Fin de partie à la Comédie de Genève pour Natacha Koutchoumov et Denis Maillefer

"Il y a des choses, voyez-vous, qu'on ne trouve pas dans les livres". Parole de vieux loup de mer, conclusion de Joseph Conrad dans son roman "Typhon". Quand ces deux-là reprennent la barre de la Comédie de Genève en 2017, Natacha Koutchoumov et Denis Maillefer, bientôt connus sous l'acronyme NKDM, ont un projet ambitieux pour la principale scène théâtrale genevoise, mais pas de manuel de parfait gestionnaire d'infrastructure culturelle.

Ça n'existe pas vraiment. Cela se crée au jour le jour avec une équipe de près de 80 personnes. Tout au plus, le premier avait-il co-dirigé la dynamique et plus modeste scène sierroise du Théâtre des Halles.

NKDM ont assuré. Sans démériter. Malgré les tempêtes et le pot au noir.

Des tempêtes

Des accidents de navigation, on en compte trois au bilan de cette Comédie. Primo, un déménagement à mener d'un bâtiment obsolète à un paquebot tout neuf (ça, me direz-vous, c'était prévu, mais le changement de tirant était costaud à l'aune de la petite équipe de l'ancienne Comédie).

Secundo: une pandémie qui bloque tout (ça, tout le monde aura été concerné et cloué à la même enseigne).

Tertio et grand final: en juin 2023, alors que le duo s'apprête à sabrer le champagne sur le pont d'Avignon pour marquer la fin d'un mandat de six années avec une production internationale présentée au festival et née dans les murs de cette Comédie flambant neuve, voici qu'éclate ce que l'on désigne désormais sous le nom d'"affaire Lupa": soit le comportement excessif (c'est un euphémisme) d'un metteur en scène star du théâtre européen qui s'avère incompatible avec les lois du travail et le respect dû au personnel engagé pour la création des "Emigrants", pièce d'après le récit de W.G. Sebald.

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On ne reviendra pas sur cette affaire. NKDM ont pris la décision qui s'imposait avant que leur théâtre n'implose. Espérons juste que cette rarissime et retentissante annulation d'une création théâtrale pour raison de comportement inapproprié marquera un avant et un après avec, on l'espère, des changements dans les rapports de travail et de pouvoir du milieu des arts de la scène.

Séverine Chavrier, la successeuse

A l'heure où paraissent ces lignes, NKDM ont transmis la barre de la Comédie à leur successeuse, la metteuse en scène et musicienne Séverine Chavrier, venue du Centre dramatique national Orléans-Loiret-Centre. La maison des Eaux-Vives ne lui est pas inconnue. Ayant grandi à Annemasse et fait ses classes au Conservatoire de Genève, elle a abondamment fréquenté les scènes du bout du lac.

La saison qui s'annonce porte encore la signature du duo et pur hasard - ou plutôt accord en matière de lignes et de goûts artistiques - une pièce de Séverine Chavrier figure au programme, invitée alors que NKDM ne la savait pas candidate à la candidature. On précise ce détail pour désamorcer les éventuelles théories du complot.

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Au revoir NKDM

Revenons à ce duo NKDM qui ne l'est plus. Denis Maillefer continue désormais son parcours de metteur en scène, débuté en 1987, en portant à la scène un roman de l'écrivain norvégien Jon Fosse, au programme, notamment, de cette prochaine saison de la Comédie.

Natacha Koutchoumov se concentrera dans un avenir proche dans les questions sociales, médicales et politiques liées à la prise en charge de l'autisme. Un combat personnel et plus large que la comédienne a déjà mené en parallèle à son travail de co-directrice de la Comédie et metteuse en scène. On leur souhaite inspiration et réussite.

Thierry Sartoretti/ld