Publié

"La zone d'intérêt", film choc et glaçant sur l'abomination de la Shoah

Avec « La Zone d’intérêt », le réalisateur britannique Jonathan Glazer propose une plongée dans l’abomination de la Shoah
Avec « La Zone d’intérêt », le réalisateur britannique Jonathan Glazer propose une plongée dans l’abomination de la Shoah / 19h30 / 2 min. / le 30 janvier 2024
Grand Prix au dernier festival de Cannes, "La zone d'intérêt" du réalisateur britannique Jonathan Glazer pose un regard neuf et glaçant sur la Shoah. Avec l'actrice Sandra Hüller au générique, ce long métrage sorti le 31 janvier ne laisse pas indifférent grâce à un point de vue inédit.

Une famille allemande se prélasse aux abords d’une rivière. Rudolf Höss (Christian Friedel) et son épouse Hedwig (Sandra Hüller) vivent paisiblement avec leurs cinq enfants dans une superbe maison avec jardin et piscine. Sauf que Rudolf est le commandant du camp d’Auschwitz situé juste à côté de sa demeure.

Inspiré du roman de Martin Amis, "La zone d'intérêt" ("The Zone of Interest") est une œuvre glaçante qui décrit, à travers des plans souvent fixes et très distanciés, le quotidien de cette famille de prédateurs qui doivent leur qualité de vie aux Juifs qu’ils assassinent.

Plutôt que de chercher à créer une empathie avec ces enfants et ces parents nazis, qui n’ignorent rien et restent indifférents aux horreurs qui ont lieu juste derrière le mur qui les séparent du camp, "La zone d'intérêt" touche au chef-d’œuvre en éludant toute représentation des camps, perçus ici uniquement par le son, les trains qui arrivent, les cris, les coups de fusil, le vrombissement permanent des fours crématoires.

>> A voir, le débat cinéma de l'émission Vertigo autour du film "La zone d'intérêt" de Jonathan Glazer :

Débat cinéma: "La zone d'intérêt" de Jonathan Glazer
Débat cinéma: "La zone d'intérêt" de Jonathan Glazer / Vertigo / 6 min. / le 31 janvier 2024

Un sentiment de sidération permanent

L'horreur reste pourtant omniprésente dans "La zone d'intérêt" qui trouve un point de vue inédit sur un sujet que l’on croyait épuisé. Le contraste effroyable entre cette famille qui profite littéralement des horreurs voisines (la femme récupère avec bonheur le manteau en fourrure d’une victime, les enfants jouent avec des dents en or), et la monstruosité de cette proximité (le mari nazi qui pêche dans une rivière soudain teintée des cendres des juifs exterminés), provoque un sentiment de sidération permanent, renforcé par des scènes furtives convoquant, dans une image infrarouge, le conte de "Hansel et Gretel" des frères Grimm.

Immense film sur la Shoah, "La zone d'intérêt" déploie même son sujet à des thématiques plus larges, dès lors que l’on voit des ingénieurs vanter les mérites technologiques d’un four crématoire plus performant, ou que l’on assiste à une réunion de chefs des camps de concentration qui ressemble étrangement à une assemblée de chefs d’entreprises contemporaines.

"La zone d'intérêt" est un grand film qui élude la farce du roman initial pour n’en garder que la sécheresse effroyable et la gêne de cette banalité du mal chère à Hannah Arendt.

Rafael Wolf/aq

"La zone d'intérêt" ("The Zone of Interest") de Jonathan Glazer, avec Sandra Hüller et Christian Friedel. A voir dans les salles romandes depuis le 31 janvier 2024.

Publié