L'actrice Catherine Deneuve en 1968,  à l'honneur de l'affiche du 76e festival de Cannes. [AFP - Jack Garofalo]
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"Anatomie d'une chute" de Justine Triet décroche la Palme d'or

>> La Palme d'or du 76e Festival de Cannes a été attribuée samedi soir lors de la Cérémonie de clôture du 76e Festival de Cannes à "Anatomie d'une chute" de Justine Triet. 21 films étaient en compétition dont 7 réalisés par des femmes ce qui constituait un record.

>> L'acteur japonais Koji Yakusho, l'un des acteurs les plus célèbres dans son pays, a décroché le prix d'interprétation masculine pour son rôle dans "Perfect days" de Wim Wenders.

>> L'actrice turque Merve Dizdar a décroché samedi le prix d'interprétation féminine pour son rôle dans "Les herbes sèches", du réalisateur Nuri Bilge Ceylan

>> Le Grand Prix est attribué à "The Zone of Interest" de Jonathan Glazer

>> Le Prix du scénario est attribué à Sakamoto Yuji pour "Monster"

>> Le Prix du jury est attribué au film "Les feuilles mortes" de Aki Kaurismäki

>> Le Prix de la mise en scène est attribué à Tran Anh Hùng pour La "Passion de Dodin Bouffant"

Un suivi assuré par RTS Culture avec RTS Info et agences

Palme d'or

Le film "Anatomie d'une chute" de Justine Triet primé

La Française Justine Triet a remporté samedi la Palme d'or à Cannes pour "Anatomie d'une chute", devenant la troisième réalisatrice sacrée de l'histoire du Festival. Elle accède au sommet du cinéma après quatre films, dont "Sibyl", déjà sélectionné à Cannes et autant de portraits de femmes.

La cinéaste de 44 ans succède à Jane Campion ("La leçon de piano", 1993) et Julia Ducournau ("Titane", 2021), confirmant le lent mouvement vers l'égalité dans une industrie du cinéma historiquement dominée par les hommes.

Justine Triet remporte la Palme d'or du Festival de Cannes pour "Anatomie d'une chute". Elle devient la troisième femme à obtenir cette distinction. [AFP - Christophe Simon]

Le jury a choisi un film qui raconte le procès d'une veuve (Sandra Hüller) accusée aux assises d'avoir tué son mari. L'occasion de disséquer les dynamiques de pouvoir au sein d'un couple d'artistes aisés et d'exposer les préjugés sociaux auxquels se heurtent les femmes indépendantes. Le film sortira en salles le 23 août.

>> A écouter: la chronique "Vertigo" sur le film "Anatomie d'une chute" :

Le jeune Milo Machado Graner dans "Anatomie d'une chute" de Justine Triet. [Les Films de Pierre - Les Films Pelléas]Les Films de Pierre - Les Films Pelléas
"Anatomie d’une chute" de Justine Triet / Vertigo / 4 min. / le 24 mai 2023

Critiques envers le gouvernement français

En recevant son prix, la cinéaste a vivement dénoncé la façon dont le gouvernement français a "nié de façon choquante" le mouvement contre la réforme des retraites.

"Ce schéma de pouvoir dominateur, de plus en plus décomplexé, éclate dans plusieurs domaines", a-t-elle ajouté, estimant que le pouvoir cherchait aussi à "casser l'exception culturelle sans laquelle (elle) ne serait pas là aujourd'hui".

En conférence de presse, Justine Triet a persisté et signé, critiquant une "tendance qui va vers la rentabilité" des aides publiques au cinéma, et pointant le danger que ces aides aillent aux "plus gros films" au détriment du cinéma de création indépendant.

L'exception culturelle "est née sur l'idée de non-rentabilité du cinéma. Ca nous est envié dans le monde entier et ce n'est pas pour rien", a-t-elle poursuivi en réponse à une question de l'AFP.

Réagissant très vite, la ministre de la Culture Rima Abdul Malak s'est dite "estomaquée" par le discours de Justine Triet. "Heureuse de voir la Palme d'or décernée à Justine Triet, la 10e pour la France! Mais estomaquée par son discours si injuste. Ce film n'aurait pu voir le jour sans notre modèle français de financement du cinéma qui permet une diversité unique au monde. Ne l'oublions pas", a-t-elle écrit sur Twitter.

>> A écouter: Le commentaire de notre envoyé spécial Rafael Wolf sur le palmarès dans l'émission "Vertigo" :

La Palme d'or du 76e Festival de Cannes est attribuée à "Anatomie d'une chute" de Justine Triet. [AFP - Christophe Simon]AFP - Christophe Simon
Retour sur le Palmarès de Cannes. / Vertigo / 4 min. / le 29 mai 2023

>> A voir :

La réalisatrice française Justine Triet a reçu hier soir la Palme d’or pour « Anatomie d’une chute ».
La réalisatrice française Justine Triet a reçu hier soir la Palme d’or pour "Anatomie d’une chute" / 12h45 / 2 min. / le 28 mai 2023

Les autres récompenses du Festival de Cannes

Merve Dizdar et Koji Yakusho récompensés

Lors de cette cérémonie de clôture, présidée par Chiara Mastroianni, l'actrice turque Merve Dizdar a été honorée d'un prix d'interprétation pour son rôle dans "Les herbes sèches" de Nuri Bilge Ceylan. Elle a dédié ce prix "à toutes les femmes qui mènent une lutte pour surmonter les difficultés existantes dans ce monde".

Le prix d'interprétation masculine est allé à Koji Yakusho pour son rôle de nettoyeur de toilettes publiques à Tokyo dans "Perfect Days", film onirique de Wim Wenders.

Le prix du scénario est revenu à Sakamoto Yuji pour "Monster" de Kore-eda.

Le jury a également envoyé un message contemporain sur l'effroyable banalité du mal, en donnant le Grand prix à Jonathan Glazer pour "The Zone of Interest", sur la vie quotidienne du commandant nazi d'Auschwitz, une oeuvre radicale.

Le prix de la mise en scène est allé à Tran Anh Hùng pour "La passion de Dodin Bouffant", film d'époque sur la gastronomie française avec Benoît Magimel, et celui du jury à Aki Kaurismäki pour "Les feuilles mortes".

Ont été aussi remis lors de cette cérémonie la Palme d'or du court métrage qui a été attribué à Flora Anna Buda pour "27" et la Caméra d'or, qui récompense un premier film à Thien An Pham pour "L'arbre aux papillons d'or".

Quant au long métrage de clôture, le Festival a renoué avec la tradition de programmer la dernière création des studios Pixar, rachetés par Disney: le film d'animation "Élémentaire", qui sortira en juin, a été présenté en avant-première mondiale après la cérémonie.

>> A voir également: les moments forts de cette 76e édition :

Festival de Cannes : retour sur les moments forts de cette 76ème édition.
Festival de Cannes : retour sur les moments forts de cette 76ème édition. / 19h30 / 2 min. / le 27 mai 2023

La critique de tous les films en compétition

Par Rafael Wolf

21 films étaient en compétition pour la Palme d'or 2023. Sept sont réalisés par des femmes.

"Anatomie d’une chute" de Justine Triet  (Palme d'or)

Avec Sandra Hüller, Swann Arlaud, Milo Machado Graner

Note: 4/5

Autrice de roman à succès, Sandra (Sandra Hüller, prodigieuse) vit avec son mari, Samuel, et leur fils malvoyant de 11 ans, Daniel, dans une maison perdue en montagne, près de Grenoble. Le jour où Samuel est retrouvé mort en bas de la fenêtre de son bureau, dans ce qui paraît être un suicide, une enquête judiciaire est ouverte. Sandra est soupçonnée, puis inculpée. Un an plus tard, le procès expose les zones d’ombre de Sandra et de Samuel alors que Daniel, l’enfant, assiste aux audiences en découvrant des vérités qu’on lui avait cachées jusque-là.

Cinéaste auteure des excellents "La bataille de Solferino", "Victoria" ou encore "Sybil", Justine Triet creuse ici les failles, les béances, les mystères d’un couple, autopsiant les rapports ambigus qui ont amené cet homme et cette femme vers le drame. Jouant sur l’opacité des caractères, on ne sait jamais bien qui, du mari ou de l’épouse, exerce sur l’autre une autorité toxique. La cinéaste brouille les frontières poreuses entre les faits et les projections, la réalité et la fiction, posant, à travers le personnage le plus passionnant du film, le jeune Daniel, la question du pourquoi plutôt que du comment. On reste tout de même un peu sceptique face aux libertés que s’accorde Justine Triet au sujet de ce qu’elle révèle au public, au jury du tribunal et à ses protagonistes, passant parfois d’un point de vue à l’autre sans réelle justification que celle d’une dramaturgie qui cherche un peu trop à combler les trous.

"The Zone of Interest" de Jonathan Glazer (Grand Prix)

Avec Sandra Hüller, Christian Friedel, Ralph Herforth

Note: 5/5

Une famille allemande se prélasse aux abords d’une rivière. Rudolf Höss (Christian Friedel) et son épouse Hedwig (Sandra Hüller) vivent paisiblement avec leurs cinq enfants dans une superbe maison avec jardin et piscine. Sauf que Rudolf est le commandant du camp d’Auschwitz situé juste à côté de sa demeure.

Une photo du film "The Zone of Interest" de Jonathan Glazer. [Courtesy of A24 / MICA LEVI]

Inspiré du roman de Martin Amis, "The Zone of Interest" est une œuvre glaçante qui décrit, à travers des plans souvent fixes, très distanciés, le quotidien de cette famille de prédateurs qui doivent leur qualité de vie aux Juifs qu’ils assassinent juste à côté de chez eux. Plutôt que de chercher à créer une empathie avec ces enfants et ces parents nazis, qui n’ignorent rien, ils restent indifférents aux horreurs qui ont lieu juste derrière le mur qui les séparent du camp, "The Zone of Interest" touche au chef-d’œuvre en éludant toute représentation des camps, perçus ici uniquement par le son, les trains qui arrivent, les cris, les coups de fusils, la vrombissement permanent des fours crématoires.

>> A lire également : L'écrivain britannique Martin Amis est décédé à l'âge de 73 ans

L’horreur reste omniprésente, par la fumée et les flammes qui sortent de la cheminée du four crématoire, par les vapeurs expulsées des trains qui débarquent, dans ce film qui trouve un point de vue inédit sur un sujet que l’on croyait épuisé.

Le contraste effroyable entre cette famille qui profite littéralement des horreurs voisines (la femme récupère avec bonheur le manteau en fourrure d’une victime, les enfants jouent avec des dents en or), et la monstruosité de cette proximité (le mari nazi qui pêche dans une rivière soudain teintée des cendres des juifs exterminés), provoque un sentiment de sidération permanent, renforcé par des scènes furtives convoquant, dans une image infrarouge, le conte de Hansel et Gretel des frères Grimm.

Immense film sur la Shoah, "The Zone of Interest" déploie même son sujet à des thématiques plus larges, dès lors que l’on voit des ingénieurs vanter les mérites technologiques d’un four crématoire plus performant, ou que l’on assiste à la réunion des chefs des camps de concentration qui ressemble étrangement à une assemblée de chef d’entreprise contemporain.

Un grand film qui élude la farce du roman initial pour n’en garder que la sécheresse effroyable et la gêne de cette banalité du mal chère à Hannah Arendt.

"La passion de Dodin Bouffant" de Tran Anh Hùng (Prix de la mise en scène)

Avec Juliette Binoche, Benoît Magimel, Emmanuel Salinger

Note: 4/5

Au XIXe siècle, quelque part en France. Eugénie (Juliette Binoche) se démène dans la vaste cuisine du château de Dodin Bouffant (Benoît Magimel) pour cuisiner les plats fastueux que le maître des lieux, "Napoléon de la gastronomie", s’apprête à déguster avec quatre amis gourmets.

Depuis 20 ans qu’elle est au service de ce dernier, une relation amoureuse libre, charnelle, s’est nouée entre eux. Mais Eugénie commence à être victime de malaises récurrents. Dodin se met alors en tête de cuisiner pour celle qu’il aime plus que tout au monde.

Juliette Binoche et Benoît Magimel dans "La passion de Dodin Bouffant" de Tran Anh Hung. [Curiosa Films / Gaumont - Carole Behuel]

Adapté du roman du Suisse Marcel Rouff paru en 1924, qui imaginait un maître de la gastronomie française, "La passion de Dodin Bouffant" séduit d’emblée par la sensualité tranquille de sa mise en scène. Tran Anh Hung ("L’odeur de la papaye verte") parvient à rendre les plats incroyables de son film tactiles, palpables.

On goûte des yeux ce récit simple et lumineux, symphonie de recettes aussi belles que des poèmes, au moment où l’amour entre Eugénie et Bouffant se resserre, que se pose la question de la transmission du savoir à une jeune fille de paysan aux dons gustatifs prodigieux, et que l’acte de cuisiner et de manger, relèvent du partage le plus essentiel, unissant les personnages dans une mémoire commune.

Juliette Binoche et Benoît Magimel incarnent avec une finesse et une complicité idéales ce couple au centre de cette œuvre enveloppante qui sublime les sens.

"Les feuilles mortes" d’Aki Kaurismäki (Prix du Jury)

Avec Alma Pöysti, Jussi Vatanen, Janne Hyytiäinen

Note: 3/5

A Helsinki, un ouvrier alcoolique rencontre une jeune caissière de supermarché. Ils passent une soirée ensemble, puis se perdent, se retrouvent, avant que la femme ne rejette l’homme à cause de sa dépendance.

"Les feuilles mortes", un film d’Aki Kaurismäki. [Sputnik]

Boire ou aimer, il faut choisir nous dit en substance le nouveau film d’Aki Kaurismäki, exubérant cinéaste finlandais connu notamment pour "Le Havre", "Au loin s’en vont les nuages". Le style épuré, minimaliste, du réalisateur reste ici intact dans ce mélodrame qui cite, pêle-mêle, Robert Bresson, Chaplin, Jim Jarmusch et bien d’autres. Une romance contrariée que Kaurismäki contextualise par de nombreux rappels à la guerre en Ukraine, dont les nouvelles sont diffusées à la radio.

Reste que le film, pas désagréable à voir, paraît plutôt mineur et sans grande substance thématique en regard d’autres œuvres du cinéaste. Un peu anecdotique.

"Monster" de Hirokazu Kore-eda (Prix du scénario)

Avec Soya Kurokawa, Sakura Ando

Note: 3/5

Un immeuble de bar à hôtesses est incendié par un mystérieux pyromane. Minato, un garçon qui se demande s’il resterait humain si on lui greffait un cerveau de porc, regarde la scène sur le balcon de son appartement en compagnie de sa mère, Saori. La veuve s’inquiète le jour où son enfant lui avoue qu’il est harcelé par son professeur, un dénommé Hori, et demande réparation à l’école. En guise d’excuse, l’enseignant ne fait que répéter les consignes dictées par la directrice de l’établissement, dont la petite-fille vient d’être accidentellement écrasée par son mari. Quant au camarade de classe de Minato, souffre-douleur des autres et victime d’un père alcoolique qui le croit "malade", il tait la clé d’un secret que le film prendra près de deux heures à explorer.

"Monster" ("Kaibutsu") de Hirokazu Kore-eda. [DR]

Palme d’or en 2018 pour "Une affaire de famille", et auteur de l’extraordinaire "Nobody knows", Hirokazu Kore-eda choisit de raconter cette histoire trouée par d’innombrables zones d’ombres, de mensonges, de rumeurs, à travers trois points de vue différents. D’abord, on suit la mère. Puis le film revient en arrière et retrace la même temporalité, mais sous l’angle du professeur, bouc émissaire tout désigné responsable d’avoir frappé et insulté Minato. Enfin, le point de vue de l’enfant, Minato, complète cette mosaïque qui ne cesse de nous montrer que ce que l’on a vu n’est qu’un leurre. Très soigné et structuré, "Monster" atteint toutefois ses limites dans ce programme trop rigide, la systématique du retournement de situation virant un peu trop rapidement à l’artifice. Et l’on s’étonne quelque peu de voir Hirokazu Kore-eda dévoiler peu à peu les zones obscures de son film alors qu’il s’évertuait, dans ses œuvres précédentes, à épaissir ce même mystère qui donnait toute sa singularité à son geste de cinéaste.

"Les herbes sèches" de Nuri Bilge Ceylan (Prix d'interprétation féminine pour Merve Dizdar)

Avec Deniz Celiloğlu, Merve Dizdar, Musab Ekici

Note: 3/5

La neige recouvre les alentours d'un village reculé d'Anatolie où Samet enseigne le dessin. Il rêve d'être muté à Istanbul, mais sa rencontre avec une jeune professeur, Nuray, perturbe un peu ses plans. Son ami et colocataire semble nouer une relation avec cette dernière que lui jalouse Samet, par ailleurs accusé, par une jeune élève secrètement amoureuse de lui, de gestes déplacés.

Une image du film "Les herbes sèches" de Nuri Bilge Ceylan. [Festival de Cannes]

Lauréat d'une Palme d'or en 2013 avec "Winter Sleep", le cinéaste turc Nuri Bilge Ceylan prolonge ici son cinéma contemplatif et philosophique, construit sur des tableaux visuels magnifiques et une durée étirée (3h10). On est toutefois rapidement happé par cette histoire qui s'approche par moment d'une narration à suspense. Les rumeurs mènent à des accusations dont les fondements apparaissent discutables, les motivations réelles des personnages restent opaques et se dévoilent lentement au fur et à mesure d'un film qui interroge la question de l'implication des êtres dans le monde, par la politique, l'amour, les espoirs en l'avenir, ou au contraire leur détachement, leur égoïsme et leur lassitude progressive.

C'est très beau, maîtrisé à la perfection, mais le discours philosophique final paraît un peu trop souligné et, disons-le, relativement peu original pour nous enthousiasmer complètement.

"Perfect Days" de Wim Wenders (Prix d'interprétation masculine pour Koji Yakusho)

Avec Koji Yakusho, Min Tanaka, Arisa Nakano

Note: 4/5

Vivant seul, attachée à la routine de sa vie, Hirayama travaille à l’entretien des toilettes publiques de Tokyo. Ses journées se répètent, les mêmes gestes, les mêmes horaires, le vieil homme entretenant une passion pour les photographies d’arbres, les livres et la musique rock américaine qu’il écoute sur des cassettes obsolètes dans sa voiture. Au gré des rencontres furtives, Hirayama voit son passé ressurgir avec l’arrivée de sa nièce qu’il accepte d’héberger.

Une image de "Perfect Days" de Wim Wenders. [Master Mind Ltd]

Palme d’or en 1984 avec "Paris, Texas", Wim Wenders n’avait plus été en compétition à Cannes depuis 2008 et son "Rendez-vous à Palerme" de triste mémoire. C’est dire si l’on se méfiait de cette nouvelle fiction pourtant magnifique. Peu bavard, le film colle à ce héros atypique, presque anachronique dans son attachement aux objets analogiques (cassettes, livres, photographies argentiques). Un homme qui vit au présent et nous emmène dans une balade poétique et contemplative dans un Japon intimiste et contemporain.

Des classiques de Patti Smith, des Velvet Underground, de Van Morrison ou de Nina Simone rythment cette petite fugue qui fait songer au cinéma épuré et patient de Yasujiro Ozu, maître du cinéma japonais adulé par Wenders. Un art de la litote qui finit par émouvoir, grâce notamment à l’exceptionnel acteur Koji Yakusho, d’une subtilité très rare.

"L’enlèvement" de Marco Bellocchio

Avec Paolo Pierobon, Enea Sala, Leonardo Maltese

Note: 5/5

En 1858, dans le quartier juif de Bologne, les soldats du Pape font irruption chez la famille Mortara. Sous prétexte que le fils de sept ans, Edgardo, a été baptisé en secret par sa nourrice, ils arrachent le bambin à son père et à sa mère pour le placer dans une école catholique de Rome. Les parents d’Edgardo tentent d’alerter l’opinion publique et la communauté juive internationale pour faire pression sur la Pape Pie IX qui se fiche comme de sa première communion de ce que le monde pense des actions de l’Eglise. De plus, Edgardo paraît se fondre dans la foi catholique et rejeter ses racines comme sa propre famille.

Immense cinéaste italien qui ne cesse d’ausculter les tragédies intimes et communes de son pays (la récente mini-série "Esterno Notte" sur le rapt d’Aldo Moro, la mafia dans "Le traître", le fascisme mussolinien dans "Vincere"), Marco Bellocchio s’appuie ici sur une histoire vraie pour composer un drame déchirant, puissant, dévastateur, dénonçant le pouvoir arrogant d’une église conservatrice et dogmatique.

La grandeur du film, soutenu par une musique symphonique d’une ampleur prodigieuse, est de suivre simultanément, dans un montage souvent alterné, les rituels catholiques et juifs, l’endoctrinement d’Edgardo, sa fascination pour le Christ et la douleur de ses parents, au moment où les troupes piémontaises envahissent Rome pour mettre fin aux Etats pontificaux.

La petite et la grande histoire cheminent main dans la main dans cet "Enlèvement" qui nous a noué plusieurs fois la gorge, Bellocchio opposant ici au Pape Pie IX, uniquement mû par une logique despotique, un judaïsme qui puise toute sa raison d’être dans le lien familial, dans l’identité intime, dans la filiation. L’un de nos gros chocs de ce festival.

"Jeunesse (Le printemps)", documentaire de Wang Bing

Note: 5/5

Dans la cité de Zhili, à 150 km de Shanghai, un quartier d’immeubles bétonnés est entièrement dévolu à la fabrication de vêtements. Des jeunes quittent leur campagne pour gagner leur vie dans les innombrables ateliers textiles de la zone. Travaillant sans relâche, les employés, payés à la pièce, rêvent d’une maison, d’un mariage, d’un enfant. Des amours naissent, des amitiés aussi, alors qu’une négociation compliquée oppose le patron à un groupe de salariés désireux de réévaluer le prix des pièces qu’ils confectionnent.

Documentariste chinois acclamé dans les festivals pour ses œuvres aux durées pharaoniques, Wang Bing a filmé, entre 2014 et 2019, ces ateliers saturés des sons des machines à coudre et des chansons de variétés chinoises.

Si la durée de "Jeunesse", plus de 3h30, peut paraître à priori intimidante, elle devient l’atout principal de cette sidérante plongée qui nous captive par sa dimension feuilletonnesque. La mise en scène se construit comme par improvisation, la caméra se rapproche des ouvriers et des ouvrières, la netteté de l’image s’opère sous nos yeux, en instantané, accentuant à un degré prodigieux notre proximité avec les multiples personnages auxquels on s’attache très rapidement.

En résulte un portrait vivant, unique, drôle par endroits, des aspirations de la jeunesse chinoise et de l’exploitation industrielle d’une génération toute entière.

"Le retour" de Catherine Corsini

Avec Aïssatou Diallo Sagna, Esther Gohoutou, Suzy Bemba, Virginie Ledoyen

Note: 4/5

Quinze ans après avoir fui la Corse, Khédidja revient sur l’île avec Jessica et Farah, ses deux filles adolescentes, pour s’occuper des enfants d’un riche couple parisien. Le temps de cet été, la mère renoue avec un ancien ami de son mari décédé dans des circonstances nébuleuses alors que ses filles cherchent à trouver leur voie dans les traces d’un passé inconnu.

"Le retour", un film de Catherine Corsini. [CHAZ Productions - Emmylou Mai]

Précédé d’une polémique accusant son tournage de harcèlements moraux et physiques, en plus d’une supposée scène de sexe non simulée impliquant une comédienne mineure, "Le retour" a été repêché en dernière minute en compétition cannoise. Une fois le film vu, sans l’ombre d’une image sexuelle explicite, on se focalisera sur cette chronique familiale naturaliste qui déploie une émotion assez intense.

S’attachant aux personnages de Khédidja et de ses filles antagonistes - Jessica s’apprête à entrer à Science-Po, Farah mène une vie sans lendemain dominé par les petits deals de drogue - Catherine Corsini pose ce trio en pleine crise face à ses racines, son passé et son avenir incertain. La question de l'identité épouse ici celle de la sexualité, chacune de ces trois femmes s’abandonnant à une relation imprévue, Jessica goûtant pour la première fois à un désir saphique puissant avec la fille des employeurs de sa mère, source des séquences les plus intenses et sensuelles d’un film à la beauté épurée auquel on pourra toutefois reprocher certaines lourdeurs psychologiques et quelques clichés liés à la culture corse.

>> A écouter, une interview de Catherine Corsini dans "Vertigo", suivie d'une rencontre avec l'acteur Michael Douglas :

La réalisatrice Catherine Corsini, l'actrice Aïssatou Diallo Sagna et la productrice Elisabeth Perez lors de la projection de "Le retour" au 76e festival de Cannes le 17 mai 2023. [AFP - Valery HACHE]AFP - Valery HACHE
Cannes en direct / Vertigo / 7 min. / le 18 mai 2023

"Vers un avenir radieux"

Avec Nanni Moretti, Margherita Buy, Mathieu Amalric

Note: 4/5

Sur l’affiche de "Journal intime", Nanni Moretti déambulait en Vespa; sur celle de son nouveau film, "Vers un avenir radieux", il circule en trottinette électrique. Les détails changent, le fond demeure presque le même avec cette comédie en crise où le cinéaste reconvoque son personnage d’alter ego politisé, intransigeant, à la fois irritant et hilarant.

Ici, Giovanni, cinéaste italien renommé qui débute le tournage de son nouveau métrage: l’histoire du parti communiste italien confronté aux chars russes écrasants Budapest en 1956. Mais voilà: son couple est en crise et sa femme, autrefois productrice de toutes ses oeuvres, soutient désormais un jeune réalisateur qui tourne un film de gangsters à l’opposé de l’éthique cinématographique prônée par Giovanni.

Guidé par des titres de variétés italiennes, Aretha Franklin ou Joe Dassin, "Vers un avenir radieux" renoue, pour notre plus grand bonheur, avec la gravité légère, la fantaisie réaliste, l’humour désenchanté du Moretti de "Journal intime", d’"Aprile" ou de "Palombella rossa". On chante d’ailleurs beaucoup dans ce film traversé par la mort du communisme, la mort du cinéma, la mort du couple, dans lequel le cinéaste s’emporte contre la fascination pour la violence, contre une comédienne qui cherche à tout alourdir de sens, contre des producteurs de Netflix lors d’un rendez-vous pathétique où le formatage imposé par la plateforme frise le délire kafkaïen.

>> A écouter, la chronique de "Vertigo" consacrée à "Vers un avenir radieux" de Nanni Moretti :

"Vers un avenir radieux" de Nanni Moretti. [Sacher Films]Sacher Films
Cannes en direct / Vertigo / 6 min. / le 25 mai 2023

Il ne faudra pour autant pas prendre le titre du film pour le pied de nez ironique d’un cinéaste qui ne l’a jamais été. Mise en abyme des états d’âme de Nanni Moretti, "Vers un avenir radieux", plutôt que de se complaire dans une nostalgie mortifère, choisit l’élan de vie, le mouvement commun, lors d’une marche électrisante où acteurs, amis et proches du cinéaste déambulent au cœur des ruines romaines.

Un acte de résistance beau, poétique et galvanisant contre un monde que Moretti reconquiert par la seule force de son cinéma.

"L’été dernier" de Catherine Breillat

Avec Léa Drucker, Samuel Kircher, Olivier Rabourdin

Note: 4/5

Avocate renommée spécialisée dans les affaires impliquant des mineurs, Anne (Léa Drucker) mène une existence paisible, bourgeoise et endormie avec son mari, Pierre (Olivier Rabourdin), et ses deux filles adoptives. Le jour où son beau-fils de 17 ans, Théo (Samuel Kircher), s’installe dans sa maison familiale, Anne entame une liaison passionnelle avec lui, menaçant les piliers de sa vie.

Samuel Kircher et Léa Drucker dans "L'été dernier" de Catherine Breillat. [SBS Productions]

Remake d’un film danois sorti en 2019, "L’été dernier" décrit avec une précision à fleur de peau l’abandon irraisonné de son héroïne face à un adolescent d’abord arrogant, puis joueur et séducteur. Sans succomber aux scènes de sexe sulfureuses qui ont fait sa notoriété, Catherine Breillat compose un film de visages, nuancé, sensuel, lumineux, qui creuse les différences générationnelles quant à l’amour et à la sexualité. Anne évoque sa mère, issue de la libération sexuelle des années 60, sa propre génération, pétrifiée par le SIDA, alors que Théo incarne une troisième voie qui paraît, en surface du moins, beaucoup plus détachée, voire nonchalante.

Un très beau film porté par Léa Drucker, tour à tour tendre et autoritaire, et le jeune Samuel Kircher, fils de la comédienne Irène Jacob, dont c’est le premier rôle à l’écran.

"La chimère" d’Alice Rohrwacher

Avec Josh O'Connor, Carol Duarte et Isabella Rossellini

Note: 4/5

Après un séjour passé en prison, Arthur, un sourcier exceptionnel d’origine anglaise, revient dans sa petite cité au bord de la mer Thyrrhénienne. Il s’installe aux abords de la maison occupée par la mère de sa dulcinée, décédée, et retrouve la bande de pilleurs de tombes étrusques pour laquelle il repère les endroits à fouiller.

Car Arthur a le don de ressentir le vide et plonge dans une forme de transe à chaque fois qu’il passe au-dessus d’un trésor archéologique. Mais alors que ses camarades ne rêvent que d’argent, ils revendent les objets antiques à un mystérieux receleur, Arthur tente de combler le vide qu’il ressent depuis la disparition de son dernier amour.

Tourné en pellicule, situé dans une Italie où l’on paye en lire et où les téléphones portables n’existent pas, "La chimère" flirte avec les cinéma terrien et mystique de Pasolini et, par moments, avec les envolées poétiques de Fellini pour un récit qui ne cesse d’excaver les tunnels, mentaux ou réels, reliant le passé au présent.

Dans une mise en scène prodigieuse de naturel entremêlant le profane et le sacré, Alice Rohrwacher signe une œuvre à la fois profondément mélancolique, vibrante de vie, picaresque même. Une œuvre magnifique et lumineuse.

"May December" de Todd Haynes

Avec Natalie Portman, Julianne Moore et Charles Melton

Note: 4/5

Vingt ans auparavant, Gracie Atherton (Julianne Moore), 36 ans, s'amourachait de Joe Yoo (Charles Melton), 13 ans, défrayant les tabloïds américains. Après avoir purgé une peine de prison, donné naissance à plusieurs enfants, et épousé Joe, Grace accepte de recevoir chez elle, à Savannah, une star hollywoodienne, Elizabeth Berry (Natalie Portman) qui s'apprête à tourner un film indépendant inspiré de l'histoire de Grace. Entre la famille qu'elle a fondée avec Joe, et son ancien mari, avec qui elle a eu deux enfants, Grace préfère oublier son passé et cuisiner des gâteaux à longueur de journée. Mais les questions insistantes de l'actrice, désireuse de comprendre la personnalité profonde de celle qu'elle va interpréter, exacerbe les tensions, les non-dits et les rancœurs enfouies.

Une photo du film "May December" de Todd Haynes avec Natalie Portman et Julianne Moore. [DR]

Poursuivant ses portraits de femmes emprisonnées dans les conventions sociales, ("Safe", "Carol", "Loin du paradis") Todd Haynes met côte à côte deux comédiennes prodigieuses, Julianne Moore et Natalie Portman, dans un face-à-face tragicomique entre la réalité et la fiction. Dans plusieurs scènes mémorables, Portman imite en temps réel le jeu et les mimiques de Moore qui parle à côté d'elle, comme si le modèle et son personnage fictionnel communiquait par la magie de l'artifice cinématographique. "May December" épate avec le portrait magistral qu'il dresse du métier d'actrice, Natalie Portman mérite d'emblée le prix d'interprétation cannoise, et le film de souligner, avec une ironie cruelle, l'écart infranchissable qui sépare la complexité des êtres et leur représentation artistique forcément réductrice.

"Banel & Adama" de Ramata-Toulaye Sy

Avec Mamadou Diallo, Khady Mane

Note: 3/5

Dans un village du Sénégal, Banel et Adama s'aiment d'un amour fou et exclusif. Mais alors que la communauté, réglée par des traditions rigides, demande à Banel d’enfanter et à Adama d'assumer le poste de chef qui lui revient, ils refusent et se retrouvent marginalisés. Banel développe une colère de plus en plus forte qu'elle exprime au moyen d'une fronde avec laquelle elle tue insecte, oiseau, rêvant d’aller habiter avec Adama dans une maison hors du village enfouie sous le sable.

Premier long-métrage de Ramata-Toulaye Sy, tourné en langue peul, "Banel et Adama" impose d'emblée une beauté cinématographique assez prodigieuse. L'image, simple et épurée, opte pour un réalisme poétique plutôt que pour un naturalisme qui s'approcherait du documentaire.

Si l'on peut regretter la relative lourdeur des dialogues, des conflits et des situations exposées à l'écran, opposant de manière un peu binaire modernité et tradition, obéissance et émancipation, cœur contre raison, l'énergie explosive qui émane du personnage de Banel, et le recours à des images proches du conte ou de la légende au sein d’un récit somme toute ancré ici et maintenant, confirment la réussite de ce premier coup d'essai.

"Asteroid City" de Wes Andersen

Avec Scarlett Johansson, Tom Hanks, Adrien Brody, Jason Schwartzman, Tilda Swinton

Note: 3/5

1955. Asteroid City est une bourgade perdue en plein désert, avec comme seule attraction un énorme cratère de météorite. Au loin, des champignons atomiques s’élèvent parfois, provoqués par des essais nucléaires. C’est là que les militaires et les scientifiques présents reçoivent cinq enfants surdoués, et leur famille, afin que ceux-ci présentent leurs inventions technologiques.

Présenté comme une pièce radiophonique écrite par un dramaturge solitaire (Edward Norton), et chapitré en trois actes, "Asteroid City" esquisse une ribambelle de personnages dans cette comédie loufoque mâtinée de science-fiction (avec l’arrivée furtive d’un extraterrestre).

>> A écouter: la chronique de l'émission "Vertigo" consacré à ce film :

Une scène du film "Asteroid City" de Wes Andersen. [Courtesy of Pop. 87 Productions/Focus Features - American Empiri]Courtesy of Pop. 87 Productions/Focus Features - American Empiri
Le film "Asteroid city" de Wes Andersen / Vertigo / 2 min. / le 24 mai 2023

Wes Anderson part dans tous les sens et s’amuse tout seul comme un gamin, et nous d’observer son film avec une distance polie, jamais réellement impliqué, ni intellectuellement ni émotionnellement. Certes toujours virtuose, le cinéaste des géniaux "La famille Tenenbaum", "La vie aquatique" ou "Moonrise Kingdom" semble capitaliser uniquement sur son seul style, comme un label, une marque de fabrique qui commence à s’assécher de film en film.

"The Old Oak" de Ken Loach

Avec Dave Turner, Ebla Mari et Trevor Fox

Note: 3/5

Un bus de réfugiés syriens arrive, en 2016, dans un village du Nord de l’Angleterre, sous les huées et la colère de certains habitants encore marqués par le passé minier de la région.

Devant les résistances, Yara, une jeune réfugiée et photographe douée pour les portraits, se lie d’amitié avec TJ Ballantyne, propriétaire du Old Oak, un pub qui devient le lieu possible d’une réunion entre réfugiés et autochtones ou au contraire l’endroit de la discorde.

Emporté par le duo très émouvant qui se forme entre Yara et ce vieil anglais d’abord passif, puis désireux d’aider ses prochains, "The Old Oak" puise ses meilleures scènes dans les résonances qui se créent peu à peu entre le vécu des réfugiés et le passé des villageois, frappés par le deuil, la crise, le chômage.

L’élan universel recherché par Ken Loach fait bien sûr mouche. Mais on ne peut s’empêcher de résister aux ressorts dramaturgiques que Paul Laverty, scénariste historique de Loach, impose à une histoire qui aurait gagné à se détacher de cette logique d’oppositions, de conflits, de rebondissements un peu trop mécaniques et artificiels.

"Les filles d'Olfa" de Kaouther Ben Hania

Avec Hend Sabri, Olfa Hamrouni, Eya Chikahoui

Note: 3/5

En Tunisie, Olfa vit avec ses deux filles, les deux aînées ayant "disparu", on comprendra plus tard qu'elles sont parties faire le djihad en Libye. Pour reconstituer le traumatisme vécu par cette mère et ses deux cadettes maintenant adolescentes, la cinéaste Kaouther Ben Hania ("La belle et la meute") joue à brouiller les frontières entre documentaire et fiction. D'un côté, la vraie mère et ses deux filles. De l'autre, trois comédiennes, une pour interpréter Olfa, les deux autres pour incarner les deux sœurs radicalisées, qui vont rejouer certaines scènes du passé de cette famille mettant en lumière l'oppression des femmes, la mère Olfa répercutant sur ses filles la haine du corps, la peur des hommes, le culte de la religion qu'elle avait elle-même subie.

Une image du film "Les filles d'Olfa" de Kaouther Ben Hania. [Festival de Cannes]

Si le dispositif des "Filles d'Olfa" apparaît souvent très artificiel et peut mettre à distance d'une émotion que la cinéaste cherche un peu trop à faire dégouliner sur l'écran, le film trouve in fine sa raison d'être en orchestrant une forme de catharsis, voire de réconciliation, entre Olfa et ses deux filles.

"Firebrand - Le jeu de la reine" de Karim Aïnouz

Avec Alicia Vikander, Jude Law, Simon Russell Beale

Note: 2/5

Sixième épouse du roi Henri VIII (Jude Law, méconnaissable), qui n'a pas hésité à répudier ou trucider ses précédentes femmes dès lors qu'il se sentait trahi par elles, Catherine Parr (Alicia Vikander) tente de peser sur les décisions de la cour en matière de religion, le protestantisme naissant est encore écrasé par le roi et l'évêque, qui voit en la reine une ennemie à décapiter.

Une image du film "Firebrand - Le jeu de la reine" de Karim Aïnouz. [Festival de Cannes]

Enrobé dans l'écrin d'une mise en scène à la fois soignée et suffisamment moderne pour ne pas sombrer dans la reconstitution académique, "Firebrand - Le jeu de la reine" s'appuie sur les conflits et les contradictions d'une Angleterre encore catholique, menacée par les contestations de celles et ceux qui ne veulent plus d'intermédiaires entre Dieu et le peuple. Très vite pourtant, le discours autant féministe (Catherine est écrasée par les hommes qui l'entourent) que le propos religieux tombent dans la pure démonstration caricaturale, le roi Henri VIII, souffrant d'une affreuse blessure à la jambe, éructant ici comme un porc en rut qui ne pense qu'à forniquer, manger et guerroyer. A ce stade de raccourci grotesque, on en vient à regretter l'intitulé initial du film, pourtant passionnant, qui prétendait substituer aux sempiternelles histoires de guerres et d'hommes un contre-point féminin et pacifique qui aurait mérité un film plus abouti et singulier que celui-ci.

"Club Zero" de Jessica Hausner

Avec Mia Wasikowska, Sidse Babett Knudsen, Elsa Zylberstein, Mathieu Demy

Note: 2/5

Dans un lycée privé réservé à l’élite du pays, quelques élèves rejoignent un nouveau cours initié par Miss Novak (Mia Wasikowska). L’idée est d’éduquer les adolescents à la nutrition à travers un concept encourageant une consommation d’abord plus modérée, puis une absence complète de nourriture, prônée dans un cercle secret: le Club Zéro.

Une image de "Club Zero" de Jessica Hausner.

Dans une mise en scène acérée imposant un univers cloisonné, enfermé sur lui-même, la cinéaste autrichienne Jessica Hausner ("Lourdes", "Little Joe") observe l’endoctrinement progressif de cette jeunesse par une sorte de gourou de secte qui va jouer un rôle maternel ambigu auprès de ses adeptes de plus en plus déconnectés de leur contexte familial.

Le sujet passionne, son traitement à l’écran dépite, tant la volonté démonstrative de Hausner, son abus des références ésotériques (jusqu’à un clin d’œil final à la Cène de De Vinci), et l’aspect totalement programmatique d’un récit ne s’écartant jamais de ce qu’on attend de lui, condamnent "Club Zero" à une lourdeur thématique inouïe.

"Black Flies" de Jean-Stéphane Sauvaire

Avec Sean Penn, Tye Sheridan

Note: 1/5

Suivant des études de médecine, Ollie Cross (Tye Sheridan) gagne sa vie en tant que jeune ambulancier new-yorkais. Il fait équipe avec Gene Rutkovsky (Sean Penn), un urgentiste plus expérimenté qui le confronte au choix cornélien que le métier appelle chaque soir pour tenter de sauver des vies humaines.

Adapté du roman de Shannon Burke "911", "Black Flies" adopte une forme immersive pour nous plonger au cœur du quotidien de ces ambulanciers. Caméra tremblée, points de vue subjectifs, effets de lumière ultra-stylisés; Jean-Stéphane Sauvaire ( "Johnny Mad Dog", "Une prière avant l’aube") ne lésine sur aucune lourdeur cinématographique, appuyant le sordide, le misérabilisme, la violence des milieux décrits (gangsters latinos, mari russe frappant sa femme, musulman asthmatique, mère junkie et sidéenne donnant naissance à un bébé mort-né), avec un aplomb tel qu’il en devient contre-productif.

Sean Penn et Tye Sheridan dans "Black Flies", de Jean-Stéphane Sauvaire. [David Ungaro]

Mis à l’écart d’un tel étalage de complaisance emporté par un scénario archétypal (le novice apprenant la vie grâce au vétéran, au trauma initial dominé par le suicide d’une mère), le spectateur de "Black Flies" finit à terre, achevé par un recours pachydermique à des figures religieuses, l’archange Gabriel terrassant les forces du mal, le nom du héros, Ollie Cross (soit littéralement Sainte Croix en français), la culpabilité et le pardon final comme lien thématique. A ce stade de pathos surligné, on en vient à songer au film autrement supérieur de Martin Scorsese, "A tombeau ouvert" (1999), dans lequel Nicolas Cage incarnait un ambulancier new-yorkais dépressif et drogué qui perçoit les fantômes de ceux qu’il n’a pas réussi à sauver.

Une oeuvre psychédélique, surréaliste qui fait oublier en un clin d’oeil ces mouches noires qui survolent la première bouse de la compétition.

Les pronostics de Rafael Wolf pour le palmarès cannois

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- Palme d’or: "L’enlèvement" de Marco Bellocchio.

Une scène du film "L'enlèvement" de Marco Bellocchio avec les acteurs Paolo Pierobon (Pape Pie IX) et Enea Sala. [Ad Vitam Production]

- Grand Prix: "The Zone of Interest" de Jonathan Glazer.

- Prix de la mise en scène : Alice Rohrwacher pour "La chimère.

- Prix du jury : "Jeunesse (Le printemps)" de Wang Bing.

- Prix du scénario : "Monster" de Hirokazu Kore-eda.

- Meilleure actrice: Sandra Hüller pour "Anatomie d’une chute" de Justine Triet.

- Meilleur acteur: Koji Yakusho pour "Perfect Days" de Wim Wenders.

"How To Have Sex" de Molly Manning Walker remporte le prix Un Certain Regard

Le premier film de la réalisatrice britannique est consacré à la sexualité

Le film "How To Have Sex" ("Comment faire l'amour") de la réalisatrice britannique Molly Manning Walker a remporté vendredi le prix Un Certain Regard au Festival de Cannes.

"How To Have Sex", son premier long métrage, suit trois jeunes copines qui partent en vacances en Crète, dans une station balnéaire. L'une cherche à perdre sa virginité mais les choses vont mal tourner.

Une image du film "How To Have Sex" de Molly Manning Walker. [MK2 Films]

Le film utilise les clichés sur ce genre de vacances à l'étranger - alcool à volonté, soirées piscine et frites au fromage - pour aborder les questions graves du consentement et du viol.  Des scènes que la réalisatrice ne filme pas, se concentrant sur les émotions.

Molly Manning Walker s'est notamment inspirée d'une agression sexuelle dont elle a été victime à l'âge de 16 ans.

Directrice de la photographie pour d'autres cinéastes, elle a également réalisé des clips et des publicités, ainsi que deux courts métrages.

La section Un Certain Regard est la principale section parallèle du Festival de Cannes, dédiée notamment aux nouveaux talents. Son jury était présidé par l'acteur américain John C. Reilly.

Une sélection de quelques stars présentes jeudi 24 mai au Festival de Cannes

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"Tiger stripes", Grand prix de la 62e Semaine de la Critique

Un film d'horreur sur la puberté signé de la Malaisienne Amanda Nell Eu

Le Grand prix de la 62e Semaine de la Critique, dédiée aux premiers et deuxièmes films, a été attribué mercredi à Cannes à la Malaisienne Amanda Nell Eu pour "Tiger stripes", un film sur la puberté mêlant comédie adolescente et horreur.

Récit d'émancipation, le film suit Zaffan, 12 ans, qui vit dans une petite communauté rurale de Malaisie et voit son corps se transformer à une vitesse inquiétante.

Parfois gore, il est par certains aspects comparé à "Grave" de Julia Ducournau, découverte à la Semaine de la critique en 2016, puis récompensée de la Palme d'or en 2021 pour "Titane".

Les autres primés

Le prix de la "French Touch" a été décerné à "Il pleut dans la maison" de la Belge Paloma Sermon-Daï, film sur deux adolescents livrés à eux-mêmes, le temps d'un été caniculaire.

Le jury présidé par la Française Audrey Diwan a attribué le prix de la star montante de la Fondation Louis Roederer à Jovan Ginic pour "Lost Country", du Serbe Vladimir Perisic, formé à la Fémis en France. Le film explore les relations entre Stefan, 15 ans, et sa mère, porte-parole du parti au pouvoir, lors de manifestations contre le régime de Milosevic en 1996.

Le Prix Fondation Gan à la diffusion, doté de 20.000 euros, a été remis à la société Pyramide, distributeur en France d"Inchallah un fils" du Jordanien Amjad Al Rasheed. Le film raconte la lutte d'une femme contre une société où ne pas avoir un descendant mâle peut changer une vie.

Enfin, le prix SACD a été remis à la Française Iris Kaltenbäck, elle aussi formée à la Fémis, pour "Le Ravissement", un film sur la solitude urbaine portée par Hafsia Herzi, en sage-femme parisienne prête à tout pour donner un sens à sa vie.

Une sélection de quelques stars présentes mercredi 24 mai au Festival de Cannes

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"L'amour et les forêts" de Valérie Donzelli (Cannes Première)

Thriller conjugal avec Virginie Efira et Melvil Poupaud

Présenté hors compétition à Cannes Première "L'amour et les forêts" est sorti dans les salles mercredi.

Adapté du roman éponyme d'Eric Reinhard  et réalisé par Valérie Donzelli, il met en scène Virginie Efira et Melvil Poupaud. Il interprètent Blanche et Grégoire qui vivent un coup de foudre. A tel point qu’elle quitte tout pour lui: famille, amis, métier et lieu de vie. Mais la lune de miel ne va pas durer puisque très vite le prince charmant se transforme en pervers narcissique, surveillant son épouse au point de faire de sa vie un enfer.

>> A voir: Interview de Virginie Efira et Melvil Poupaud :

Festival de Cannes: Les acteurs Virginie Efira et Melvil Poupaud restituent l’enfer conjugal dans le thriller psychologique "L’Amour et les forêts". Rencontre
Festival de Cannes: Les acteurs Virginie Efira et Melvil Poupaud restituent l’enfer conjugal dans le thriller psychologique "L’Amour et les forêts". Rencontre / 19h30 / 1 min. / le 24 mai 2023

>> A voir également: la critique du film par Robin Adet, cinéaste, et Alexandre Caporal, journaliste cinéma pour Nyon Région Télévision, lors du débat cinéma du 12h45 :

Rendez-vous cinéma: Robin Adet, cinéaste, et Alexandre Caporal, journaliste cinéma pour Nyon Région Télévision, commentent le film "L’Amour et les Forêts"
Rendez-vous cinéma: Robin Adet, cinéaste, et Alexandre Caporal, journaliste cinéma pour Nyon Région Télévision, commentent le film "L’Amour et les Forêts" / 12h45 / 3 min. / le 24 mai 2023

"Bonnard, Pierre et Marthe" de Martin Provost (Cannes Première)

Vincent Macaigne en peintre rigoureux et plein de fantaisies

"Bonnard, Pierre et Marthe" est un film réalisé par Martin Provost avec Cécile de France et Vincent Macaigne. Un biopic classique dans sa forme et son approche dans lequel on découvre la vie et l'œuvre du peintre Pierre Bonnard (Vincent Macaigne), un bourgeois qui s'amourache d'une fille pauvre, Marthe (Cécile de France).

Cette dernière deviendra sa muse jusqu'à sa mort. Ils n'auront pas d'enfants si ce n'est l'œuvre du peintre. Sans Marthe, Pierre ne serait rien devenu; sans lui, elle n'aurait pas vécu cette vie et cette passion amoureuse.

Pour ce rôle, Vincent Macaigne a beaucoup travaillé. "Je ne sais pas si ça se voit, mais finalement c'est beaucoup moi qui dessine en direct. J'ai dû apprendre à dessiner et à peindre, 'à la façon de Bonnard'", explique l'acteur à la RTS.

Le film fait aussi le portrait de Marthe, et il raconte aussi l'histoire qui se cache derrière chacune des œuvres du peintre.

>> A écouter: l'interview de Vincent Macaigne dans "Vertigo" :

Vincent Macaigne et Cécile De France dans le film "Bonnard, Pierre et Marthe". [Festival de Cannes]Festival de Cannes
Interview de l'acteur Vincent Macaigne pour le film "Bonnard, Pierre et Marthe" / Vertigo / 2 min. / le 24 mai 2023

"Le livre des solutions" de Michel Gondry (Quinzaine des cinéastes)

La folie créatrice et ses dégâts dans une comédie avec Pierre Niney

Eclairs de génie et grande souffrance: le réalisateur français Michel Gondry ("Eternal Sunshine of the Spotless Mind", "Soyez Sympa, rembobinez") raconte avec humour la folie créatrice et les dégâts qu'elle peut faire, dans une comédie très personnelle présentée à Cannes à la Quinzaine des cinéastes.

"Le livre des solutions", où le rôle d'un cinéaste partant en vrille est confié à Pierre Niney, est inspiré d'une "période difficile" de la vie du réalisateur, celle de la post-production de "L'Ecume des jours", avec Romain Duris et Audrey Tautou, sorti il y a dix ans.

Dans le film, Pierre Niney interprète un réalisateur qui plaque ses producteurs et se réfugie dans une maison des Cévennes, avec pour seule compagnie sa monteuse (Blanche Gardin), sa vieille tante (Françoise Lebrun) et son assistante (Frankie Wallach), pour tenter de finir son film avec les moyens du bord.

On y découvre un cinéaste très instable, traversé d'éclairs de génie créatif, mais ingérable et tyrannique avec ses proches.

>> A écouter: l'interview de Michel Gondry :

Le réalisateur Michel Gondry au Festival de Cannes 2023. [AFP - Zoulerah NORDDINE]AFP - Zoulerah NORDDINE
Interview de Michel Gondry à propos de son film "Le livre des solutions" / Vertigo / 3 min. / le 24 mai 2023

"L'enlèvement" rouvre une page sombre de l'antisémitisme de l'Eglise

Un film du cinéaste italien Marco Bellocchio

En compétition, "L'enlèvement" ("Rapito") de Marco Bellocchio a été projeté mardi soir. Il raconte l'histoire vraie du kidnapping d'un enfant juif de Bologne, sur ordre papal, au XIXe siècle. Le film a enthousiasmé le public présent qui a réservé une standing ovation au cinéaste italien. Et les premières critiques parues depuis sont pour la plupart excellentes, ce qui fait de Marco Bellocchio, qui avait été honoré en 2021 d'une Palme d'honneur, un sérieux candidat à la Palme d'or.

L'équipe du film "L'enlèvement" de Marco Bellocchio sur le tapis rouge. De gauche à droite: Fabrizio Gifuni, Paolo Pierobon, Fausto Russo Alesi, Barbara Ronchi, Enea Sala, Marco Bellocchio (réalisateur), une invitée et Leonardo Maltese. [AFP - Loic Venance]

Après les Brigades rouges, encore récemment dans la mini-série "Esterno Notte", ou la lutte anti-mafia ("Le traître"), Bellocchio se penche cette fois sur une affaire qui a défrayé la chronique en son temps, puis est tombée dans un relatif oubli.

"C'est un épisode important de l'histoire italienne, car c'est l'un des tout derniers enlèvements opérés au nom de l'Eglise en Italie", à l'époque où le Pape était également roi et le pays en train de s'unifier, retrace Marco Bellocchio, dont le film dénonce à la fois le dogme et le prosélytisme.

Une scène du film "L'enlèvement" de Marco Bellocchio avec les acteurs Paolo Pierobon (Pape Pie IX) et Enea Sala. [Ad Vitam Production]

"Les forces libérales, progressistes, ont interprété cet événement comme barbare, et ce petit fait a suscité un grand scandale dans le monde entier", poursuit le cinéaste sélectionné plus d'une dizaine de fois à Cannes et qui fut membre du jury en 2007.

L'histoire, qui montre aussi l'antisémitisme du pape Pie IX, a intéressé Steven Spielberg, le réalisateur de "La Liste de Schindler", qui envisageait de faire tourner Mark Rylance dans le rôle du pape.

Marco Bellocchio relève d'ailleurs que dans le dernier Spielberg, "The Fabelmans", très autobiographique, celui-ci met en scène un adolescent juif harcelé par ses camarades qui l'accusent d'avoir "tué le Christ".

Une attaque antisémite classique, qui a inspiré à Bellocchio - éduqué dans le catholicisme avant de s'en émanciper - l'une des séquences les plus fortes de "l'Enlèvement", où l'on voit Edgardo retirer les clous des mains et pieds d'un Jésus sur la croix.

Un cinéaste qui s'est souvent attaqué au pouvoir de l'Eglise

Le réalisateur de 83 ans, l'un des plus grands noms du cinéma italien contemporain, s'est inlassablement attaqué aux institutions et à l'Eglise, pilier de la société italienne, notamment en 2002 avec "Le sourire de ma mère", présenté à Cannes.

"Parle de l'Eglise catholique était plus difficile dans les années 1950 ou 1960, quand la démocratie chrétienne avait un important pouvoir, fort et rigide", et il régnait alors "une sorte de censure préventive", explique-t-il. Aujourd'hui, "le pouvoir de l'Eglise s'est réduit énormément, il est dans une phase de recul, du moins dans la société civile".

Interrogé par l'AFP sur les résonances entre le rapt raconté dans le film, et ceux d'enfants ukrainiens en Russie depuis l'invasion, Bellocchio souligne avoir été "très frappé", même s'il a imaginé "L'enlèvement" bien avant cette guerre. "C'est soit de la politique, soit la religion, mais, dans les deux cas, il y a une violence objective".

Le film devrait sortir en salles le 25 octobre en Suisse romande.

"Merle Merle Mûre"

Un deuxième long métrage réussi pour la cinéaste Elene Naveriani

Présenté à la Quinzaine des Cinéastes, "Merle Merle Mûre" ("Blackbird, Blackbird, Blackberry" d'Elene Naveriani, cinéaste georgienne qui a fait ses études à la HEAD de Genève, dresse le portrait d’ Ethéro, une femme célibataire de 48 ans qui vit dans un petit village géorgien aux valeurs traditionnelles. Patronne d’un magasin de produits ménagers, elle chérit sa liberté, malgré les commérages dont elle est la cible. Alors qu’elle se prépare à une paisible retraite, une liaison passionnelle avec son livreur, lui fait découvrir l’amour et la sexualité.

Ce deuxième long métrage d'Elene Naveriani est une réussite pour Philippe Congiusti, critique cinéma de la RTS: "Ca tient principalement à Eka Chavleishvili qui incarne Ethéro. Cette actrice a une présence fabuleuse, un regard souvent dur, une démarche volontaire, un corps massif. Et le scénario réserve aussi quelques belles surprises".

Le film devrait sortir en salles d'ici la fin de l'année.

>> A écouter: la chronique de Vertigo consacrée à ce film :

Une scène du film "Merle Merle Mûre" d'Elene Naveriani. [Totem Films]Totem Films
Interview de la cinéaste romande Elene Naveriani pour "Merle, merle, mûre" / Vertigo / 4 min. / le 23 mai 2023

Une pluie de stars sur le tapis rouge pour assister à "Asteroid City"

Des fidèles du cinéaste américain Wes Anderson

Défilé de stars sur le tapis rouge à Cannes: la projection d'"Asteroid City" de Wes Anderson, en lice pour la Palme d'or, a été précédée d'une montée des marches étoilée mardi, à la hauteur de son casting ahurissant.

Scarlett Johansson, Tom Hanks, Adrien Brody, Matt Dillon... Une vingtaine d'acteurs et d'actrices, fidèles du cinéaste américain ou nouveaux venus, ont fait crépiter les flashs à l'extérieur du Palais des festivals, après une arrivée collective en bus sous les applaudissements d'une foule nombreuse.

De gauche à droite: Rupert Friend, Rita Wilson, Tom Hanks, Alexandre Desplat, Bryan Cranston, Maya Hawke, Wes Anderson (réalisateur), Adrien Brody, Scarlett Johansson et Matt Dillon se préparent à la projection d'"Asteroid City". [EPA/Keystone - Mohammed Badra]

Manquaient tout de même à l'appel - entre autres - Tilda Swinton, Jeff Goldblum, ou Margot Robbie, qui prêtera cet été ses traits à la poupée Barbie, aux côtés de Ryan "Ken" Gosling.

De retour en compétition deux ans après "The French Dispatch", qui se déroulait dans une France de carte postale, le Texan situe cette fois son action dans une ville américaine fictive en plein désert, rassemblant parents et étudiants pour des compétitions savantes.

"Je regarde Cannes par rapport aux autres films que je connais qui y ont été montrés, et je me sens chanceux d'être sélectionné au même endroit qu'eux. Pour moi, c'est une chance de faire partie de cette histoire du cinéma", confiait-il mi-mai au New York Times.

Débarqué pour la première fois à Cannes avec "Moonrise Kingdom" en 2012, Wes Anderson, connu pour son style ironique et désuet, offre un cinéma immédiatement reconnaissable avec une palette visuelle rétro et un goût de la symétrie, souvent imité sur Instagram.

Reste à voir s'il parviendra à séduire le jury présidé par Ruben Östlund, chargé de départager les 21 oeuvres en course pour la Palme d'or.

>> A voir, le sujet du "19h30" consacré à Wes Anderson :

Wes Anderson l’enfant chéri du cinéma indépendant américain revient à Cannes avec un film sur le deuil et la solitude.
Wes Anderson l’enfant chéri du cinéma indépendant américain revient à Cannes avec un film sur le deuil et la solitude. / 19h30 / 2 min. / le 25 mai 2023

Une sélection de quelques stars présentes mardi 23 mai au Festival de Cannes

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La série "The Idol" enflamme Cannes

Avec Abel "The Weeknd" Tesfaye et Lily-Rose Depp

Le petit écran est à l'honneur au Festival de Cannes: la nouvelle série de HBO avec Abel "The Weeknd" Tesfaye et Lily-Rose Depp a eu droit à une présentation sur la Croisette, où ont été projetés ses deux premiers épisodes lundi soir.

Le grand public devra attendre début juin (le premier épisode sera disponible en quasi simultané avec les USA sur le PlayRTS dès le 5 juin à 04h00 puis diffusé le 6 juin à 0h25 sur RTS 1) pour découvrir l'histoire de Jocelyn alias "Joss" (Lily-Rose Depp), popstar qui tente de revenir sous le feu des projecteurs après un passage à vide consécutif au décès de sa mère. Elle croise alors Tedros (Abel Tesfaye) qui va chambouler son retour vers les sommets.

Annoncée sulfureuse, tant pour son contenu que pour sa gestation tumultueuse, "The Idol", qui compte au total cinq épisodes (et non pas six comme indiqué jusqu'ici), annonce rapidement la couleur: scènes de nudité, photo intime de "Joss" qui devient virale, masturbations explicites...

Il serait toutefois exagéré de réduire cette série à ces passages. Elle sait aussi poser un regard ironique sur son temps, se moquant d'un "coordinateur d'intimité" qui tente de concilier les exigences du contrat d'image de la chanteuse et sa volonté de disposer de son corps à sa guise, ou dénonçant le formatage de la production musicale actuelle. Les références à différentes stars comme Britney Spears ou Kim Kardashian sont également évidentes.

"Quand tu es célèbre, tout le monde te ment": Jocelyn, qui a des doutes concernant la chanson censée propulser son come-back, se retrouve rapidement prise dans la toile d'emprise que tisse Tedros autour d'elle, en dépit des avertissements de sa plus proche amie et assistante.

Lily-Rose Depp et Abel "The Weeknd" Tesfaye dans la série "The Idol". [HBO]

Plus généralement, les rôles secondaires sont réussis et apportent souvent une touche d'humour à l'ensemble. Avant de se frayer un chemin jusqu'à Cannes, cette série HBO a fait l'objet de plusieurs controverses.

Selon le magazine Rolling Stone, la production notamment a subi de nombreux retards et des réécritures. Des soubresauts causés, selon l'article, par le réalisateur d'"Euphoria", Sam Levinson, qui a repris la caméra au cours du projet.

Ce n'est pas la première fois qu'une série est projetée à Cannes. Ce fut, par exemple, le cas avec "Irma Vep" d'Olivier Assayas en 2022.

Une sélection de quelques stars présentes lundi 22 mai

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Une compétition qui reste très ouverte

Encore 10 films à voir pour le jury

Lundi, côté glamour, ce sont la superstar de la musique canadienne The Weeknd et l'actrice Lily-Rose Depp, fille de Johnny Depp et Vanessa Paradis, qui ont foulé sur le tapis rouge pour leurs rôles dans la série "The Idol" de Sam Levinson, dont les deux premiers épisodes sont montrés en avant-première mondiale sur la Croisette.

Côté compétition, le jury, qui a déjà pu voir 11 des 21 films en lice, s'apprêtait à découvrir "Club Zero", de l'Autrichienne Jessica Hausner et "Les feuilles mortes" du Finlandais Aki Kaurismaki.

Les jeux restent très ouverts, aucun film n'ayant fait l'unanimité parmi les critiques pour succéder à "Sans Filtre", la comédie grinçante sur le capitalisme livrée l'an dernier par le Suédois Ruben Östlund.

Après une première ligne droite marquée par la présentation hors compétition de films-événements, dont le retour de Harrison Ford dans le dernier "Indiana Jones" et le nouvel opus de Martin Scorsese avec Leonardo DiCaprio et Robert De Niro, dix films vont encore tenter leur chance pour la Palme.

Parmi eux, trois réalisateurs déjà récompensés: l'Allemand Wim Wenders, l'Italien Nanni Moretti et le roi britannique de la chronique sociale Ken Loach, qui tentera même d'être le premier à décrocher une troisième Palme historique, après "Le Vent se lève" (2006) et "Moi, Daniel Blake" (2016).

Le réalisateur britannique Ken Loach à Cannes en 2019 pour son film "Sorry We Missed You". [AFP - Loic Venance]

Le retour de la réalisatrice française Catherine Breillat est également très attendu, tout comme le casting de stars du dernier Wes Anderson, qui promet de faire crépiter les flashs sur le tapis avec Jason Schwartzman, Tilda Swinton ou encore Margot Robbie.

Le palmarès est attendu samedi soir.

Une vague africaine déferle sur la Croisette

Une vraie émulation artistique

Avec deux films en compétition pour la Palme, une poignée d'autres disséminés dans les sélections parallèles et deux membres du jury originaires du contient, l'Afrique n'a jamais été aussi présente à Cannes.

L'Algérien Mohammed Lakhdar-Hamina, Palme d'or en 1975 avec "Chronique des années de braise" est à ce jour le seul cinéaste africain a avoir reçu la distinction suprême sur la Croisette.Cette année, deux réalisatrices africaines peuvent rêver de lui succéder.

"Banel & Adama" de Ramata-Toulaye Sy

Tout d'abord Ramata-Toulaye Sy, née en France - où elle a grandi - de parents sénégalais. Elle livre à Cannes "Banel & Adama", un premier long métrage empreint de lyrisme sur l'émancipation d'une femme peule.

>> A écouter: L'interview de Ramata-Toulaye Sy, sur son film "Banel & Adama" :

La réalisatrice franco-sénégalaise Ramata-Toulayé Sy présente "Banel et Adama" au Festival de Cannes. [AFP - Patricia De Melo Moreira]AFP - Patricia De Melo Moreira
Interview de la réalisatrice Ramata-Toulayé Sy pour son film "Banel et Adama" / Vertigo / 5 min. / le 23 mai 2023

"Les filles d'Ofra" de Kaouther Ben Hania

L'autre réalisatrice du continent en lice pour la Palme est la Tunisienne Kaouther Ben Hania. Révélée au grand public à Cannes en 2017 grâce à son thriller sur une victime d'un viol "La belle et la meute", elle présente cette année "Les filles d'Olfa", un film sur une femme tunisienne, mère de quatre filles. Un voyage intime fait d’espoir, de rébellion, de violence, de transmission et de sororité.

L'équipe du film tunisien "Les Filles d'Olfa" sous les feux des projecteurs. De gauche à droite, Nadim Cheikhouha, Eya Chikahoui, Tayssir Chikhaoui, Olfa Hamrouni, Kaouther Ben Hania (la réalisatrice), Hend Sabri, Ichraq Matar, Nour Karoui et Madj Mastoura. [AFP - Antonin Thuillier]

Une nouvelle génération

"On est face à l'arrivée d'un nouvelle génération, mieux formée et qui a des choses à dire", souligne auprès de l'AFP Kaouther Ben Hania. "Il y a une vraie émulation artistique", complète le Marocain Kamal Lazraq.

"Les meutes", son premier long métrage qui suit la folle nuit au cours de laquelle un père et son fils tentent de se débarrasser du corps d'un homme, a été présenté en Sélection officielle, dans la catégorie Un certain regard.

A la Quinzaine des cinéastes, une autre section parallèle du Festival, le film "Déserts" de Faouzi Bensaïdi, sorte de western contemplatif tourné dans le Rif, n'a laissé personne indifférent.

L'importance du soutien financier et logistique

"Le Maroc fait depuis des années un vrai travail d'accompagnement de la production cinématographique", assure Kamal Lazraq. Même tonalité chez Ramata-Toulaye Sy, qui a loué l'accompagnement du gouvernement sénégalais concernant son film.

Pour d'autres, le soutien financier et logistique n'est pas toujours au rendez-vous, comme l'avait dit publiquement Kaouther Ben Hania en 2021.

Peut-on parler d'une percée du cinéma africain? Non, rétorque à l'AFP le cinéaste malien (Carrosse d'or cette année) Souleymane Cissé. "Les films africains ont toujours existé, mais n'ont jamais été mis en valeur", soutient-il.

"La production africaine est riche et variée, il est temps de s'y intéresser", poursuit-il, dénonçant le "mépris" des Occidentaux. "Ce sont aux distributeurs d'aller chercher les films africains", abonde Ramata-Toulaye Sy, qui enseigne le cinéma à Dakar. "Ils ont toujours été là, devant nous", assure-t-elle.

La "deuxième vie" de Jean-Luc Godard au Festival de Cannes

Le cinéaste célébré à titre posthume

Jamais couronné sur la Croisette, Jean-Luc Godard, décédé en septembre 2022, a eu droit à une forme de "célébration" posthume dimanche au Festival de Cannes, avec la projection d'un documentaire sur le cinéaste suisse et de son dernier projet.

"La salle est pleine. Ça veut dire que la deuxième vie, ou la millième vie, de Jean-Luc Godard commence maintenant, avec les films qui restent", a relevé le délégué général du Festival, Thierry Frémaux, devant un public où étaient notamment présents les cinéastes Jim Jarmush, Wang Bing (en compétition cette année avec son documentaire "Jeunesse") ou l'actrice Salma Hayek.

Dans "Godard par Godard", Florence Platarets revient - sans commentaire en voix off - sur la vie du cinéaste agitateur de la Nouvelle Vague, disparu à 91 ans en ayant recours à l'assistance au suicide. L'occasion, à travers des images parfois inédites, de le voir notamment diriger son premier long-métrage, le résolument novateur "A bout de souffle".

>> A lire aussi : Le cinéaste franco-suisse Jean-Luc Godard est décédé à l'âge de 91 ans

Mais aussi, dans une séquence très applaudie par les spectateurs présents, de revenir sur la Croisette en mai 1968. Alors que la France est agitée par des troubles sociaux, Godard prend la tête d'une fronde de cinéastes qui finit par faire interrompre prématurément le Festival de Cannes.

>> A écouter, la chronique de Vertigo depuis Cannes :

Jean-Luc Godard lors du 57e Festival de Cannes en 2004. Il y présentait son film "Notre musique". [AFP - Boris Horvat]AFP - Boris Horvat
A Cannes, hommage à Jean-Luc Godard / Vertigo / 6 min. / le 22 mai 2023

Autre moment mémorable du réalisateur à Cannes, où il a remporté le Prix du jury en 2014 et une Palme d'or spéciale en 2018: en 1985, venu présenter son long-métrage "Détective", il reçoit en pleine figure une tarte à la crème. Ce portrait a été suivi d'un court film présentant le dernier travail de Jean-Luc Godard sous l'appellation "Film annonce du film qui n'existera jamais: 'Drôles de guerres'". Se résumant au collage d'une succession d'images et de mots, entrecoupés de petits extraits vidéo, il s'agissait d'une adaptation du roman de l'écrivain belge Charles Plisnier "Faux Passeports", lauréat du prix Goncourt en 1937. Ce recueil de nouvelles suit différents personnages entre la Révolution d'octobre 1917 en Russie et les années 1930.

>> A lire aussi : Jean-Luc Godard, pas à pas

Godard, seul le cinéma

Une sélection de quelques stars présentes dimanche 21 mai

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Julianne Moore et Natalie Portman ont fait leur entrée en compétition

Jeu de miroirs trouble entre deux stars

Un duo de stars féminines, Julianne Moore et Natalie Portman, ont fait leur entrée samedi en compétition à Cannes dans "May December", sur les faux-semblants et le déni d'une relation interdite entre un mineur et une adulte.

L'Américain Todd Haynes ("Dark Waters", "The Velvet Underground"...) fait son retour avec ce drame construit autour d'un jeu de miroirs entre les deux actrices, auxquelles il offre des rôles aussi centraux que troubles.

>> A voir: un sujet du 19h30 sur le film "May December" :

Festival de Cannes: en compétition pour la 3e fois, le réalisateur américain Todd Haynes présente cette année "May December"
Festival de Cannes: en compétition pour la 3e fois, le réalisateur américain Todd Haynes présente cette année "May December" / 19h30 / 1 min. / le 26 mai 2023

"Voir ces femmes qui se comportent de façon moralement ambiguë, cela élargit le spectre des possibilités (de représentation) des femmes", a souligné Natalie Portman dans une interview à l'AFP. Le point de vue du réalisateur "est de considérer les femmes comme des humains, et donc de leur offrir toute la palette des comportements".

Avec une histoire de couple où le personnage féminin est le plus âgé, "les rôles sont renversés" par rapport aux stéréotypes de la société patriarcale mais "cela ne suffit pas à corriger le système", poursuit-il. "May December" appartient à ces films "qui posent des questions et débattent de dilemmes moraux. C'est quelque chose de vital au cinéma" mais "il est de plus en plus dur de faire ce genre de films".

Une photo du film "May December" de Todd Haynes avec Natalie Portman et Julianne Moore. [DR - Francois Duhamel]

>> A écouter, la chronique de "Vertigo" sur le film :

Une photo du film "May December" de Todd Haynes avec Natalie Portman et Julianne Moore. [DR]DR
A Cannes, Todd Haynes présente "May December" / Vertigo / 7 min. / le 22 mai 2023

"Le procès Goldman" de Cédric Kahn (Quinzaine des cinéastes)

Le bruit et la fureur sur la Croisette

Près de 50 ans après les faits, un film revient sur le procès de l'énigmatique Pierre Goldman, gangster et militant d'extrême gauche, poursuivi pour le meurtre de deux pharmaciennes, mais aussi sur une époque: la France des années 1970.

Ce drame réalisé par Cédric Kahn ("Roberto Succo", "La prière") a ouvert mercredi la Quinzaine des cinéastes, une des sections parallèles du Festival de Cannes.

>> A écouter: le sujet de Philippe Congiusti dans l'émission "La Cavale" :

"Le procès Goldman" de Cédric Kahn. [Ad Vitam Distribution]Ad Vitam Distribution
"Le procès Goldman", le bruit et la fureur sur la Croisette / La Cavale / 1 min. / le 20 mai 2023

Une question traverse le film: comment juger un homme qui dit qu'il est "innocent parce qu'(il est) innocent". "Le film ne tranche pas la question, ce n'est pas le sujet", balaye le cinéaste. "C'est plutôt un hommage à la justice", s'empresse-t-il d'ajouter.

La force du film réside aussi dans ses acteurs: Arthur Harari (le réalisateur d'"Onoda") dans le rôle du ténor Georges Kiejman, décédé il y a une semaine, qui s'occupe de la défense de Goldman. Mais surtout Arieh Worthalter dans le rôle de Pierre Goldman, qui apporte à lui seul toute l'intensité dramatique du film.

Né à Lyon en 1944 de parents résistants, Pierre Goldman a toujours rêvé de marcher sur leurs traces. Sa vie bascule en décembre 1970, lorsqu'il est arrêté pour le meurtre de deux pharmaciennes, boulevard Richard-Lenoir à Paris, au cours d'un hold-up en décembre 1969.

Bien qu'il crie son innocence, il est reconnu coupable par la cour d'assises de Paris le 14 décembre 1974 et condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Après l'annulation de cet arrêt par la Cour de cassation, il est rejugé aux Assises de la Somme le 4 mai 1976. C'est sur ce second procès que revient le film.

Une sensation de huis clos

Mise en scène épurée, sans musique, ni flashbacks: seul le procès est filmé, donnant au spectateur une sensation de huis clos. De cette mise en scène minimaliste se dégage pourtant une force. "Je ne voulais pas qu'on bascule dans l'identification au personnage", explique à l'AFP le réalisateur, ajoutant que ce choix de mise en scène apporte une dimension "spectacle" au film.

Ce long-métrage, voilà 15 ans que Cédric Kahn y pensait. Pierre Goldman "m'a toujours captivé", dit-il mais "je me suis laissé le temps. J'aime quand un sujet me rattrape". Le film jette aussi une lumière crue sur la société française de l'époque: racisme, défiance envers la police... et ne peut s'empêcher de résonner avec la France d'aujourd'hui.

Blanchi à l'issue de son procès, Pierre Goldman est libéré par anticipation et sort de prison le 5 octobre 1976. Trois ans plus tard, il est abattu en bas de chez lui à Paris.

Une sélection de quelques stars présentes samedi 20 mai au Festival de Cannes

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Le retour de Martin Scorsese sur la Croisette

Il y présente "Killers of the Flower Moon"

Le Festival de Cannes a créé l'évènement sur tapis rouge samedi avec la présentation du dernier film de Martin Scorsese, 80 ans, qui réunit pour la première fois ses acteurs fétiches, DiCaprio et De Niro. Palme d'or en 1976 avec "Taxi Driver", président du jury en 1998, Scorsese est considéré comme un des plus grands noms du cinéma mondial.

Scorsese y réunit pour la première fois deux de ses acteurs fétiches, Robert De Niro, 79 ans, ("Taxi Driver", "Raging Bull", "Mean Streets"...) et Leonardo DiCaprio, 48 ans, ("Le Loup de Wall Street", "Shutter Island"), dans un univers nouveau, celui d'une tribu amérindienne, Osage, détentrice d'une terre riche en or noir et soudainement victime de meurtres et disparitions.

Martin Scorsese et Robert De Niro après la projection de "Killers of the Flower Moon" au festival de Cannes 2023. [AFP - Christophe Simon]

DiCaprio joue Ernest Burkhart, un homme amoureux d'une Amérindienne (l'actrice Lily Gladstone), qui se retrouve embringué dans une conspiration ourdie par le magnat du bétail William Hale, incarné par un Robert De Niro avide de pétrole. Un agent du FBI, joué par Jesse Plemons, est chargé d'élucider les meurtres.

Le réalisateur souhaitait montrer comment certains Américains "ont pu rationaliser la violence - même contre ceux qu'ils aimaient - en affirmant simplement: 'C'est la civilisation. Un groupe entre et un autre sort' ", a-t-il expliqué, à Los Angeles.

Un symbole fort pour le cinéma sur grand écran

La projection de ce film évènement à Cannes est un symbole fort pour le cinéma et les salles obscures: Martin Scorsese avait fait le choix de Netflix et du petit écran pour son précédent opus, "The Irishman", avec De Niro, Pacino et Joe Pesci.

Ce nouveau film de 3h30, à 200 millions de dollars, porte aussi les couleurs d'une entreprise de la tech, Apple. Mais le géant à la pomme a accepté de le sortir en salles (le 18 octobre en Suisse romande), ce qui lui a ouvert les portes du Festival de Cannes, défenseur du grand écran.

Jusqu'au bout, le Festival a rêvé d'inscrire ce Scorsese dans la course à la Palme d'or, mais les producteurs ont préféré conserver leur place hors compétition.

>> A écouter: un retour sur le film de Martin Scorsese dans "Vertigo" :

Leonardo DiCaprio, Martin Scorsese, Robert De Niro et Cara Jade Myers
présentent "Killers of the Flowers Moon" au Festival de Cannes. [AFP - Jacky Godard]AFP - Jacky Godard
A Cannes, présentation du film "Killers of the Flower Moon" / Vertigo / 6 min. / le 22 mai 2023

La critique de "Killers of the flower moon" de Martin Scorsese (hors compétition)

Avec Leonardo DiCaprio, Robert De Niro

Note: 4/5

Dans les années 1920, Ernest Burkhart (Leonardo DiCaprio), vétéran de la Première Guerre mondiale, revient s'installer dans la bourgade dominée par son oncle, l’éleveur William Hale (Robert De Niro). Après avoir trouvé du pétrole sur leurs terres, les membres de la tribu native amérindienne des Osages se sont enrichis. Mais leur trésor est convoité par Hale et ses acolytes qui encouragent les Blancs, dont Ernest, à épouser des femmes Osage afin d'hériter de leur argent. Une série d’assassinats déguisés en mort par maladie ou en suicide chamboulent la communauté, impliquant Ernest, mari de l'Osage Molly avec qui il a trois enfants.

Sans être un chef-d'œuvre majeur dans la filmographie de Martin Scorsese, ce beau récit-fleuve classique de 3h30, produit par Apple Tv+, et finalement autorisé à une large sortie dans les salles de cinéma, s'impose comme une plongée passionnante dans une page d'histoire méconnue des Etats-Unis.

A la fois ample dans son image et intimiste dans sa façon de coller aux personnages plus qu'aux scènes-chocs, "Killers of the flower moon" décrit de manière implacable la manière insidieuse avec laquelle des Américains, dont un De Niro machiavélique qui manipule un DiCaprio terrible de lâcheté et de naïveté, ont spolié une communauté entière de natifs sans avoir recours à des méthodes ouvertement génocidaires. Rappelant les émeutes raciales de Tulsa en 1921, qui résonne avec les événements subis par les Amérindiens du film, le résultat met les mains dans le cambouis des fondements du capitalisme américain, où l'avidité et la soif d'argent autorisent le meurtre et le mensonge pour s’accaparer les richesses des autres.

Rafael Wolf

Un réalisateur genevois sur la Croisette

Maxime Rappaz présente "Laissez-moi", son premier long métrage avec Jeanne Balibar

Chaque mardi, Claudine (Jeanne Balibar) se rend dans un hôtel de montagne pour y fréquenter des hommes de passage. Lorsque l’un d’eux décide de prolonger son séjour pour elle, Claudine en voit son quotidien bouleversé et se surprend à rêver d’une autre vie.

>> A écouter :

Une image du film "Laissez-moi" du réalisateur genevois Maxime Rappaz. [GoldenEgg Production]GoldenEgg Production
“Laissez-moi”, premier long métrage du réalisateur genevois Maxime Rappaz. / Vertigo / 9 min. / le 19 mai 2023

Pour son premier long métrage, “Laissez-moi” avec aussi Pierre-Antoine Dubey et Thomas et Thomas Sarbacher, le Genevois Maxime Rappaz a les honneurs du Festival de Cannes dans une section parallèle baptisée L'ACID, aux côtés de huit autres films qui auscultent le monde actuel sous les formats les plus divers.

>> A voir: le comédien lausannois Pierre-Antoine Dubey au Festival de Cannes pour la première fois :

Le comédien lausannois Pierre-Antoine Dubey s'est rendu au Festival de Cannes pour y présenter le film "Laissez-moi"
Le comédien lausannois Pierre-Antoine Dubey s'est rendu au Festival de Cannes pour y présenter le film "Laissez-moi" / 19h30 / 2 min. / le 21 mai 2023

Né en 1986 à Genève, Maxime Rappaz a travaillé dans le monde de la mode avant de se tourner vers le cinéma. En 2016, il obtient un master en cinéma et scénario puis réalise les courts métrages "L'été" et "Tendresse". Il écrit actuellement son second film.

Une sélection de quelques stars présentes vendredi 19 mai

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Un monstre sacré du cinéma américain

Harrison Ford reçoit une Palme d'or d'honneur surprise

L'acteur américain Harrison Ford a reçu jeudi soir une Palme d'or d'honneur à Cannes. La légende de Hollywood était venu présenter en avant-première mondiale "Indiana Jones et le cadran de la destinée".

L'acteur américain Harrison Ford a reçu jeudi soir une Palme d'or d'honneur à Cannes. [afp - Valery Hache]

"Je suis profondément touché par cette distinction", a réagi l'acteur américain de 80 ans, visiblement très ému, après avoir reçu la récompense des mains du délégué général du Festival, Thierry Frémaux.

En annonçant que le cinquième volet des aventures du célèbre archéologue serait montré sur la Croisette, les organisateurs avaient indiqué qu'un "hommage exceptionnel" serait rendu à Harrison Ford, sans plus de détails.

>> A lire aussi : Le nouvel "Indiana Jones" présenté en avant-première au Festival de Cannes

Figure du cinéma hollywoodien, il a incarné un large éventail de personnages, de Han Solo dans la saga "Star Wars" à "Blade Runner", en passant par l'aventurier au chapeau et au fouet qu'il joue depuis 1981 et le premier épisode, "Les aventuriers de l'Arche perdue". En Suisse, "Indiana Jones 5" doit sortir en salles le 28 juin.

Tom Cruise, venu à Cannes l'an dernier pour présenter en avant-première "Top Gun: Maverick", avait lui aussi reçu une Palme d'or d'honneur surprise, avant la projection du long-métrage.

Cette année, un autre grand nom du cinéma américain, Michael Douglas, 78 ans, a reçu cette même distinction mardi, lors de la cérémonie d'ouverture du Festival.

>> Voir aussi le sujet du 19h30 :

Harrison Ford reçoit une palme d'or d'honneur à Cannes et présente son dernier Indiana Jones
Harrison Ford reçoit une palme d'or d'honneur à Cannes et présente son dernier Indiana Jones / 19h30 / 2 min. / le 19 mai 2023

Une sélection de quelques stars présentes jeudi 18 mai

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Palme d'or d'honneur pour Michael Douglas

Une star emblématique du cinéma

L'acteur américain Michael Douglas, 78 ans, a reçu mardi une ovation debout à Cannes, où il a reçu une Palme d'or d'honneur pour couronner ses 55 ans de carrière.

"Ca compte beaucoup pour moi car il y a des centaines de festivals de cinéma dans le monde, mais il y a un seul Cannes. (...) C'est un honneur incroyable", a-t-il affirmé devant la salle qui l'a chaleureusement applaudi, en présence de sa famille.

"Je me suis demandé comment j'ai pu durer si longtemps", a-t-il commenté, tout en ajoutant: "On travaille avec autant d'acharnement pour nos échecs que pour nos succès".

L'acteur américain Michael Douglas a reçu une Palme d'or d'honneur lors de la cérémonie d'ouverture de la 76e édition du Festival de Cannes. [EPA/Keystone - Sebastien Nogier]

"Artiste lumineux"

Ce festival nous rappelle que le cinéma "transcende les limites et (brise) les frontières", a-t-il encore souligné. "A Cannes et à toute la France, je voudrais embrasser de tout mon coeur", a-t-il lancé en français, avant que l'actrice américaine Uma Thurman ne lui remette le prix. Elle a qualifié Douglas de "star emblématique du cinéma" et d'"artiste lumineux".

Un court film a été montré peu avant son apparition sur scène, montrant de courts extraits de ses films les plus emblématiques, comme "Liaison fatale" (1987), "Basic Instinct" (1992) ou "Ma vie avec Liberace" (2013).

>> A lire également : Michael Douglas recevra une Palme d'or d'honneur à Cannes

L'année dernière, ce sont Forest Whitaker et Tom Cruise qui avaient reçu la Palme d'or d'honneur.

>> Voir aussi le sujet du 19h30 :

Festival de Cannes: L’acteur américain Michael Douglas a reçu une Palme d’or d’honneur pour son exceptionnelle filmographie
Festival de Cannes: L’acteur américain Michael Douglas a reçu une Palme d’or d’honneur pour son exceptionnelle filmographie / 19h30 / 2 min. / le 17 mai 2023

Une sélection de quelques stars présentes mercredi 17 mai à Cannes

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Le compositeur Howard Shore à l'honneur

La musique de film, grande absente du palmarès

Depuis l'an dernier, la Sacem, la Société française des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, met en avant, un compositeur ou une compositrice de musique. L'édition 2023 du festival met ainsi à l'honneur le Canadien Howard Shore, à qui l'on doit notamment la bande originale du "Seigneur des Anneaux". Howard Shore est également le compositeur attitré du réalisateur David Cronenberg.

>> A écouter: la chronique "Vibrations" :

Le compositeur Howard Shore. [AFP - Valérie Macon]AFP - Valérie Macon
Vibrations - Le compositeur canadien Howard Shore à l’honneur de la 76e édition du Festival de Cannes / Vibrations / 5 min. / le 17 mai 2023

Depuis plusieurs années, des voix s’élèvent pour que la musique de film ait une place à part entière au Festival de Cannes, car au fond, la création musicale originale participe à l'identité même des productions cinématographiques. Que serait "Un homme et une femme" de Claude Lelouch, Palme d'or en 1966, sans la musique de Francis Lai? Ou encore "La Dolce Vita" de Federico Fellini, Palme d'or en 1960, sans Nino Rota ?

En attendant que le Festival de Cannes intègre officiellement un Prix pour la musique de film, les compositeurs de musique peuvent se consoler avec le "Cannes Soundtrack Award", un prix indépendant décerné par un jury de journalistes en marge du festival, qui récompense depuis 2010 le meilleur compositeur des films en compétition officielle.

Une sélection de quelques stars présentes à la cérémonie d'ouverture

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Cérémonie d'ouverture

Le retour controversé de Johnny Depp

Hier soir, la 76e édition du Festival de Cannes a été déclarée officiellement ouverte par Catherine Deneuve, au côté de sa fille Chiara Mastroianni, après qu'elle a déclamé un poème en soutien aux Ukrainiens.

>> A écouter: la chronique "Que faut-il attendre des films projetés à Cannes cette année?" :

Maïwenn et Johnny Depp dans "Jeanne du Barry". [Why Not Productions - Stéphanie Branchu]Why Not Productions - Stéphanie Branchu
Ouverture de Cannes / Vertigo / 3 min. / le 16 mai 2023

Avant la cérémonie, Johnny Depp, présent sur la Croisette pour son interprétation de Louis XV dans le film "Jeanne du Barry" de Maïwenn qui a fait l'ouverture du Festival et qui peut aussi être vu sur les écrans romands depuis hier, a été accueilli chaleureusement parmi les stars qui ont fait l'ouverture du Festival de Cannes. Et ce malgré les critiques des féministes sur la réhabilitation d'une personnalité contestée.

Costume foncé, catogan et lunettes de soleil, l'ancien "Pirate des Caraïbes" a retrouvé les honneurs du monde du cinéma. Il était banni des plateaux de tournage américains depuis les procès qui l'ont opposé à son ex-épouse Amber Heard sur fond d'accusations de violences conjugales.

Loin des images du procès et de son grand déballage, ainsi que des accusations de violences qui n'ont pas été jugées sur le fond et qu'il nie, Depp a enchaîné selfies et autographes sur le tapis rouge, avant d'assister à la cérémonie d'ouverture au côté de l'actrice et réalisatrice française Maïwenn.

L'acteur américain Johnny Depp, entouré de l'acteur français Pierre Richard et de l'actrice et réalisatrice Maiween, à Cannes pour présenter le film "Jeanne du Barry". [AFP - Loic Venance]

Mercredi lors d'une conférence de presse, l'acteur américain Johnny Depp a répondu à ses détracteurs en affirmant que ce qui a été écrit sur lui était en grande partie "une fiction horrible".

"Il y a des gens qui veulent croire ce qu'ils veulent croire, mais la vérité est la vérité. (...) Lors des cinq, six dernières années, la majorité de ce que vous avez lu est une fiction horrible", a-t-il affirmé.

Thierry Frémaux souligne une prestation extraordinaire

Interrogé sur le choix du film, le délégué général du Festival, Thierry Frémaux, a souligné s'intéresser à Depp "comme acteur", auquel rien n'interdisait de tourner, et dont la prestation est "extraordinaire". "Je n'ai qu'une seule conduite dans la vie, la liberté de penser, de parler, d'agir dans le cadre de la loi".

Thierry Frémaux assure n'avoir pas suivi la saga judiciaire qui a opposé Johnny Depp à son ex-épouse. L'acteur a finalement remporté le procès pour diffamation qui s'est tenu aux Etats-Unis, et l'actrice a subi un torrent d'attaques misogynes sur les réseaux sociaux.

Au-delà du tapis rouge et des paillettes, cette 76e édition se déroule dans un contexte social tendu. Le syndicat CGT a promis de "faire son cinéma" et d'utiliser la caisse de résonance médiatique du festival pour exprimer son opposition à la réforme des retraites.

La critique du film "Jeanne du Barry" de Maïwenn (hors compétition)

Avec Maïwenn, Johnny Depp, Pierre Richard, Melvil Poupaud

Note: 4/5

Au milieu du XVIIIe siècle, le destin de Jeanne Vaubernier (Maïwenn), roturière qui grimpe l’échelle sociale grâce à ses charmes jusqu’à devenir la courtisane favorite du roi Louis XV (Johnny Depp), au plus grand désarroi des filles acariâtres de ce dernier, authentiques mégères sorties de "Cendrillon".

Avec son sixième long-métrage en tant que réalisatrice, Maïwenn ("Polisse", "Mon roi") cache à peine un autoportrait déguisé, elle qui épousa très jeune Luc Besson puis entra dans le monde du cinéma comme son héroïne pénètre l’univers de la cour. Malicieuse, la cinéaste s’amuse du contraste entre son héroïne sans éducation et les usages absurdes de la monarchie, soulignant la vacuité d’un monde qui ne perçoit jamais la vérité profonde du sentiment amoureux liant le roi à Jeanne.

Sublime film d’amour sur une transfuge de classe qui trouve dans la séduction un moyen d’existence et d’émancipation, "Jeanne du Barry" convainc aussi par sa mise en scène très tenue qui s’attache aux visages ou aux corps perdus dans l’immensité de décors d’une beauté morte, renvoyant à l’aspect cloisonné, rigide, conservateur de Versailles. Les clins d’œil à "Barry Lyndon" sont évidents, et parfaitement intégrés, notamment dans la voix off d’un narrateur omniscient, dans certains cadres, thèmes, tout comme dans l’emploi de musiques déjà utilisées dans le classique de Stanley Kubrick.

La singularité et la réussite de "Jeanne du Barry" n’en restent pas moins intactes et imposent le portrait magnifique d’une femme libre, libertine, insoumise à sa façon, que même la Révolution, les mouvements du monde et les jugements des autres ne parviennent à ternir.

Rafael Wolf

>> Voir le sujet du 19h30 :

Le film "Jeanne du Barry", de la réalisatrice française Maïwenn, ouvre la 76e édition du Festival de Cannes
Le film "Jeanne du Barry", de la réalisatrice française Maïwenn, ouvre la 76e édition du Festival de Cannes / 19h30 / 2 min. / le 16 mai 2023

>> Ecouter l'émission "Vertigo" et ses interviews réalisées à Versailles lors de la promotion du film, suivies d'un débat cinéma critique :

Maïwenn et Johnny Depp dans "Jeanne du Barry". [Why Not Productions - Stéphanie Branchu]Why Not Productions - Stéphanie Branchu
Jeanne du Barry film dʹouverture du festival de Cannes 2023 / Vertigo / 55 min. / le 17 mai 2023

Des actrices fustigent le tapis rouge pour Depp et Maïwenn

Le cinéma, "un milieu toxique"

"La honte": un collectif d'actrices et d'acteurs, dont Julie Gayet et Laure Calamy, critique mardi le Festival de Cannes qui déroule "le tapis rouge aux hommes et femmes qui agressent", en référence à Johnny Depp et à la réalisatrice Maïwenn.

Dans une tribune publiée par le quotidien Libération, ce collectif apporte également son soutien à l'actrice Adèle Haenel, qui avait officialisé il y a une semaine son arrêt du cinéma pour dénoncer une "complaisance" du 7e art vis-à-vis des agresseurs sexuels.

"Nous sommes profondément indigné·e·s et refusons de garder le silence face aux positionnements politiques affichés par le Festival de Cannes", explique cette tribune.

Les 123 signataires soulignent que "le cinéma français a intégré un système dysfonctionnel qui broie et anéantit", un "système basé sur les principes de domination et de silenciation".

Soutenant la décision d'Adèle Haenel, qui avait fait une sortie fracassante lors de la cérémonie des César il y a trois ans pour s'opposer au sacre de Roman Polanski, les signataires déplorent "le fait que ce milieu soit toxique au point de vouloir le quitter totalement". "Nous profitons de cette tribune pour dire avec elle: LA HONTE".

Présence suisse à Cannes

Six films suisses sur la Croisette

Les amateurs du 7e art peuvent voir six films suisses à Cannes. Un seul d'entre eux est en compétition pour la Palme d'or: "La chimère" d'Alice Rohrwacher, une coproduction italo-franco-suisse. Le film se déroule dans les années 1980, dans le monde clandestin des "pilleurs de tombes". "La chimère" raconte l'histoire d'un jeune archéologue britannique impliqué dans le trafic clandestin de pièces archéologiques.

Le rôle principal est interprété par Josh O'Connor, qui a gagné un Emmy pour avoir incarné le Prince Charles dans les saisons 3 et 4 de la série "The Crown". L'actrice mythique Isabella Rossellini a rejoint la distribution.

Une image du film "La chimère" de Alice Rohrwacher. [Tempesta, Amka Films Productions, Ad Vitam, Arte, Rai Cinema]

Autre coproduction suisse, "Le théorème de Marguerite" de la réalisatrice française Anna Novion est sélectionné dans la section Séance Spéciale. Dans ce film coproduit par Beauvoir Films et la RTS, l'actrice suisse Ella Rumpf y campe le rôle principal celui d'une brillante élève en mathématiques à l'Ecole normale supérieure (ENS).

Deux autres films avec une participation suisse ont été sélectionnés dans la section "Cannes Première". Il s'agit de deux films coproduits par le Genevois Dan Wechsler et sa société de production Bord Cadres films: "Perdidos en la noche" ("Perdus dans la nuit") d'Amat Escalante" (Mexique) et à "Eureka" de Lisandro Alonso (Argentine).

Dans la Quinzaine des cinéastes, les amateurs de cinéma peuvent voir "Blackbird, blackbird, black berry" ("Merle, merle, mûre"), le second long-métrage, produit à Genève, de la réalisatrice géorgienne Elene Naveriani, formée notamment à la HEAD à Genève.

Le premier long-métrage du réalisateur genevois Maxime Rappaz, "Laissez-moi" est projeté dans le programme cannois ACID. On y voit jouer la comédienne française Jeanne Balibar et l'acteur suisse Pierre Antoine Dubey, dans son premier rôle dans un film.

Une image de "Laissez-moi", film de Maxime Rappaz. [GoldenEggProduction]

La section "Cannes Classics" rend par ailleurs hommage au réalisateur franco-suisse Jean-Luc Godard, décédé l'an dernier, avec la projection de trois films. Parmi ceux-ci, la première mondiale du "Film annonce du film qui n’existera jamais: Drôles de guerres", d'une durée de 20 minutes, en présence de Fabrice Aragno, collaborateur de longue date du réalisateur.

>> A écouter aussi: une interview de Fabrice Aragno dans "Forum" :

Le réalisateur Fabrice Aragno. [Jamie McCarthy / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP]Jamie McCarthy / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP
Jean-Luc Godard aura une place particulière au Festival de Cannes: interview de Fabrice Aragno / Forum / 6 min. / le 13 mai 2023

Enfin, la Cinémathèque suisse et son directeur Frédéric Maire présenteront le premier long métrage suisse, "Le village près du ciel" de Leopold Lindtberg, restauré numériquement et produit par Praesens Films en 1953.

Le jury 2023

Le réalisateur Ruben Östlund président

Le réalisateur Ruben Östlund promet cette année une approche "démocratique" de la présidence du jury. A ses côtés, huit hommes et femmes, acteurs, réalisateurs, la plupart en dessous de 50 ans, sont chargés de départager les 21 films en compétition: l'acteur français Denis Ménochet, la réalisatrice Julia Ducournau, le réalisateur argentin Damián Szifrón, l'actrice américaine Brie Larson, l'acteur et réalisateur américain Paul Dano, la réalisatrice, scénariste et actrice marocaine Maryam Touzani, l'écrivain afghan Atiq Rahimi et la réalisatrice zambienne Rungano Nyoni.

Le jury de la 57e édition sur le tapis rouge lors de l'ouverture du Festival de Cannes, le 16 mai 2023. De gauche à droite: Rungano Nyoni, Maryam Touzani, Atiq Rahimi, Julia Ducournau, Ruben Ostlund (président), Damian Szifron, Brie Larson, Denis Menochet et Paul Dano. [Anadolu Agency/Mustaf/AFP - Mustafa Yalcin]

Retour sur la précédente édition

Le triomphe de "Sans filtre"

Après deux années marquées par la pandémie, la 75e édition du festival, qui se tenait du 17 au 28 mai 2022, a été intense. Beaucoup de grands noms ont présenté des films en compétition ou non: Tom Cruise dans le nouveau "Top Gun", Idriss Elba et Tilda Swinton chez George Miller, Léa Seydoux et Viggo Mortensen chez David Cronenberg, Austin Butler incarnant le "King" dans un biopic d'Elvis signé Baz Luhrman.

La prestigieuse Palme d'or du Festival de Cannes a été attribuée au Suédois Ruben Östlund pour son film "Sans filtre" ("Triangle of sadness").

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 L'actrice iranienne Zar Amir Ebrahimi et le Sud-Coréen Song Kang-ho ont reçu quant à eux les prix d'interprétation féminine et masculine.

Ruben Ostlund, lauréat de la Palme d'or pour "Sans filtre" ("Triangle of Sadness"). [EPA/Keystone - Clemens Bilan]

Le Grand Prix, deuxième distinction la plus prestigieuse, a été remis ex-aequo à la Française Claire Denis pour "Stars at noon" et au Belge Lukas Dhont, le benjamin de la compétition, pour "Close".

>> A lire, notre dossier RTS Culture consacré au suivi de l'édition 2022 du Festival de Cannes : Ruben Östlund reçoit la Palme d'Or du Festival de Cannes pour "Sans filtre"