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Le Lauberhorn consacre un deuxième roi bernois

Feuz [KEYSTONE - ALESSANDRO DELLA BELLA]
Beat Feuz est le 2e Bernois à s'imposer au Lauberhorn, le 9e Suisse. - [KEYSTONE - ALESSANDRO DELLA BELLA]
Neuf ans après Bruno Kernen, Beat Feuz a lui aussi fait mentir l'expression "nul n'est prophète en son pays" en s'imposant lors de la mythique descente du Lauberhorn. Le "monstre" de Wengen aura dû attendre sa 82e édition pour consacrer un 2e roi bernois (9 skieurs suisses au total).

A 24 ans, et à sa troisième tentative seulement - il avait même chuté l'an dernier -, Feuz est entré dans la légende des vainqueurs de "classique", le graal si souvent rêvé mais peu souvent atteint de tout skieur en Coupe du monde. "J'ai encore de la peine à le croire. Un rêve de gosse s'est réalisé. Que je réussisse ça moi, dans une "classique", ici et devant mon public, c'est juste incroyable", a confié l'Emmentalois.

Déjà impressionnant la veille lors de la descente du super-combiné, Feuz a donc remis ça, mais sur un parcours rallongé d'environ 1'. "Je n'ai rien fait de différent par rapport à vendredi", déclare le successeur de Didier Défago (2009) et Carlo Janka (2010) au palmarès des vainqueurs helvétiques.

"Il faut toujours suivre la ligne qu'on a choisie"

Feuz a "juste" appliqué une recette qui fait de lui désormais un champion, un descendeur craint de tous depuis le début de l'hiver. "J'ai essayé de rester calme, comme je le fais depuis quelques mois". Une recette gagnante, tant le Bernois est

Vainqueur à Wengen, Beat Feuz regarde désormais en direction de Kitzbühel. [Keystone - Samuel Truempy]
Vainqueur à Wengen, Beat Feuz regarde désormais en direction de Kitzbühel. [Keystone - Samuel Truempy]

apparu décontracté depuis le début de la semaine oberlandaise. "C'est sa marque de fabrique", explique Bernhard Russi. "Il est toujours comme ça".

Beat Feuz tire un parallèle avec le poker, qu'il pratique régulièrement. "Perdre ses nerfs n'apporte rien. Ca ne m'est jamais arrivé, ni après mes blessures ni après ma chute à Bormio, en décembre. Il faut toujours suivre la ligne qu'on a choisie", avance-t-il.

"Sa victoire ne me surprend pas", lâche un Russi plein d'admiration. "Ce qui me surprend, c'est qu'il répète quasiment ce qu'il a fait vendredi". "Beat Feuz, c'est un mélange entre l'art et la volonté", poursuit le champion olympique 1972 de descente. "Contrairement à un patineur artistique, il n'a pas d'imposé, seulement du libre. Il est ainsi toujours prêt à réagir, et jamais à subir", explique Russi.

Un débat sur son physique définitivement clôt

C'est d'ailleurs grâce à une ligne de son cru que Beat Feuz a fait la différence samedi. "Au sortir du "Hanneggschuss", c'était très bosselé et ça tapait beaucoup",

Beat Feuz pratique un ski très pur, vide de tout mouvement superflu. [Keystone - Shinichiro Tanaka]
Beat Feuz pratique un ski très pur, vide de tout mouvement superflu. [Keystone - Shinichiro Tanaka]

raconte le citoyen de Schangnau. "J'ai constaté lors de la reconnaissance ce matin que c'était toujours le cas". Le Bernois a donc choisi une "ligne très directe, la plus directe de tous les coureurs même", histoire de bénéficier d'une piste "plus calme". "Et je crois que j'ai bien fait!", rit-il.

Sa victoire permet également à Feuz de clore définitivement le chapitre de son supposé faible physique. "Je m'impose sur la piste la plus longue du circuit, donc je crois qu'il n'y a plus grand-chose à dire à ce sujet...".

La clé du succès de Feuz tient aussi à une dépense d'énergie moindre en course. "Il skie de manière très ergonomique, avec aucun mouvement en trop", analyse le "retraité" Marco Büchel, rejoint par Bernhard Russi. "Il n'a pas plus de forces que les autres, il arrive en bas seulement moins fatigué".

Les compliments des anciens vainqueurs

Ce que n'a pas manqué de confirmer le vainqueur du jour. "J'ai encore eu les forces pour skier la ligne que j'avais choisie pour le "S-Final"", dit Feuz. "Par rapport à un Cuche, au style également très pur, Feuz est plus souple, davantage joueur", détaille encore Russi. "Il y a toujours un plan de course chez un skieur, mais Beat évolue avec un certain fatalisme. Il laisse aller, et improvise".

Bode Miller au "Hundschopf", là où l'Américain estime que Feuz a brillé. [Keystone - Alessandro Della Bella]
Bode Miller au "Hundschopf", là où l'Américain estime que Feuz a brillé. [Keystone - Alessandro Della Bella]

D'autres anciens champions de Wengen ont aussi été bluffé par la performance de Feuz, à commencer par Bode Miller, vainqueur 2007 et 2008 au Lauberhorn. "J'avais dit qu'il serait l'homme à battre. Il a livré une course très propre. Au "Hundschopf", je n'ai jamais vu quelqu'un skier aussi bien que lui!".

Pour William Besse, champion 1994, "Feuz a non seulement confirmé, mais fait encore mieux que vendredi. Il est vraiment sur son nuage. Et une fois que tu y es, tout fonctionne à merveille". Le Valaisan, consultant TSR, voit même le Bernois rester sur sa vague encore un moment. "A part une blessure, plus rien ne va l'arrêter. En début d'hiver, il aurait signé pour moins que ça..."

Klaus Kröll, vainqueur autrichien déchu, estime lui aussi que la victoire de Feuz "n'est pas une surprise". "Depuis le début de la saison, il est très constant. Il faudra s'habituer à le voir aux avant-postes". "C'est déjà mon 6e podium de l'hiver", jubile Feuz. "Moi j'espérais juste pouvoir refaire les mêmes résultats qu'en 2010/11".

Et si Feuz gagnait aussi à Kitzbühel?

Mais pas question pour le Bernois de s'enflammer. "La bonne passe que je traverse actuellement va bien finir par s'arrêter, et il faudra alors travailler davantage pour la retrouver". "Feuz, c'est "eine Wundertüte" (réd: un cornet-surprise). Avec son courage, son calme, il peut gagner là où on ne l'attend pas", explique Bruno Kernen.

Bientôt d'autres raisons de crier victoire dans les bras de sa petite amie Katrin Triendl? [Reuters - Michael Buholzer]
Bientôt d'autres raisons de crier victoire dans les bras de sa petite amie Katrin Triendl? [Reuters - Michael Buholzer]

Et, le week-end prochain, se tiendra un autre "monstre sacré" du Cirque blanc, le non moins mythique Kitzbühel. Là, où généralement l'expérience joue un rôle très important. "Moi je le vois très bien gagner, même s'il n'a que 24 ans", lance Russi.

"L'expérience peut parfois être négative. Si tu vas à Kitzbühel pour la 5e fois et que tu as commis 4 fois une faute au même endroit, elle te marquera", explique l'ex-skieur. "Je suis sûr que Défago l'a été par la perte de son ski à la "Minschkante" jeudi...".

"Wills" Besse place lui aussi Feuz parmi les favoris sur la redoutable piste autrichienne. "Comme il skie en ce moment, il finira dans le top-5!". "Wengen n'est pas sa dernière grande victoire", annonce même Bruno Kernen.

De Wengen, Daniel Burkhalter

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Encore raté pour Didier Cuche

Son 13e Lauberhorn n'a pas souri à Didier Cuche, encore battu. Le Neuchâtelois, trois fois 2e au pied de l'Eiger, a cette fois fini loin des meilleurs (15e), à 1"44 de Feuz.

"Il m'a manqué la décontraction nécessaire pour être rapide sur une telle piste. J'ai perdu du temps de haut en bas, notamment à cause d'un mauvais toucher de neige", a concédé Cuche, très déçu.

Le costaud des Bugnenets espère désormais, et comme souvent ces dernières saisons, retrouver le sourire à Kitzbühel, là où il est double tenant du titre (5 succès).

"Feuz surfe sur la vague du succès, sur une très grosse vague", image le Vaudruzien. "Tout est plus facile dans pareille dynamique. J'espère moi aussi remonter sur cette vague-là à Kitzbühel".

LES COULISSES DU LAUBERHORN

Une affluence record: la descente du Lauberhorn a enregistré un nouveau record, avec 38'000 spectateurs. Une foule "forcée" de taper des mains et de sautiller pour oublier une température glaciale dans l'aire d'arrivée. Le thermomètre flirtait facilement avec les -10 degrés.

Le soleil est revenu, grâce au psy: troisième du jour, Christof Innerhofer jubile. Victime d'une commotion cérébrale le 3 novembre à Nakiska, l'Italien a vécu des moments difficiles. "Rien n'allait, j'étais totalement démoralisé". Jusqu'à ce qu'il consulte le psychologue de sa fédération. "Ca m'a fait beaucoup de bien". Et l'a conduit sur le podium à Wengen, théâtre de l'une des descentes les plus difficiles de la saison!

Cuche de retour en 2013? Beat Feuz se montrait désolé de la performance de Didier Cuche (15e). "C'est un favori où qu'il aille. Là, il n'a malheureusement pas réussi à faire en course ce qu'il fait aux entraînements, mais on espère tous qu'il tentera une nouvelle fois sa chance l'année prochaine". Qui sait...

Une victoire comme une autre? "Un succès à Wengen n'est comparable à rien d'autre, et notamment pas à un triomphe à Kvitfjell (réd: où il a gagné en mars 2011), même si, à la fin de la journée, un succès reste un succès", concède Beat Feuz. "Mais Wengen, devant mon public, c'est vraiment spécial!".

Le super-combiné a ses défenseurs: "Le format utilisé ici à Wengen est bon", estime Beat Feuz. "Par contre, pas à Kitzbühel, où un descendeur doit déjà tenter de survivre à la descente avant d'avaler 2 manches de slalom...". Le Bernois, qui ne prévoit pas de s'aligner un jour en slalom, espère que le super-combiné va survivre. "C'est une discipline qui appartient au ski".

Meilleure perf' pour "l'autre" Gisin: Marc Gisin, petit (par l'âge, pas par la taille!) frère de Dominique, a bien failli créer une énorme surprise au Lauberhorn. L'Obwaldien, qui a signé les meilleurs chronos sur le haut du parcours, a finalement terminé 10e, signant son meilleur résultat en Coupe du monde.

Wengen, descente du Lauberhorn (14.01)

1. Beat Feuz SUI 2'35"31
2. Hannes Reichelt AUT + 0"44
3. Christof Innerhofer ITA 0"49
4. Ca
rlo Janka SUI 0"61
5. Bode Miller USA 0"77
6. Klaus Kroell AUT 0"89
7. Peter Fill ITA 1"12
8. Erik Guay
CAN 1"22
. Romed Baumann AUT 1"22
10. Patrick Kueng SUI 1"23
11. Marc Gisin SUI 1"30
12. Aksel Svindal NOR 1"3
5
13. Dominik Paris ITA 1"36
14. Silvan Zurbriggen SUI 1"38
15. Didie
r Cuche SUI 1"44
...
19. Ambrosi Hoffmann SUI 1"92
26. Didier Défago SUI 2"67

CLASSEMENT GENERAL

1. Marcel Hirscher AUT 725
2. Ivica Kostelic CRO 595
3. Beat Feuz SUI 545
4. Ted Liget
y USA 493
5. Aksel Svindal NOR 490
...
8. Didie
r Cuche SUI 343
19. Didier Défago SUI 198
20. Carlo Janka SUI 194
25. Patrick Kueng SUI 164
33. Sandro Viletta SUI 132
51. Silvan Zurbriggen SUI 78
62. Reto Schmidiger SUI 49

COUPE DU MONDE DE DESCENTE:
1.Feuz 260
2.Miller 219
3.Kroell 205
...
5.Cuche 177
8.Défago 122
8.Kueng 122