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Paris, vu par...

Barbet Schroeder, producteur de "Paris, vu par... ", en 1965. [RTS]
Barbet Schroeder, producteur de "Paris, vu par... ", en 1965. - [RTS]
Film à sketchs réunissant des figures emblématiques de la Nouvelle Vague, "Paris, vu par..." doit son existence à un jeune producteur de 24 ans, Barbet Schroeder. Eric Rohmer, Jean-Luc Godard, Claude Chabrol, Jean Rouch: la nouvelle garde du cinéma français participe à ce projet.

Paris, vu par... est composé de six courts-métrages, ayant chacun pour cadre un quartier de la capitale française. Aux six cinéastes conviés, Barbet Schroeder confie une caméra 16mm et de la pellicule. A part la contrainte du lieu et de la durée, les réalisateurs ont carte blanche.

Deux mois avant la sortie du film en octobre 1965, le journaliste Rodolphe-Maurice Arlaud rencontre pour l'émission Cinéma-vif une partie des protagonistes de cette aventure cinématographique. Si Chabrol et Godard manquent à l’appel, il s'entretient avec Eric Rohmer, Jean Rouch, Jean Douchet et bien sûr Barbet Schroeder. Ce dernier explique que si faire un film sans argent n'est pas un problème, faire du cinéma sans Paris est pratiquement impossible.

Barbet Schroeder et Patrick Bauchau en 1965. [RTS]
Paris vu par Barbet Schroeder et Patrick Bauchau / Cinéma vif / 5 min. / le 10 août 1965

Eric Rohmer

Barbet Schroeder et Eric Rohmer sont de vieilles connaissances. Ils ont ensemble fondé en 1962 la maison de production Les Films du Losange. Peu de temps avant la naissance de Paris, vu par... , Eric Rohmer a été évincé de la rédaction en chef des Cahiers du cinéma au profit de Rivette, lui-même soutenu par Truffaut. Cette querelle explique aussi pourquoi Rivette et Truffaut, deux figures importantes de la Nouvelle Vague, soient absents du projet.

Dans son sketch, Eric Rohmer choisit de s'intéresser à la Place de l'Etoile. S'il englobe son propos d'une trame dramatique, ce qui l'intéresse vraiment, c'est l'endroit et ... la marche à pied!

Le cinéaste Eric Rohmer en 1965. [RTS]
Paris vu par Eric Rohmer / Cinéma vif / 5 min. / le 10 août 1965

Jean Rouch

Cet ethnologue, auteur de nombreux documentaires, est considéré comme l'un des précurseurs de la Nouvelle Vague. En développant son concept de "cinéma-vérité", il contribua à la révolution formelle en marche. Utilisation de caméra légère, filmage en plans-séquences, volonté de marquer la présence du filmeur: son influence sur la jeune garde sera grande. Son court-métrage dédié à la Gare du Nord met en scène un couple en crise, filmé quasiment en temps réel.

Jean Rouch, cinéaste et ethnologue (gauche), avec Rodolphe-Maurice Arlaud, 1965. [RTS]
Paris vu par Jean Rouch / Cinéma vif / 4 min. / le 10 août 1965

"Gare du Nord" de Jean Rouch

Jean Douchet

Critique de cinéma, Jean Douchet a longtemps collaboré aux Cahiers du cinéma. Il a quitté la rédaction au moment de l'éviction d'Eric Rohmer. Egalement comédien, il a notamment joué dans Les Quatre cents coups de François Truffaut, A bout de souffle de Jean-Luc Godard et plus tard dans La maman et la putain de Jean Eustache. Son sketch dans Paris, vu par..., qui a pour cadre le quartier St-Germain, est sa deuxième réalisation cinématographique.

Jean Douchet, critique de cinéma, comédien et cinéaste, 1965. [RTS]
Paris vu par Jean Douchet / Cinéma vif / 3 min. / le 10 août 1965

Extrait de "St-Germain-des-Prés" par Jean Douchet

"Paris, vu par... " : un film manifeste

Arlaud :         - Vous n'avez pas la tête d'un producteur!

Schroeder :   - Il suffit d'aimer le cinéma.

Arlaud :         - Ça coûte cher un film!

Schroeder :   - Si on veut vraiment le faire, on y arrive...

Barbet Schroder, producteur atypique, répond aux questions de Rodolphe-Maurice Arlaud, 1965. [RTS]
Paris vu par Barbet Schroeder (2) / Cinéma vif / 1 min. / le 10 août 1965

Producteur atypique, Barbet Schroeder s'est entouré des cinéastes qu'il aimait. Davantage qu'un simple film de copains, Paris, vu par... peut être considéré comme un manifeste. Celui d'un cinéma en rupture avec les codes et les usages du passé. Un cinéma jeune, passionné, faisant le pied de nez aux pesanteurs des productions traditionnelles et s'ouvrant de nouvelles aires de liberté.

Sophie Meyer pour Les archives de la RTS

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