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Pascal Schaller: "Je me suis battu pour garder ma place aux côtés de Slava Bykov et d'Andrei Khomutov"

Schaller (à gauche) et Bykov ont causé des cauchemars aux défenseurs de LNA dans les années 90. [Michaël Taillard]
Schaller et Bykov (en encadré) ont causé des cauchemars aux défenseurs de LNA dans les années 90. - [Michaël Taillard]
Pour le 3e volet de "Dans le rétro" consacré au hockey cette saison, nous nous sommes intéressés à Pascal Schaller. L'ex-attaquant a été l'une des grandes vedettes du mythique Fribourg-Gottéron du début des années 90, triple finaliste du championnat de 1992 à 1994. RTSsport.ch a rencontré le Singinois à Malley.

"De toute façon, c'était facile pour Schaller. Il n'avait plus qu'à la mettre au fond". Combien de fois n'a-t-on pas entendu ces mots il y a une trentaine d'années?

Et pourtant, bien que longtemps entouré de Slava Bykov et d'Andrei Khomutov -peut-être les plus grands joueurs de l'histoire de la National League- au sein du 1er trio offensif de Fribourg-Gottéron, Pascal Schaller (52 ans) a tout même accumulé la bagatelle de 227 réussites dans l'élite helvétique au cours de sa carrière. Et ce à une époque où les saisons comptaient bien moins de rencontres qu'actuellement.

Si l'ex-attaquant a certes inscrit quelques buts "faciles" après avoir été servi sur un plateau par les 2 compères russes, sa verve offensive n'a pas été pour autant le fruit du hasard. D'autant plus que Schaller, sélectionné 29 fois en équipe de Suisse, a aussi prouvé sa valeur au niveau international. Il n'aura finalement manqué qu'un titre pour couronner le parcours de celui qui fut l'un des artisans de la promotion de GE-Servette en LNA en 2002.

Désormais coach des M17 du Lausanne HC, son dernier club chez les pros, le Fribourgeois est revenu sur sa brillante carrière. Non sans avoir versé quelques larmes, après avoir regardé nos images d'archives et le message vidéo que lui a adressé Slava Bykov.

En 2006, je me suis retrouvé dans l'inconnu. J'avais une famille à nourrir, avec 3 enfants

Pascal Schaller

RTSsport.ch: Même question, tout d'abord, que pour Daniel Vukovic et Geoffrey Vauclair, nos précédents invités. A-t-il été difficile de quitter le hockey professionnel, en 2006?

PASCAL SCHALLER: Oui, très dur. Une carrière ne s'oublie pas comme cela. En étant joueur, on vit un peu dans une bulle et on est souvent mis en vitrine. Mais quand l'heure a sonné, je me suis retrouvé dans l'inconnu. Les questions se sont bousculées dans ma tête: j'avais une famille à nourrir, avec 3 enfants. Et c'est à ce moment que le HC Bulle-la Gruyère, auquel je suis très reconnaissant, m'a permis de me reconvertir en entraîneur, tout en me proposant un apprentissage d'employé de commerce. Par la suite, j'ai ainsi pu intégrer le mouvement junior du CP Berne.

RTSsport.ch: Une étiquette vous a longtemps collé à la peau durant votre carrière. Celle d'être un buteur dépendant de Slava Bykov et d'Andrei Khomutov. Cette critique, souvent relayée par les médias, vous affectait-elle?

PASCAL SCHALLER: Oui. Slava Bykov et Andrei Khomutov avaient un sens du jeu exceptionnel et faisaient selon moi partie du top-5 des meilleurs joueurs du monde. Ils étaient effectivement capables de délivrer des caviars. Mais je savais que c'était une grande opportunité de pouvoir jouer avec eux. C'était un challenge de rester en forme afin d'être en mesure de suivre leur rythme. Il fallait pour cela travailler au quotidien. Je me suis battu pour garder ma place à leurs côtés le plus longtemps possible. 

RTSsport.ch: Vous aviez pourtant vos propres mérites...

PASCAL SCHALLER: Je le répète souvent à mes juniors: si tu ne vas pas vers la cage adverse pour éviter de te faire mal, tu ne marqueras jamais. Alors oui, j'inscrivais même parfois des réussites après que le puck avait rebondi sur mon épaule ou sur mes fesses. Mais au final, j'étais au bon endroit au bon moment. On ne pouvait pas m'enlever cela et c'est de cette manière que je me remontais le moral.

RTSsport.ch: Et vous étiez capable de vous "débrouiller". On en veut pour preuve, par exemple, le 4e acte de la demi-finale en 1993, où vous marquez le but décisif en prolongation à Ambri (succès 4-3). Ce qui avait alors permis à Gottéron de rejoindre Kloten en finale.

PASCAL SCHALLER: Revoir ces images me fait très plaisir (longue pause due à l'émotion). Ce jour-là, Paul-André Cadieux avait décidé de me mettre au centre, avec Pavel Kadikov et Andrei Khomutov comme ailiers. Le travail que j'avais effectué a été récompensé avec ce but décisif.

Schaller (à gauche) et Bykov ont semé la terreur dans les défenses en Suisse dans les années 90.
Dans le rétro - Pascal Schaller (1/2) / RTS Sport / 6 min. / le 11 décembre 2023

RTSsport.ch: Vous avez également, toujours avec Bykov et Khomutov, disputé 2 Coupes Spengler. Une avec Fribourg-Gottéron en 1992 et une autre avec le HC Davos en 1994. Vous étiez vraiment inséparables!

PASCAL SCHALLER: C'étaient des expériences magnifiques et de jolis souvenirs. C'est quand même un tournoi chargé d'histoire. Je n'oublierai jamais l'ambiance qui régnait autour de la patinoire à Davos. C'est vraiment la fête du hockey. Après les matches, on passait même nos soirées avec les supporters.

De gauche à droite: Khomutov, Bykov et Schaller, sous le maillot du HC Davos lors de la Coupe Spengler en 1994. [Arno Balzarini]
De gauche à droite: Khomutov, Bykov et Schaller, sous le maillot du HC Davos lors de la Coupe Spengler en 1994. [Arno Balzarini]

RTSsport.ch: Bykov et Khomutov ont ainsi, assurément, été vos coéquipiers les plus marquants, mais ils sont surtout devenus vos amis.

PASCAL SCHALLER: Oui, ces 2 "extraterrestres" ont non seulement marqué ma personnalité, mais aussi celle de mes coéquipiers de l'époque. C'étaient quand même 2 joueurs importants de l'équipe de Russie, qui avaient préféré la Suisse à la NHL pour des raisons familiales. A Fribourg, on s'est donc régalé et l'équipe entière a fait vibrer la patinoire. Malheureusement, le titre nous a échappé. Mais j'ai en effet noué une amitié forte avec Slava Bykov et Andrei Khomutov. Je suis proche de Slava et de sa famille, car j'encourage d'ailleurs régulièrement son fils Andrei. Même chose avec Andrei Khomutov. Nous avons tous les deux été entraîneurs dans le mouvement juniors à Guin durant plusieurs années. Ce sont des personnes que je n'oublierai jamais dans ma vie.

En constatant l'absence de Lussier, Gagnon, Lüdi ou Rotzetter parmi les numéros retirés à Fribourg, cela me réconforte un peu

Pascal Schaller

RTSsport.ch: On ne compte plus les maillots qui pendent au plafond de St-Léonard. Pourtant, le vôtre, le no29, n'a pas été retiré. Est-ce une déception?

PASCAL SCHALLER: En tant que pur Fribourgeois, oui, c'en est une. Mais je me dis que la vie continue... D'autres joueurs qui ont aussi marqué l'histoire du club ont été "zappés". Je pense à des héros de la promotion en LNA de 1980 comme Jean Lussier, Jakob Lüdi ou Jean-Charles Rotzetter. On peut également citer Jean Gagnon. En constatant leur absence parmi les numéros retirés, cela me réconforte un peu.

RTSsport.ch: Au niveau international, vous aviez aidé à ramener la Suisse dans l'élite mondiale en 1994. Lors du Mondial "B" disputé au Danemark, vous aviez fini 2e meilleur compteur helvétique avec 11 points, juste derrière Felix Hollenstein (12). Quel souvenir en gardez-vous?

PASCAL SCHALLER: C'était une superbe récompense d'avoir été convoqué pour ce Championnat du monde. Mes performances en club parlaient pour moi. C'était un beau challenge. J'y ai joué mon rôle, à savoir contribuer en attaque. Et j'ai vraiment su exploiter mes capacités. Là aussi, j'ai démontré que je pouvais avoir du succès à ce niveau, même sans Bykov et Khomutov. Cela me met du baume au coeur par rapport à toutes les choses négatives qui ont été dites sur ma dépendance aux 2 stars russes.

Je suis fier d'avoir aidé GE-Servette à revenir dans l'élite

Pascal Schaller

RTSsport.ch: Après 14 saisons à Gottéron où vous faisiez partie des meubles, vous avez connu un second souffle à GE-Servette dès 2001. Et vous avez contribué à ramener les Aigles dans l'élite.

PASCAL SCHALLER: A Genève, j'ai connu la gestion d'un club à l'américaine. Chris McSorley me voulait car il comptait sur mes qualités de buteur. Dans ce club, j'ai vécu un 1er Noël extraordinaire, organisé dans un grand hôtel par le président du club Marco Torriani et par McSorley. Les épouses des joueurs ont reçu des fleurs, les enfants ont trouvé des cadeaux sous le sapin. C'étaient de superbes moments (il est ému). La promotion, également, reste un beau souvenir. Genève voulait absolument monter dans l'année. Les arrivées de joueurs expérimentés comme Misko Antisin, Maxime Lapointe, Dino Kessler, Igor Fedulov et Philippe Bozon allaient dans ce sens. Genève était le club romand qui manquait en LNA et je suis fier de cette réussite.

RTSsport.ch: Pourtant, votre relation avec McSorley a fini en eau de boudin en 2003. Rappelez-nous pourquoi?

PASCAL SCHALLER: J'avais un contrat de 3 ans et en 2002/03, j'étais dans ma 2e saison à Genève. Un mardi à Kloten (réd: le 28.01), on a perdu 6-0, ce qui a rendu le coach furieux. Jeudi, l'équipe était donc attendue à 10h pour une séance vidéo. Or Patrice Brasey et moi, nous habitions dans le canton de Fribourg. Les routes étaient enneigées et on avait prévu le coup en partant à 6h du matin. Mais à 9h15, on était encore à Vevey, dans les bouchons!  J'ai donc appelé le coach assistant, Hans Kossmann, pour le prévenir de notre retard. Une fois arrivés, nous avons été convoqués individuellement dans le bureau de Chris.

RTSsport.ch: On imagine bien sa colère... Mais au fond, il ne s'agissait que d'une broutille...

PASCAL SCHALLER: Il estimait pourtant que nous avions trahi la confiance de l'entreprise, ce à quoi j'ai rétorqué que nous ne pouvions pas contrôler la météo. McSorley, en bon homme d'affaires, n'a pas fait de sentiments. Cela a coûté dans la foulée sa place à Patrice, qui est parti à Bâle. Chris m'a dit, pour ma part, que je pouvais finir la saison en cours, mais qu'il faudrait trouver un arrangement pour la suite. Il a donc pris contact avec Lausanne pour m'y transférer. Il faut l'accepter quand vous en faites partie: le monde du hockey professionnel peut être dur.

Bill Stewart? Etre un coach dur c'est une chose, mais il faut aussi savoir être constructif

Pascal Schaller

RTSsport.ch: En 2004/05, saisons du lock-out en NHL, vous avez ensuite rencontré le pire de vos entraîneurs: l'Italo-Canadien Bill Stewart. Celui-ci a précipité la chute du LHC en LNB.

PASCAL SCHALLER: (rires). Cela a été une expérience difficile pour tout le vestiaire, qui avait touché le fond au niveau du mental. Etre un coach dur c'est une chose, mais il faut aussi savoir être constructif... C'est une saison qui m'a marqué. Je me suis dit que je ne voulais plus jamais revivre cela.

RTSsport.ch: Côté positif de cet exercice marqué par une relégation en LNB, vous avez côtoyé une autre légende: Martin St-Louis. L'attaquant québécois avait gagné la Coupe Stanley avec Tampa Bay juste avant de débarquer à Malley.

PASCAL SCHALLER: J'ai bien aimé sa personnalité, c'était quelqu'un de génial. Il ne se prenait pas du tout pour une star. Il a beaucoup soutenu ses coéquipiers dans ces moments difficiles que nous traversions. L'équipes l'appréciait beaucoup. Il n'avait pas un grand gabarit, mais son patinage et sa technique étaient extraordinaires.

Dans le rétro - Pascal Schaller (2-2)
Dans le rétro - Pascal Schaller (2/2) / RTS Sport / 4 min. / le 11 décembre 2023

Propos recueillis par Michaël Taillard, vidéos réalisées par Julie Lachenal et Raphaël Fol

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"Mes patins étaient remplis de mousse à raser"

Une anecdote jamais racontée: "J'étais un jeune joueur fraîchement débarqué en 1re équipe. J'ai reçu ma chance car Fribourg-Gottéron connaissait certains soucis financiers. On m'a vite fait comprendre que je devais passer par certaines "étapes". Donc un jour, arrivé à l'entraînement, j'ai enfilé mes patins. Et ceux-ci étaient remplis de mousse à raser. Tous les joueurs rigolaient. Mais encore aujourd'hui, je ne sais pas qui m'a fait cette farce. J'ai mes doutes sur Jean-François Sauvé (réd: à Gottéron de 1986 à 1989, ex-attaquant de Québec en NHL, notamment). Ce type de chose, c'est le lot de tout jeune débutant (rires).

"Le public d'Ambri est très chaud"

Votre adversaire le plus fort: "Je citerais, en ce qui concerne les individualités, les Suédois Mikael Johansson et Anders Eldebrink (réd: qui évoluaient à Kloten dans les années 90). Mais aussi le Finlandais Reijo Ruotsalainen et le Canadien Alan Haworth (réd: à Berne, idem). Au niveau des clubs, ce n'était jamais facile de jouer à la Valascia. Le public d'Ambri est très chaud".

Votre rituel d'avant-match: "Manger une part du gâteau à la carotte que me préparait régulièrement ma mère".

"Je suis fier de mon fils"

Timotée Schaller (21 ans) patine sur vos traces: "Après notamment un séjour chez les juniors de Malmö en Suède, il évolue maintenant aux GCK Lions (réd: au poste d'attaquant). C'est un joueur très bon offensivement, doté d'un bon shoot. Il est en train de récolter de l'expérience et du temps de jeu, en Swiss League, tout en progressant dans son jeu défensif. Je suis fier de mon fils".

La carrière de Pascal Schaller en bref

Né le: 24.02.1971

Taille / poids: 179 cm / 90 kg

Ex-poste: ailier gauche / centre

Clubs pros: HC Fribourg-Gottéron (1987-2001), Genève-Servette HC (2001-2003), Lausanne HC (2003-2006).

Palmarès:  Finaliste en National League en 1992, 1993, 1994 avec Fribourg-Gottéron.

Champion de LNB et promu en LNA en 2002 avec Genève-Servette.

Promu en 1994 dans l'élite mondiale avec l'équipe de Suisse.