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Adolf Ogi reste un fervent défenseur du sport

De 2001 à 2007, A.Ogi a donné une autre dimension au sport à l'ONU.
De 2001 à 2007, A.Ogi a donné une autre dimension au sport à l'ONU.
Quand il évoque le sport, Adolf Ogi fait référence à "une école de vie". Le Bernois de 67 ans, un des rares politiciens suisses à défendre ce domaine, s'est imposé à l'ONU mais jamais au CIO. Interview d'un passionné.

Né dans une famille d'athlètes, Adolf Ogi a toujours été lié au
sport au fil de sa carrière. L'ancien président de l'UDC est un des
rares politiciens helvétiques à défendre ce qu'il nomme être "une
école de vie".



Et tel un sportif, l'ex-Conseiller fédéral (1988 à 2000) a connu
des succès mais aussi des revers. Victorieux de son mandat à l'ONU,
où il a été Conseiller pour le sport au service du développement et
de la paix (2001 à 2007), le Bernois de 67 ans a subi plusieurs
échecs devant le CIO, surtout celui de la candidature de Sion 2006.
Rencontré à Berne, Adolf Ogi revient sur ses expériences et évoque
sa vision du sport.

"Le plus important, le ski et la varappe"

tsrsport.ch: Quel a été le déclic qui vous
a fait basculer dans le monde du sport?




ADOLF OGI: J'ai toujours baigné dans le sport
avec un père champion de ski nordique. Même si mon premier job
était dans le tourisme, le plus important restait pour moi le ski
l'hiver et la varappe l'été. Puis, en 1964, la Suisse est rentrée
des JO d'hiver à Innsbruck sans médaille. C'était le drame. La
Fédération de ski a ensuite cherché quelqu'un pour réorganiser la
structure et je suis devenu directeur technique. Les premiers
résultats sont tombés aux JO'68 à Grenoble, avec 5 podiums. Et, en
1970 à Val Gardena, Bernard Russi et Annerösli Zryd sont devenus
champions du monde de descente. La Suisse était de retour!



tsrsport.ch: Les JO'72 à Sapporo ont ensuite
été une grande réussite (8 médailles)?




ADOLF OGI: C'était un succès total dans toutes
les disciplines. Mais c'était un voyage sur la lune! On ne
connaissait rien de l'Asie. En 1971, nous sommes allés à Sapporo
pour analyser la neige et les terrains. Cela a été payant.



tsrsport.ch: Au Conseil fédéral, vous avez
aussi beaucoup contribué à faire une place pour le sport. Etait-ce
un objectif?




ADOLF OGI: A mon arrivée en 1988, j'ai eu le
Département des transports, de la communication et de l'énergie
(DETEC). Je voulais ce département, et il n'y avait rien pour le
sport. Plus tard, alors à la tête du Département fédéral de la
défense, de la protection de la population et des Sports (DDPS,
1995 à 2000), je suis arrivé à faire reconnaître ce domaine dans ce
département. Mais aujourd'hui encore, le sport ne compte pas assez
pour les politiques. Pour moi, ce n'est pas la bonne direction, car
ce domaine est très important pour la reconnaissance, l'éducation
et la formation de la jeunesse.

"Le sport devient la 7e langue de l'ONU"

tsrsport.ch:

C'est avec cette idée que vous
avez effectué votre travail pour l'ONU
.



ADOLF OGI:

Le sport, c'est la meilleure école de
la vie. Il faut savoir respecter les règles et l'adversaire,
s'intégrer dans une équipe, connaître ses limites, gérer le succès
et surmonter la défaite. Par ce domaine, nous construisons des
ponts entre les cultures, pour la tolérance, les droits de l'Homme
et l'éducation. Le sport, c'est un point positif dans une vie
souvent triste.



tsrsport.ch:

Quel est le bilan de votre
mandat
?



ADOLF OGI:

Le résultat a été très positif,
surtout dans les pays pauvres. Après six mois, j'avais réussi à
persuader les 191 nations de l'ONU à accepter une résolution en
faveur du sport pour tous. Avec le chinois, le russe, l'arabe,
l'espagnol, l'anglais et le français, le sport devient petit à
petit la septième langue officielle de l'organisation. Mais ce
n'est pas que de la théorie. Je sais de quoi je parle. Un exemple:
j'ai vu deux enfants-soldats essayer de se tirer dessus, avant de
poser leur arme et jouer ensemble. Certaines infrastructures ne
sont souvent pas bonnes, mais le sport est un outil très efficace
pour atteindre des résultats incroyables.

"La défaite de Sion 2006 reste amère"

Le sport devient
toujours plus du business, l'idée de Coubertin s'effrite et les
"petits" sports sont perdants.

Adolf
Ogi

tsrsport.ch:

A côté
de ces succès de promotion du sport, vous avez toujours échoué dans
vos initiatives olympiques. Un regret
?



ADOLF OGI:

Il est vrai que de ce côté-là, j'ai
pris trois gifles: d'abord quand le dossier de l'Oberland bernois a
été battu par celui des Vaudois, puis lors de la candidature de
Sion 2002 et surtout celle de Sion 2006, où j'étais le président du
comité d'initiative. Cette dernière reste amère, même si on a été
des perdants corrects. Je n'aime pas parler d'incompétence, mais il
y a encore des questions sans réponse! Je reste persuadé qu'on
avait le meilleur dossier et qu'on aurait eu davantage de succès
que Turin, qui n'est pas une ville d'hiver.



tsrsport.ch:

Après St-Moritz en 1928 et 1948,
reverra-t-on un jour des Jeux olympiques en Suisse
?



ADOLF OGI:

Vous savez, je suis un optimiste
inconditionnel. Mais pour réussir, il faudra lancer un dossier
irréprochable. Lors des dernières tentatives de projets, il y avait
trop d'incertitudes. Après, cela dépendra aussi de l'orientation
que prendra le CIO, qui est aujourd'hui très influencé par les
chefs d'Etat. Vladimir Poutine a réussi à faire pencher la balance
pour Sotchi en 2014. Barack Obama en fera-t-il de même pour
Chicago, candidat pour 2016? Je ne sais pas si on reverra un jour
des joutes olympiques comme celles de Lillehammer en 1994, qui
avaient touché le cœur du monde entier.



tsrsport.ch:

Vous avez connu une autre
défaite olympique, lors de votre candidature au CIO. Etait-ce une
grosse déception
?



ADOLF OGI:

C'était un revers personnel. Je n'ai
de loin pas été autant déçu que lors de la décision contre Sion
2006, qui concernait tout un pays. En politique, on ne donne jamais
la même importance. Mais là aussi, cela n'a pas été clair. Juan
Antonio Samaranch, le président de l'époque, m'en voulait pour
avoir soutenu Sepp Blatter à la tête de la FIFA, alors que
l'Espagnol appuyait Lennart Johansson. De plus, quatre Suisses du
CIO étaient contre moi. Mais j'ai accepté. Le sport devient
toujours plus du business, l'idée de Coubertin s'effrite et les
"petits" sports sont perdants.

"Le ski me préoccupe beaucoup"

tsrsport.ch:

Quelle est votre vision du sport
de haut niveau? Va-t-on dans le bon sens
?



ADOLF OGI:

Il faut vraiment faire attention à
prendre la bonne direction. Bien sûr, on vit une situation de
crise, mais il faut faire les bonnes réflexions pour innover.
Certains développements sont négatifs. Il faut éviter les
contradictions. Dans ce sens, le ski me préoccupe beaucoup, surtout
le saut, qui va sur le mauvais chemin. Après son passage, l'athlète
ne sait pas s'il a gagné ou pas. Pour rendre cela plus attractif,
le résultat doit être plus immédiat. Les Fédérations ont du
travail. Certains sports sont "en panne" et d'autres montent.



tsrsport.ch:

Au niveau de l'impact et de la
simplicité, le foot reste le sport no1
.



ADOLF OGI:

Depuis quelques années, le Mondial de
foot est bien plus suivi que les JO. Le CIO doit trouver des
alternatives pour garder le public, car l'idée de Coubertin ne
prime plus assez. Aux Jeux, on ne parle plus que de 5-10
disciplines et du bilan des médailles. En attribuant la Coupe du
monde à l'Afrique du Sud, la FIFA a pris une bonne décision pour la
reconnaissance et le développement de tout le continent.



tsrsport.ch:

Parallèlement, les salaires de
certains joueurs vous gênent-ils
?



ADOLF OGI:

C'est difficile à comprendre, mais
c'est le problème des clubs. Si un joueur joue bien, il peut le
mériter.

"Federer et Cancellara, les meilleurs ambassadeurs"

Le sport manque
d'importance dans notre pays.

Adolf
Ogi

tsrsport.ch:

Quel est
votre avis sur le sport helvétique
?



ADOLF OGI:

Ce domaine manque d'importance dans
notre pays. Nous n'avons pas de haut diplôme pour cela. De plus,
les heures de sport sont de moins en moins considérées dans nos
écoles. Je le répète, le sport est la meilleure école de vie. Il
forge nos caractères.



tsrsport.ch:

Un sportif comme Roger Federer
a-t-il un impact sur la Suisse
?



ADOLF OGI:

C'est le meilleur ambassadeur possible
pour le pays, avec Fabian Cancellara. Tous deux pratiquent les
disciplines les plus internationales. En ski, nous sommes aussi au
sommet, mais cela ne concerne que quelques nations.



tsrsport.ch:

A 67 ans, avez-vous encore un
rôle à jouer pour développer le sport
?



ADOLF OGI:

Non, je n'ai plus de rôle à jouer.
Néanmoins, il y a encore deux choses auxquelles je participe et qui
me tiennent à coeur. Il s'agit de "Right to play", une association
qui fait appel au sport et au jeu pour améliorer la santé des
enfants et des communautés en guerre. Nous nous occupons de 500'000
enfants dans 25 pays pauvres. Et, en 2000, durant mon année de
présidence, j'ai unifié "Swisscor", une fondation qui organise des
camps médicalisés pour des enfants provenant de régions en conflit
ou en crise. Nous avons organisé notre 10e camp il y a trois
semaines, avec une centaine d'enfants.



Berne, propos recueillis par Sébastien Clément

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Adolf Ogi: "on parle trop vite de dopage"

tsrsport.ch: Star du moment, Usain Bolt peut-il sauver son sport, qui cherche une nouvelle voie?

ADOLF OGI: Il est vrai que l'athlétisme était le sport no1 il y a 20 ans, en termes de public et de droits TV. Cette discipline reste en crise. Y a-t-il trop de compétitions, plus assez d'athlètes de référence ou le problème du dopage? Les 9"58 sur 100m de Bolt sont impressionnants, mais il y a un manque de respect. Tout est remis en doute, surtout de la part des médias...

tsrsport.ch: Cependant, le dopage est bien là!

ADOLF OGI: J'en suis conscient, mais on parle trop vite de dopage, à la place d'évoquer la performance. Pourquoi ne pas croire que c'est également possible ?

tsrsport.ch: Le dopage peut-il tuer le sport?

ADOLF OGI: S'il y a toutes formes de manipulations, ce n'est plus du sport pour moi. Mais aujourd'hui, je ne sais pas si le CIO ou les Fédérations veulent réussir à gagner "cette guerre". Il faut éviter que les parents empêchent leurs enfants de faire du sport, en pensant que c'est malsain.

tsrsport.ch: Autres facteurs qui font du tort au sport, les conflits aux tribunaux, surtout en voile et en F1. Qu'en pensez-vous?

ADOLF OGI: Pour Oracle, j'ai de la peine à comprendre, même si cela fait parler de la Coupe de l'America. La F1 est, elle, victime de la crise. Mais il faut faire attention à ne pas trop exagérer.

Adolf Ogi express

Votre meilleur souvenir: la naissance de mes deux enfants.

Votre pire souvenir: un décès dans la famille.

Votre idole: Kofi Annan.

Votre devise: je fais ce en quoi je crois, et je crois en ce que je fais.

Si vous n'aviez pas été dans la politique: j'aurais été guide de montagne et pasteur.

Le dopage: une maladie, une catastrophe pour le sport, la jeunesse et l'avenir.

Votre salaire: la pension d'un ancien Conseiller fédéral est connue (200'000 francs/an).


LES DATES IMPORTANTES POUR ADOLF OGI

1942: son année de naissance, exactement le 18 juillet à Kandersteg.

1964: l'année où il entre à la Fédération suisse de ski. Il a été directeur technique de 1969 à 1974 et à la direction de 1975 à 1981.

1971: cette année-là, il intègre la Fédération internationale de ski, jusqu'en 1983.

1973: il commande une compagnie de grenadiers de montagne, jusqu'en 1978.

1979: il est élu au Conseil national.

1984: il est nommé président de l'UDC, poste qu'il quitte en 1987.

1988: il entre au Conseil fédéral, où il est tout d'abord le chef du Département des transports, des communications et de l'énergie.

1993: il préside la Confédération helvétique.

1995: il change de département au Conseil fédéral et dirige celui de la défense, de la protection de la population et des sports.

1998-1999: il préside le comité de candidature de Sion 2006 pour les JO d'hiver.

2000: après sa deuxième année de présidence, il quitte le Conseil fédéral après 13 ans de service.

2001: il devient Secrétaire général adjoint à l'ONU et Conseiller spécial pour le sport au service du développement et de la paix.