mais il y a aussi signé quelques-uns de ses plus gros résultats: 1ère grosse victoire (TdR'06) ou encore le Mondial'09, à Mendrisio. En plus, il roule pour BMC, un team quasi suisse...

RICHARD CHASSOT: Il se sent bien chez nous, c'est un fait. Peut-être qu'il se sent un peu à la maison, et il en profite. A Mendrisio, il faut dire que la course passait à 2km de chez lui, il connaissait donc le tracé par coeur!

RTSsport: Cadel Evans a désormais presque tout gagné. Pensez-vous que son succès sur le Tour de France l'a changé?

RICHARD CHASSOT: Quand tu triomphes à Paris, au Tour de France, tu deviens forcément un autre homme! Autour de toi, tout change, et notamment les sollicitations des médias. Sinon, je ne crois pas que le personnage ait changé. Ce n'est plus un jeune loup qui fait preuve d'arrogance, mais un coureur plus que confirmé.

"Il peut gagner un autre Tour de France cette année"

RTSsport: Pensez-vous qu'il peut triompher à nouveau sur les routes de France?

RICHARD CHASSOT:

Le prochain, c'est possible, surtout qu'il y a pas mal de chronos. Après,

on verra bien... Mais vous savez, moi j'ai toujours été favorable aux belles batailles sur les routes. Donc ces gars qui gagnent la même course plusieurs fois de suite, je ne suis pas fan...

RTSsport: On l'a dit, Evans a quasiment tout gagné. Qu'est-ce qui le pousse encore?

RICHARD CHASSOT: Quand tu as l'esprit de compétition, tu n'as jamais assez gagné. Regardez Michael Schumacher, il est encore là! D'autres feraient mieux de s'arrêter, mais ça, c'est une autre histoire...!

RTSsport: Dernière question, qui va gagner ce Tour de Romandie? Cadel Evans?

RICHARD CHASSOT: S'il est bon, c'est une course pour lui, et il ferait évidemment encore un beau vainqueur. Il l'a déjà gagné deux fois, et s'il vient ce sera encore pour vaincre. A part lui, il y aura un très haut niveau de participation. Il faudra notamment observer attentivement le duel Evans-Bradley Wiggins, le vainqueur de Paris-Nice. Ils vont en débattre une première fois avant le Tour de France.

Propos recueillis par Daniel Burkhalter