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Dominique Wavre est notre invité du lundi

Wavre a désormais le regard tourné vers le Vendée Globe.
Wavre a désormais le regard tourné vers le Vendée Globe.
Dominique Wavre et sa compagne Michèle Paret ont franchi le 17 février la ligne de la Barcelona World Race au troisième rang. Le Genevois revient sur cette expérience.

La légende veut que les marins aient une femme dans chaque port.
Dominique Wavre, lui, a une fidèle compagne qui l'accompagne dans
ses périples les plus fous. Le skipper genevois vient en effet de
boucler un tour du monde de plus de 3 mois aux côtés de Michèle
Paret.



Le duo franco-suisse a terminé 3e de la première édition de la
Barcelona World Race, une course sans escale et sans assistance sur
un monocoque de 60 pieds Tout juste de retour sur le plancher des
vaches, Dominique Wavre est déjà absorbé par sa prochaine aventure,
le Vendée Globe. Mais au fait, la vie de marin, ça ressemble à quoi
Dominique?



TXT: Vous avez franchi la ligne d'arrivée en
3e position dimanche dernier à Barcelone. Un résultat
satisfaisant?




DOMINIQUE WAVRE: Oui, on est satisfait du
résultat à la lumière de ce qu'il s'est passé pendant la course. On
a eu peur de devoir abandonner avec un problème de quille à
mi-parcours, qui a pu être résolu avec une escale en
Nouvelle-Zélande. Ensuite, tout s'est déroulé de la meilleure des
manières. On a juste encore vécu 3 jours d'angoisse dans le détroit
de Gibraltar avec du mauvais temps et des bateaux-cargos de tous
les côtés. Mais au final, terminer à la 3e place au milieu d'une
flotille de pareil niveau ne peut que nous réjouir.

Richesse humaine incroyable

- Quel
bilan tirez-vous de cette première édition de la Barcelona World
Race? Une course à refaire
?



DOMINIQUE WAVRE:

Je tire un bilan vraiment très
positif. Dans une course en double, il y a une richesse humaine
incroyable. Ce partage avec l'autre rend la course encore plus
dense et plus intéressante qu'une régate en solitaire. La seule
petite critique concerne les passages obligatoires. On se retrouve
souvent à se suivre les uns les autres, ce qui nous empêche de
prendre des options stratégiques différentes. Mais le parcours de
jeu est absolument fabuleux.



- Trois mois tout seul en mer avec sa compagne, ça doit forger
un couple
!



DOMINIQUE WAVRE:

Effectivement. On avait déjà
navigué ensemble sur des périodes plus courtes, qui avoisinaient
les trois semaines. Cette expérience a encore un peu plus enrichi
notre relation et notre connaissance mutuelle. A bord, on était
toutefois un équipage avant tout tourné vers la performance. On
était davantage skipper et co-skipper que mari et femme et on est
resté très pro jusqu'au bout. La complicité qui nous unit nous a ce
pendant facilité la tâche. Je dirais donc que ça s'est extrêmement
bien passé et que je le referais sans autre!



- Maintenant, c'est cap vers le Vendée Globe en novembre,
votre 8e tour du monde. Prenez-vous toujours autant de plaisir à
partir à l'assaut des océans
?



DOMINIQUE WAVRE:

Bien sûr! Vous savez, nous
faisons un métier difficile qui demande beaucoup d'énergie et de
patience. Si je n'aimais pas ça, je ferais des choses beaucoup plus
simples et rentables financièrement que de me mouiller par des
températures de 0 degré au milieu des icebergs. Le Vendée Globe est
une grosse échéance qui demande beaucoup de préparation. Michèle
sera par ailleurs chargée de la direction des opérations à
terre.

"C'est une vie d'opportunismes"

- Est-ce difficile de vivre de la voile en Suisse lorsque
l'on ne s'appelle pas Alinghi?




DOMINIQUE WAVRE: Oui, tout à fait. Comme vous
dites, lorsque l'on ne s'appelle pas Alinghi et que l'on ne fait
pas partie d'opérations bien montées du type Coupe de l'America, on
vit toujours un peu sur la corde raide. On ne peut jamais vraiment
faire de plan de carrière, c'est une vie d'opportunismes.
Personnellement, je peux m'estimer très satisfait de ma condition
avec le soutien de mon fidèle sponsor Temenos.



- Est-ce que tout le ramdam médiatico-juridique qui entoure
Alinghi et la Coupe de l'America vous énerve?




DOMINIQUE WAVRE: Non, parce que je sais
pertinemment que les aspects juridiques et financiers sont
intimement liés à l'aspect compétition. La Coupe a toujours été une
bataille d'egos entre grands personnages. Ca ne m'étonne donc pas
que ce soient les avocats qui mènent la danse. J'attends donc
tranquillement qu'ils aient fini leur travail pour qu'on puisse
rediscuter à nouveau entre sportifs.

Plus de déchets et moins de poissons

- On parle beaucoup de pollution maritime. Avez-vous observé
un changement ces dernières années?




DOMINIQUE WAVRE: Oui, on voit de plus en plus de
déchets et de moins en moins de poissons et d'oiseaux. C'est
particulièrement frappant dans l'Atlantique, les pays d'Afrique et
d'Amérique du sud utilisant la mer comme une poubelle.
Heureusement, le Pacifique sud et l'Océan indien restent des mers
pures. Il y a une prise de conscience de la génération qui vient.
Malheureusement, les politiques économiques favorisent toujours la
surexploitation des ressources au détriment du long terme.



TXT. Propos recueillis par Samuel Jaberg

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Dominique Wavre express

Votre meilleur souvenir: il y a tellement de bons souvenirs... les meilleurs moments sont bien sûr les arrivées de course. Une joie énorme nous envahit.

Votre pire souvenir: les abandons en général. Je pense notamment à une casse de voile lors de la Route du Rhum.

Pour vous la voile c'est: un mode de vie. Je me sens bien en mer et avec les marins.

Pour vous, le dopage c'est: tricher. Je le condamne avec une grande fermeté.

Votre devise: une main pour toi, une main pour le bateau.

Si vous n'aviez pas été navigateur: j'étais prof de dessin mais je n'ai pas la fibre d'un fonctionnaire. Je suis très éloigné de la routine et des plans de carrière. J'ai donc de la peine à imaginer autre chose que la voile.

Votre idole: je n'ai pas d'idole mais j'ai de l'admiration pour Francis Joyon depuis très longtemps.

Votre salaire: 3000 euros.

"De temps en temps, une bonne douche d'eau douce ou un steak saignant seraient les bienvenus"

- A quoi pense-t-on lorsqu'on est tout seul au milieu de l'océan? DOMINIQUE WAVRE: On n'a pas le temps de prendre beaucoup de recul par rapport à ce que l'on vit et de philosopher sur l'existence. Pour reprendre une définition de Victor Hugo, on serait plutôt les paysans de la mer. On travaille énormément et lorsqu'on a encore un peu de temps, on fait des contrôles de matériel ou de la stratégie météo. Le marin avance vague après vague, nuage après nuage. Il n'a pas le temps de partir sur des envolées mystiques, une activité de terrien mais pas de marin!

- Qu'est-ce qui vous manque le plus en pleine mer?
DOMINIQUE WAVRE: Pas grand-chose en fait. Il ne manque que des choses désagréables, comme les lettres de l'administration, le téléphone qui sonne au mauvais moment ou de devoir fermer les portes à clé. De temps en temps, une bonne douche d'eau douce ou un steak saignant seraient les bienvenus. Mais on a en fait une vie très complète sur le bateau. On reste un peu au courant de ce qui se passe dans le monde, relativement superficiellement c'est vrai.