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Gérald Métroz, un agent au service du joueur

Gérald Métroz: "Je regarde devant et je fais ce que j'aime".
Gérald Métroz: "Je regarde devant et je fais ce que j'aime".
Gérald Métroz est un acteur incontournable du hockey helvétique. Ce Valaisan, qui a perdu ses jambes à l'âge de 2 ans, est devenu le premier agent de joueurs en Suisse. Rencontre avec un passionné aux multiples facettes.

Il n'a rien de secret, mais son but est de défendre ses idées et
faire ce qu'il aime. Il n'a rien d'un cascadeur, mais sa mission
est de venir en aide. Cet agent au service du sportif se nomme
Gérald Métroz. A l'image de James Bond, il réussit la majorité de
ses actions.



Cinéphile, ce Valaisan de 47 ans possède de multiples facettes,
mais il s'occupe surtout de la carrière des joueurs de hockey avec
sa société fondée en 1989. Fauché par un train à l'âge de deux ans
et demi, un accident qui lui a coûté ses jambes, ce passionné, qui
a participé aux Paralympiques de 1996 en tennis, a été le
précurseur en Suisse de son job actuel.

"Je suis un perfectionniste"

Il faut nourrir ses
idées et essayer de se donner les moyens de les réaliser.

Gérald Métroz

tsrsport.ch:

Journaliste sportif, athlète de
haut niveau, agent de joueurs, président de club ou même
entraîneur: quelle est la casquette qui vous va le
mieux
?



GERALD METROZ:

Personne n'a qu'une seule
identité. Nous avons tous plusieurs facettes. De mon côté, j'essaie
de faire ce dont j'ai envie, ce que j'aime. Et je fais mon possible
pour y arriver, car je suis un perfectionniste. Par exemple, gamin,
je voulais absolument voir un match de hockey en Amérique du Nord.
J'ai économisé et, à 18 ans, j'y suis allé. Il faut nourrir ses
idées et essayer de se donner les moyens de les réaliser. Mais
c'est la vie qui nous emmène, nous influence au final.



tsrsport.ch:

Votre handicap a-t-il eu une
influence sur votre carrière
?



GERALD METROZ:

Je n'ai pas de point de
comparaison. Je n'ai pas vécu une autre vie, où je n'ai pas connu
cet accident. Mais je n'ai jamais voulu perdre mon énergie à savoir
ce qui se serait passé sans cette tragédie. J'ai réussi à faire mon
deuil assez vite. Je n'ai également pas de leçon à donner. Je
regarde devant. J'ai reçu énormément et je dois beaucoup afin de
rétablir l'équité.



tsrsport.ch:

Vous avez commencé votre
"carrière sportive" par le journalisme. Pourquoi
?



GERALD METROZ:

Je suis un passionné de sport et
c'était un moyen d'avoir un rôle dans ce milieu sans y jouer. Mais
aujourd'hui, le métier a bien changé et je le regrette. L'analyse a
disparu pour une culture de l'immédiat. Si j'étais encore
journaliste aujourd'hui, je ne pourrais travailler qu'au "Temps".
C'est le seul journal auquel j'arrive à m'identifier.

"Les Paralympiques ont été une chouette expérience"

tsrsport.ch:


Vous avez ensuite touché au sport de haut niveau. Etait-ce un
besoin?




GERALD METROZ:

Faire du sport était logique pour
moi. Et quand je fais quelque chose, je donne mon maximum. J'ai
commencé par le basket, mais j'ai eu beaucoup de peine parfois
lorsque certains de mes coéquipiers ne me paraissaient pas autant
concernés que moi. Le degré de motivation de tout un chacun: c'est
un peu le problème des sports d'équipe. Le tennis m'a ensuite
procuré davantage de plaisir car j'avais seul mon destin en
mains.



tsrsport.ch:

Numéro un suisse de 1994 à 1998
et une participation aux Paralympiques de 1996 à Atlanta (1/4 de
finaliste en double), le tennis vous a-t-il beaucoup
apporté
?



GERALD METROZ:

C'était une super période, où j'ai
pu voyager et découvrir le monde. Etre aux Jeux était une grande
satisfaction, une chouette expérience humaine. Mais j'ai pris
autant de plaisir dans les autres tournois. Si je n'avais pas été
blessé, j'aurais continué. Mais voilà j'avais trop joué!

"Le sport, ce n'est pas la vraie vie"

Quel autre métier te
permet à 18 ans de travailler trois heures par jour, d'être payé à
coup de 100'000 francs par an et de faire la une des journaux...

Gérald Métroz

tsrsport.ch:

Quelle est votre vision du
sport
?



GERALD METROZ:

C'est quelque chose de sérieux et
d'important, mais ce n'est pas grave au final. Il y a d'autres
réalités bien plus préoccupantes.



tsrsport.ch:

Certains prônent le sport comme
une école de vie. Qu'en pensez-vous
?



GERALD METROZ:

C'est plutôt une école pour aller
à la vie. Il y a beaucoup de similitudes avec cette dernière: la
joie, la défaite, les blessures, les "renaissances". Mais ce n'est
pas la vraie vie, c'est juste un divertissement qui ressemble
parfois beaucoup à la vie. Il faut mettre cela en perspective avec
d'autres situations difficiles. Surtout à l'heure où la mode est de
se plaindre pour un rien, pour quelque raison que ce soit. Quel
autre métier te permet à 18 ans de travailler trois heures par
jour, d'être payé à coup de 100'000 francs par an et de faire la
une des journaux... Les sportifs professionnels font vraiment un
métier de rêve, et ne devraient jamais l'oublier.



tsrsport.ch:

Ensuite, comment vous est venu
l'idée de devenir agent de joueurs
?



GERALD METROZ:

C'est arrivé naturellement, comme
une suite logique à ma carrière. Comme journaliste, je connaissais
beaucoup de monde dans le milieu et je passais mes matinées à faire
des coups de fil pour des potes. Et un jour, j'ai décidé de faire
cela professionnellement: un nouveau palier où je suis encore plus
acteur dans le sport. En Suisse, j'ai été le premier à faire ce
métier pour les hockeyeurs helvétiques. J'ai beaucoup appris des
agents nord-américains. Mes huit premières années, je faisais cela
à côté de mon travail de journaliste à la RSR. Et depuis 1997, je
m'y consacre à 100% avec ma société, "Sport Consulting".

"C'est la société qui a créé mon travail"

tsrsport.ch:

Vous êtes désormais du côté
plutôt business du sport. Cela vous gêne-t-il
?



GERALD METROZ:

C'est la société qui a créé mon
travail. Dans le sport professionnel, qui est devenu une branche de
l'économie, on demande toujours davantage aux joueurs, qui ont
besoin d'aide. Ce système existe depuis longtemps pour les acteurs
de cinéma, catégorie de gens dont je m'occupe également.



tsrsport.ch:

Quel est alors le rôle d'un
agent
?



GERALD METROZ:

On ne vend aucun joueur, mais on
essaie d'obtenir les meilleurs conditions de travail, selon ce
qu'il peut amener à l'équipe par rapport à son caractère, ses
qualités. On fait ce qu'un sportif ne peut pas faire tout seul
envers les exigences du milieu. On l'aide aussi à s'améliorer,
devenir un meilleur joueur, un meilleur être humain. Après, il y a
souvent des liens qui se tissent. Je suis là pour écouter et
conseiller les joueurs, tout en suivant des moments importants de
leur vie quotidienne. C'est cet aspect humain qui m'attire. Si je
n'avais que des relations professionnelles avec eux, j'aurais
arrêté ce métier depuis longtemps.



tsrsport.ch:

La concurrence est-elle
rude
?



GERALD METROZ:

Oui, car ce n'est pas une
profession protégée. Il y a une dizaine d'agents en Suisse, dont
3-4 qui font cela à plein temps. Mais pour durer - cela fait 20 ans
que je suis dans le milieu - il ne faut pas tricher. Une erreur
arrive, mais dès la deuxième, voire la troisième, on perd toute
crédibilité...



Propos recueillis par Sébastien Clément

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"Les hockeyeurs suisses manquent de concurrence"

tsrsport.ch: Au niveau des hockeyeurs helvétiques, comment jugez-vous le marché?

GERALD METROZ: C'est plus facile en Suisse que dans les autres grands championnats. La raison est simple: il y a moins d'étrangers et les joueurs helvétiques sont assez protégés. C'est le reflet de la politique suisse, qui est pour la sécurité de l'emploi. C'est louable, mais cela a des conséquences, comme le manque de concurrence. Le seul poste où il reste une grande rivalité est celui du gardien. C'est pour cela que les Helvètes qui se font une place en NHL sont des portiers. Il y en a eu 7 ou 8 qui ont réussi, contre un seul joueur de champ, Mark Streit.

tsrsport.ch: Le manque de concurrence explique le fait que les Helvètes peinent à se faire une place en NHL. Mais ne sont-ils pas trop bien payés en Suisse?

GERALD METROZ: Oui, c'est certain que les joueurs ont une belle situation en LNA. Mais ils ne sont pas trop payés. Si on prend un bon salaire de joueur sur 15 saisons, cela restera moins que la paie d'un cadre d'une grande entreprise sur 40 ans...

"La LNB doit être redéfinie"

tsrsport.ch: Le problème ne vient-il pas également du système proposé par la Ligue?

GERALD METROZ: La Ligue est une "Sàrl" et elle doit tourner financièrement. Le problème vient plus de la LNB, qui doit être redéfinie. Les intérêts des clubs y sont trop différents pour survivre.

tsrsport.ch: Quelle serait votre solution?

GERALD METROZ: Il faudrait avoir deux formations de plus en LNA et ajouter deux étrangers à chaque équipe. Ainsi, il y aurait un meilleur équilibre au niveau des joueurs suisses. Ensuite, il faudrait fermer la LNA, tout en laissant la possibilité d'y accéder, et faire de la LNB une ligue de développement.

"La Nati ne peut pas prétendre à davantage"

tsrsport.ch: En cette saison olympique, quel est votre avis sur le niveau suisse?

GERALD METROZ: L'équipe helvétique est pour l'heure la meilleure des petites nations. Et ces prochaines années, elle ne peut pas prétendre à davantage. Il est impossible d'aller chercher une place fixe dans le top-7 mondial. Hormis peut-être Mark Streit, aucun joueur de champ helvétique n'aurait sa place dans une sélection canadienne, suédoise ou tchèque pour les JO. Le fossé entre la Suisse et les grands pays est encore énorme. Pour preuve, Andres Ambühl est un joueur-clé en LNA, mais n'a pas encore le niveau outre-Atlantique pour jouer en NHL...

tsrsport.ch: Souvent critiqué, Ralph Krueger fait-il les bons choix, selon vous?

GERALD METROZ: Ce n'est pas à moi de les juger. Il fait ses choix et doit vivre avec les critiques. Mais on surévalue le rôle des coaches. Sean Simpson ne pourra pas créer des joueurs, mais amènera peut-être un nouvel esprit.

Gérald Métroz express

La première chose faite le matin: je demande à mes anges gardiens de me protéger pour la journée.

Votre devise: "il est grand temps de rallumer les étoiles", une citation du film "L'homme de sa vie".

Votre principale qualité: l'écoute.

Votre pire défaut: le perfectionnisme.

Votre meilleur souvenir: la première fois que j'ai remporté un tournoi de tennis, en 1993.

Votre pire souvenir: la mort d'un ami en novembre 2008.

Votre rêve: écrire un roman.

Le hockey, c'est: quelque chose de sérieux, mais jamais de grave.

Si vous n'aviez pas été dans le sport: j'aurais été acteur de cinéma ou bien écrivain.

Votre idole: quand j'étais petit, le gardien de l'équipe tchèque Jiri Holecek. Et aujourd'hui, ce sont les écrivains qui animent mon temps libre.

Le dopage: c'est un casse-tête où les voleurs ont toujours une longueur d'avance sur les gendarmes.

Votre salaire: assez pour ne pas y penser, mais pas assez pour arrêter de travailler.

Le portrait de Gérald Métroz

1962: naissance à Martigny

1964: accident de train, amputation des deux jambes

1986: licence de journaliste professionnel RP

1989: création de la société "Gérald Metroz Sports Consulting"

1991: Sortie du livre "Au Coeur du Hockey" (Ed. Compton, Sherbrooke, Canada)

1996: Participation aux Jeux Paralympiques d'Atlanta, tennis

2001: Sortie du livre "Soudain un train" par Jacques Briod (Ed. Autrement Paris)

2006: Sortie du film-documentaire: "Gérald Métroz, Elle est pas belle la vie?" par Jean-François Amiguet