"Ça tombera pas plus bas", comédie de l'échec d'Amélie Vidon et Alenka Chenuz

Il y a du bon sens dans ce titre: "Ça tombera pas plus bas". On peut aussi y voir une sorte d'humour du désespoir. Après tout l'affiche du spectacle d'Amélie Vidon et Alenka Chenuz les montre en maillot de bain sur un plongeoir lémanique en plein hiver. La première tend un bras désespéré vers la seconde qui gît au pied de l'escalier, victime probable d'une glissade fatale. Effectivement, on peut difficilement tomber plus bas.

Un jeu de chat et de sourire

Il ne faut pas être superstitieuse pour se lancer dans un spectacle sur le thème de l'échec. A invoquer le diable, on lui voit le bout de la queue, dit-on. Alenka Chenuz et Amélie Vidon contredisent le proverbe avec ce spectacle à la fois malicieux et grave, drôle et grinçant. De quels échecs parle-t-on? Ce coureur qui chute à quelques mètres de l’arrivée, cette infirmière qui n'a pas osé accompagner sa patiente cancéreuse jusqu'à l'instant final, ce boursicoteur invétéré qui accumule les dettes, cette échaudée de l'amour qui se prend son deuxième râteau d'affilée… Chaque cas d'échec est le fruit d'un témoignage recueilli par les deux comédiennes et rejoué à l'intonation près.

"Ça tombera pas plus bas" n'est toutefois pas qu'une suite de témoignages, c'est aussi un jeu de chat et de sourire sur le thème de l'échec avec du chant, de la magie et quelques emprunts à l'art du clown. Ainsi accessoires et costumes du spectacle ne sont pas toujours dociles et adéquats lorsqu'il s'agit d'incarner un nouveau personnage. Quand ça veut pas, ça veut pas, pourraient dire les deux interprètes de la bien nommée Compagnie Alors voilà.

Des dimensions intimes et complexes

Dans un premier spectacle, le duo avait abordé avec succès le thème a priori scabreux de la masturbation sur ce même canevas de la confession rejouée au plateau. "Y'a pas de mal" a été l'une des bonnes surprises de la saison 2021. La seconde création d'Alenka Chenuz et Amélie Vidon n'aura pas été la plus facile à monter.

Contre toute attente, il est plus facile d'obtenir des témoignages sur l'onanisme que sur ses échecs personnels. "La masturbation, c'est concret et du coup simple. Avec l'échec, on entre dans des dimensions plus intimes et complexes. Avec parfois une volonté de minimiser ou de transformer le récit de nos échecs pour les rendre moins douloureux ou plus utiles", notent les comédiennes. Le dramaturge irlandais Samuel Beckett en connaissait un rayon sur la question. Avec une philosophie qui a fini tatouée sur le bras du joueur de tennis Stan Wawrinka: "Essayer encore. Rater encore. Rater mieux".

Thierry Sartoretti/ld

_{Lausanne, 2.21 jusqu'au 12 novembre. Yverdon, l'Echandole les 16 et 17 novembre. Nyon, Usine à gaz, les 23 et 24 novembre. Aigle, Théâtre Waouw, du 12 au 14 janvier 2024. Sion, le Spot, du 17 au 19 janvier. Genève, La Comédie, du 24 au 27 janvier 2024.}