De tous les médicaments découverts ces 60 dernières années, les plus révolutionnaires sont sans doute les antibiotiques. Ils ont été si efficaces, ils ont permis de sauver tellement de vies qu'on a très vite pensé arriver à bout de toutes les maladies infectieuses grâce à eux
De tous les médicaments découverts
ces 60 dernières années, les plus révolutionnaires sont sans doute
les antibiotiques. Ils ont été si efficaces, ils ont permis de
sauver tellement de vies qu'on a très vite pensé arriver à bout de
toutes les maladies infectieuses grâce à eux. C'était sans compter
la formidable capacité d'adaptation des bactéries. Malgré la
découverte de nouvelles classes d'antibiotiques et l'amélioration
des conditions d'hygiène, nous sommes en train de perdre du terrain
dans la guerre contre les bactéries pathogènes. Capables de
s'échanger des informations entre elles, elles forgent des
résistances très subtiles, et elles vont plus vite que notre
capacité à trouver des parades. Il est donc urgent de limiter
l'usage des antibiotiques pour diminuer les risques de voir
apparaître de nouvelles résistances et gagner du temps. En 2004, 3
millions 800 mille emballages ont été vendus en Suisse, c'est sans
doute trop selon les spécialistes qui s'inquiètent.
On consomme trop d'antibiotiques
Giorgio Zanetti,
professeur-assistant, Service Maladies infectieuses et prévention
hospitalière des infections au CHUV: « L'antibiotique n'est pas
un moyen de se rassurer. Ce n'est pas non plus un moyen de valider
une maladie. J'ai été vraiment malade, la preuve, j'ai pris un
antibiotique. C'est ce genre d'attitude là qui fait que très
souvent on en utilise trop. »
C'est la France qui est championne toutes catégories de la
consommation d'antibiotiques où l'on y délivre environ 100 millions
de prescriptions chaque année. Chez notre voisin, comme aussi en
Grèce et en Italie, on ingurgite trois à 4 fois plus de pilules de
toutes sortes, y compris des antibiotiques, que dans des pays comme
l'Allemagne, l'Autriche, la Suisse ou la Hollande.
Thierry Buclin, médecin-adjoint, Division Pharmacologie et
Toxicologie, CHUV:
« Par exemple, les Hollandais et les Norvégiens, qui
consomment à peu près le tiers des antibiotiques prescrits dans le
Sud de l'Europe, ne sont certainement pas moins bien soignés, mais
ils ont une attitude plus rigoriste face aux antibiotiques. C'est
assez impressionnant de voir ces différences culturelles.
»
Et en Suisse, il y a aussi de grandes différences entre les
régions. On a d'un côté les cantons romands, Genève en tête. Aux
bords du Léman, on absorbe deux à trois fois plus d'antibiotiques
que dans la plupart des cantons alémaniques. Zurich, Lucerne et
Zoug sont parmi les cantons les plus modérés. Les latins ont donc
tendance à faire plus aveuglément confiance à la science.
Pour comprendre cette attitude, le
chef des urgences pédiatriques de Genève, le Docteur Alain Gervaix,
a fait une étude sur la relation des parents avec les
antibiotiques. Il
commente cette enquête menée auprès de 180 pédiatres des cantons
de Genève et Vaud: « Nous leur avons demandé quelle était leur
attitude face aux antibiotiques et s'ils ressentaient une pression
de la part des parents. Il est intéressant de noter que 67 % des
pédiatres avaient reçu, dans le mois précédant l'enquête, une
demande formelle de la part de parents pour avoir des
antibiotiques, alors que ça n'était pas indiqué. Donc, une grande
majorité d'entre eux ressent une pression de la part des parents
pour obtenir ces médicaments. Mais les réactions des pédiatres face
à ces pressions sont variables: 30 % résistent, 30 % cèdent
occasionnellement et 2 % reconnaissent céder régulièrement à cette
pression parentale. »
La responsabilité des médecins est clairement engagée, puisque ce
sont eux qui prescrivent. Pourquoi cèdent-ils si souvent aux
parents ? C'est ce que l'étude du docteur Alain Gervaix a cherché à
savoir. Dr Alain Gervaix : « Ils veulent avant tout la sécurité
de leurs patients. Bon nombre d'entre eux pensent que mettre un
enfant sous antibiotiques, même lorsqu'il n'y a pas une infection
très sévère, c'est peut-être une forme de sécurité et peut-être un
raisonnement un peu faux. D'autres pensent également que ça évite
d'autres consultations car ils savent que les parents, s'ils
n'obtiennent pas un antibiotique, vont aller voir un autre médecin
et repartiront finalement avec leur prescription. »
Attitude paradoxale des parents:
des études ont montré que 40 % d'entre eux se méfient des
antibiotiques. On ne les aime pas, mais on en veut, même si c'est
inutile.
Il faut rappeler que la médecine humaine n'est pas la seule
coupable, la principale cause de dissémination des antibiotiques a
été leur usage vétérinaire. Faut-il rappeler, parmi d'autres, le
scandale des veaux ou des porcs aux antibiotiques. Pour améliorer
la croissance des animaux et les rendements, certains éleveurs ont
abusé de ces médicaments pendant des décennies. L'information, la
suppression de certaines molécules vétérinaires trop proches de
celles utilisées en médecine humaine ainsi que l'introduction de
contrôles plus stricts ont amélioré la situation. Reste que
lorsqu'un éleveur doit donner des antibiotiques à ses bêtes, les
résidus se retrouvent dans les sols. Par l'épandage du fumier, ils
sont ensuite fatalement dilués et entraînés, par les pluies, dans
les cours d'eau. Mais ce qui étonne les spécialistes, c'est le
nombre de substances issues de la médecine humaine que l'on
retrouve dans l'eau.
Et tout se retrouve dans l'eau !
La Commission internationale de
protection des eaux du Léman (Cipel), fait régulièrement des
analyses pour voir ce que le lac a dans l'estomac. Les études
effectuées tout récemment ont démontré que le constat n'est pas
tout rose. Son secrétaire général, François Rapin, commente ces
résultats: « Dans les eaux du Léman, on trouve des pesticides,
des résidus médicamenteux, des cosmétiques, des produits réactifs
pour radios, photos, des hormones, toutes les substances qu'on
utilise dans la vie. »
Mélange inquiétant ! Et maintenant on se rend compte en plus qu'il
y a des résidus non négligeables d'antibiotiques. Patrick Edder
dirige un groupe romand de travail qui doit apporter des précisions
sur ces micro polluants. Il explique : « On fait différents
types d'analyses. Dans les rejets de stations d'épuration, on a mis
en évidence environ 40 substances de médicaments, dont 12
antibiotiques différents. Dans l'eau du lac, on a trouvé moins de
substances, 4 médicaments et un antiépileptique, un produit utilisé
dans la radiographie et deux antibiotiques. »
Ces prélèvements révèlent une
concentration d'antibiotiques de moins d'un micro gramme par litre.
Faible, mais pas forcément insignifiant. Patrick Edder : « On
ne peut pas dire que c'est anodin, si on compare au volume du lac,
la teneur peut se monter à plusieurs tonnes de substances actives
déversées dans le lac. »
François Rapin ajoute: « On appelle ça des problèmes
émergents, des nouveaux problèmes dont on connaît mal la gravité.
Il y a des programmes de recherche au niveau national et européen
et on peut avoir des craintes sur les effets sur l'environnement.
C'est un sujet qui est en recherche. »
Comment est-ce possible que ces antibiotiques se retrouvent dans
l'eau ? Réponse de François Rapin :« Ils sont consommés par
l'humain. Le corps ne retient qu'une partie de ces substances et en
rejette, par les urines et les selles, une autre partie qui peut
aller de 10 à 90 % suivant les substances. Elles arrivent ensuite
par les réseaux des égouts dans les stations d'épuration. Certaines
substances y sont détruites et d'autres passent à travers et
arrivent dans les eaux. » En bref, on est encore dans le bleu,
mais rien ne permet d'exclure que ces micro polluants aient un
effet, voire un effet négatif, sur l'écosystème.
La première station d'épuration,
c'est notre foie, il dégrade une bonne partie des médicaments que
nous absorbons, on dit souvent de cet organe qu'il détoxifie. Ce
que le corps rejette ensuite ce sont des métabolites, c'est ainsi
que l'on nomme les sous-produits de la dégradation des substances
médicamenteuses. On connaît très mal leurs effets sous cette forme,
parfois on ne sait même rien du tout, faute d'avoir étudié la
question. Ce qui est certain, c'est que ces métabolites
s'accumulent dans l'environnement et dans les organismes animaux et
humains. Certains ne sont pas inertes, ils agissent encore bel et
bien. En Suisse, les stations d'épuration sont toujours plus
performantes, mais la technologie évolue moins vite que la mise sur
le marché de nouvelles substances. C'est un défi constant pour les
ingénieurs.
Les résidus d'antibiotiques se
retrouvent donc mêlés aux eaux usées. L'Institut de Recherches de
l'Eau des Ecoles polytechniques fédérales, l'EAWAG, se préoccupe de
ces questions au niveau national et surveille les eaux d'une
station d'épuration à la pointe des nouvelles technologies. Elle
prélève l'eau à l'entrée, mais aussi à la sortie de la station,
pour comparer sa teneur en antibiotiques. Alfredo Adler, chimiste
EAWAG, explique ce travail: « Je soutire l'eau qui est passée à
travers les stades de la station d'épuration. On va l'analyser pour
voir si les substances médicamenteuses ont été éliminées,
transformées par l'épuration, ou bien si elles sont passées telles
quelles et seront donc rejetées à la rivière. Ces analyses, nous
les exécutons à notre laboratoire, une fois par jour ou quelques
fois par an, suivant les projets. Dans ce cas, l'eau qui ressort
des stations d'épuration est claire, mais il y a des substances en
suspension qu'on ne voit pas, il s'agit de les concentrer, de
réduire le volume de l'eau pour pouvoir les analyser. »
Christa McArdell-Buergisser,
chimiste EAWAG, ajoute: « On retrouve des représentants de tous les
groupes de médicaments, les anti-douleurs (comme l'ibuprofène), des
anti-épileptiques (par exemple, du carbamazepine), des liquides de
contraste utilisés pour les diagnostics (comme l'iopromide), et
aussi des antibiotiques de plusieurs groupes. Par exemple, le
groupe des macrolides (avec le clarithromycine), ou les groupes des
sulfonamides (avec le sulfamethoxazole).
Ce problème des résidus médicamenteux dans l'eau est si sérieux
que la Suisse a collaboré, avec 7 autres pays, à un projet
européen. Christa McArdell-Buergisser donne quelques précisions: «
Dans le cadre du projet Poseidon, par exemple, nous avons examiné
diverses technologies en vue d'améliorer l'élimination des produits
pharmaceutiques dans les stations d'épuration. Avec les ingénieurs,
nous avons étudié, à l'Eawag, des systèmes à ozone pour le
traitement des eaux usées, comme on les utilise déjà pour le
traitement de l'eau potable. On peut ajouter des étapes
supplémentaires à la fois pour optimiser les stations d'épuration
et améliorer la qualité de l'eau potable ».
Ces étapes supplémentaires de traitement de l'eau élimineraient
certains résidus médicamenteux mais seront aussi rapidement
dépassées par l'arrivée de nouveaux médicaments. Solutions plus
coûteuses, et toujours insuffisantes, les chercheurs ne sont pas
prêts de chômer.
Christa McArdell-Buergisser,
chimiste EAWAG, ajoute: « On retrouve des représentants de tous
les groupes de médicaments, les anti-douleurs (comme l'ibuprofène),
des anti-épileptiques (par exemple, du carbamazepine), des liquides
de contraste utilisés pour les diagnostics (comme l'iopromide), et
aussi des antibiotiques de plusieurs groupes. Par exemple, le
groupe des macrolides (avec le clarithromycine), ou les groupes des
sulfonamides (avec le sulfamethoxazole). »
Ce problème des résidus médicamenteux dans l'eau est si sérieux
que la Suisse a collaboré, avec 7 autres pays, à un projet
européen. Christa McArdell-Buergisser donne quelques précisions: «
Dans le cadre du projet Poseidon, par exemple, nous avons examiné
diverses technologies en vue d'améliorer l'élimination des produits
pharmaceutiques dans les stations d'épuration. Avec les ingénieurs,
nous avons étudié, à l'Eawag, des systèmes à ozone pour le
traitement des eaux usées, comme on les utilise déjà pour le
traitement de l'eau potable. On peut ajouter des étapes
supplémentaires à la fois pour optimiser les stations d'épuration
et améliorer la qualité de l'eau potable ».
Ces étapes supplémentaires de traitement de l'eau élimineraient
certains résidus médicamenteux mais seront aussi rapidement
dépassées par l'arrivée de nouveaux médicaments. Solutions plus
coûteuses, et toujours insuffisantes, les chercheurs ne sont pas
prêts de chômer.
Les limites des stations d'épuration
Fabien Gigon et Léon Berger,
étudiants en dernière année à l'EPFL, ont visité ce qui se fait de
mieux dans les stations d'épuration. Ils ont interrogé les experts
et ont compris que les boues d'épuration retiennent une partie des
résidus médicamenteux, mais que le reste repart dans l'eau. Comme
futurs ingénieurs, ils se sentent directement concernés. Léon
Berger : « En tant que jeune, la pollution m'intéresse. C'est
très difficile de la voir et d'avoir des infos à ce sujet. »
C'est pour cela qu'on s'est penchés sur cette question. Fabien
Gigon ajoute : « Elle a des effets pervers, donc on ne sait pas
si ça agit sur la stérilité. On se sait pas si ça peut agir sur
d'autres mutations. C'est ce qu'on a essayé de découvrir et faire
un lien entre notre consommation et ce qu'on retrouve dans la
nature. »
Toujours à l'EPFL, Annick Tauxe, docteur en sciences, a étudié la
contamination de l'environnement par les substances
pharmaceutiques. Pour la chercheuse, il est urgent de développer
une nouvelle génération d'antibiotiques. « L'objectif des
stations est d'éliminer les matières en suspension et les matières
dégradables et biodégradables, mais les matières pharmaceutiques ne
sont pas toutes biodégradables. Il serait intéressant de créer des
substances qui sont plus biodégradables et qui n'ont pas d'effets
sur les organismes de l'environnement. »
Les chercheurs et les étudiants
tombent d'accord. Au fond, il faudrait appliquer aux antibiotiques
les mêmes remèdes qu'aux phosphates des lessives. Léon Berger et
Fabien Gigon résument leurs conclusions : « Il y a différentes
solutions à différents niveaux. En amont du problème et au niveau
du consommateur qui, lui, dans l'idéal, devrait moins consommer de
médicaments et seulement dans des cas vraiment nécessaires. Sinon,
il y a des solutions techniques en aval mais qui seront des
solutions à court terme, des solutions complémentaires. Dans un
premier temps, il faut installer des réseaux additionnels aux
stations d'épuration pour éliminer tout de suite le problème. Mais
après, il faudra sensibiliser le médecin et le consommateur qui ne
devraient pas prendre des antibiotiques pour un rhume ».
Mais surtout il ne faut jamais jeter les médicaments non utilisés
dans les toilettes, vraiment jamais, car ils polluent gravement les
cours d'eau. Il faut impérativement les rapporter à la pharmacie.
C'est une chose que l'on peut faire sur le plan individuel. Autre
mesure que l'on peut prendre en tant qu'individu, c'est de renoncer
à utiliser des antibiotiques quand ce n'est pas vraiment
nécessaire, de faire confiance à son médecin et accepter de
repartir parfois sans prescription. La question des résistances est
devenue un véritable enjeu de santé publique.
Les bactéries font de la résistance
La surconsommation d'antibiotiques
entraîne plusieurs problèmes et affaiblit l'efficacité des
médicaments. Giorgio Zanetti est professeur au Service Maladies
infectieuses et prévention hospitalière du CHUV. Pour lui, il y a
danger : « Trop d'antibiotiques sont corrélés avec le
développement de résistance dans le monde bactérien, c'est un
phénomène naturel, les bactéries apprennent à s'adapter et à
résister. On arrive dans certains cas à des situations où il n'y a
plus d'antibiotiques efficaces contre une bactérie donnée. Très
heureusement, c'est très rare, en particulier dans notre pays, mais
ça l'est dans d'autres régions du monde, et ça pourrait le devenir
à l'avenir. Il faut absolument que nous apprenions à gérer cette
ressource délicate. »
A Genève, une thèse a mis clairement en lumière la résistance aux
antibiotiques chez les enfants. Le docteur Alain Gervaix commente
ce travail: « Prenons une bactérie classique dans la population
pédiatrique, le pneumocoque, bactérie qui crée des otites, des
pneumonies : au cours de ces 15 dernières années, on remarque une
augmentation progressive et parfois inquiétante de son niveau de
résistance à la pénicilline. Il y a 15 ans, ces bactéries étaient
invariablement sensibles à la pénicilline et il était très facile
de les traiter. Aujourd'hui déjà, un enfant sur trois ne réagit
plus suffisamment à ce médicament. Il faut alors éviter d'arriver à
devoir utiliser une combinaison d'antibiotiques, plus chers, et par
intraveineuse. Une situation comme on en trouve en France, plus
complexe que celle à laquelle on fait face maintenant. »
Georgio Zanetti ajoute: «
Actuellement, c'est une préoccupation très haut placée dans le
domaine des maladies infectieuses. De nombreuses études montrent
que non seulement si on augmente sa consommation d'antibiotiques on
a tendance à augmenter la résistance, mais que c'est réversible en
partie, et ça c'est une bonne nouvelle. C'est ce qui nous motive à
gérer les choses différemment. En diminuant la consommation, on
peut, du moins en partie, diminuer le problème des
résistances. »
Si la Suisse ne fait pas partie des pays qui consomment le plus
d'antibiotiques, c'est uniquement grâce à la Suisse orientale, car
chez les Romands et les Tessinois, le recours aux antibiotiques est
du même ordre que les latins du pourtour de la Méditerranée. Bref,
nous sommes comme les Français, nous aimons les pilules, l'idée
même du remède et de son effet magique. Mais là encore, nous ne
devons pas porter seuls toute la culpabilité. L'industrie
pharmaceutique sait très bien séduire médecins et patients pour
vendre toujours plus. Certains fabricants ont même réussi à mettre
des antibiotiques dans des produits qui ne devraient pas en
contenir, simplement pour des questions de marketing, parce que
l'antibiotique, ça fait vendre!
La France a pris des mesures, et la Suisse ?
Les autorités françaises, dans le
cadre de leur campagne contre la surconsommation, viennent de
retirer 12 de ces produits du marché, estimant que la balance entre
les risques et le bénéfice était clairement défavorable.
L'équivalent à ces 12 médicaments français retirés du marché se
trouvent toujours - parfois sous d'autres noms - dans les
pharmacies de Suisse (voir la liste ci-dessous). Thierry Buclin,
pharmacologue au CHUV, donne son avis sur les équivalents suisses:
« Ils sont en vente libre dans les pharmacies, les gens en
prennent en cas de refroidissement, ils correspondent à un besoin,
mais il n'est pas nécessaire qu'il y ait des molécules
d'antibiotiques. Je pense que les autorités vont progressivement
renoncer à ces médicaments.
Les Français vont dans la bonne direction, dans la mesure où
l'adjonction d'antibiotiques à ces pastilles n'a jamais apporté un
avantage par rapport à d'autres désinfectants qui n'auraient pas
d'antibiotiques. »
Alors, que va-t-il se passer en Suisse? Lorsqu'un pays interdit un
médicament, Swissmedic intervient. Cet organisme de surveillance
analyse la situation et rend sa décision. Avant de retirer un
produit, il donne au fabricant la possibilité d'en modifier la
composition. Mais la France ne s'est pas contentée d'interdire,
elle veut éduquer.
Le docteur Alain Gervaix commente également cette campagne : «
Je pense qu'elle est excellente. Nous ne sommes pas dans une
situation aussi dramatique qu'en France. Mais naturellement, plus
on pourra s'y prendre tôt et meilleures seront les chances de
succès d'une telle campagne. Je soutiendrais la mise sur pied d'une
telle campagne d'information au grand public mais il s'agit d'une
question de finances. Nous avons obtenu, d'une fondation, de
l'argent pour débuter cette campagne, mais cela ne sera pas
suffisant. On espère, à terme, avoir d'autres soutiens pour mener
une campagne sur quelques années, pour la sensibilisation du public
à l'utilisation des antibiotiques. »
Ce n'est pas par hasard si la campagne française contre la
surconsommation met en scène des parents de tout jeunes enfants. En
effet, on peut se raisonner quand il s'agit de notre propre santé.
En revanche, quand la maladie touche les enfants, les parents
deviennent irrationnels. Normal, ils ont peur pour leur progéniture
et on ne peut pas les blâmer.
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Quelques conseils
Alain Gervaix : « Il faut
savoir que le corps d'un enfant est capable de se défendre contre
des infections bénignes. Il ne faut pas avoir recours
systématiquement aux antibiotiques qui, je le rappelle, ne sont
actifs que contre des bactéries mais pas contre des virus, car la
grande majorité des infections sont dues à des virus. Il faut
laisser du temps au corps pour qu'il puisse combattre. L'enfant
aura fréquemment de la fièvre, ne sera pas très bien et le corps va
se défendre. Ceci fait partie de la maladie qui ne sera, en aucun
cas, modifiée par l'utilisation d'un antibiotique. »
Dans cette affaire, les médecins et les pédiatres, en particulier,
ont un rôle important à jouer. Ils doivent eux aussi changer de
mentalité et prendre le temps d'expliquer, de rassurer. Une course
contre la montre est engagée entre les bactéries pathogènes et la
recherche médicale, c'est une vraie guerre. Nos armes sont de moins
en moins efficaces et, à défaut d'être capables d'en inventer de
plus puissantes, nous n'avons pas d'autre choix que de ménager
celles qui existent.