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La mousson aurait-elle attiré les premiers Homo sapiens en Asie ?

Ghâts occidentaux en Inde pendant la mousson. [Wikipedia - Arne Hückelheim]
Ghâts occidentaux en Inde pendant la mousson. - [Wikipedia - Arne Hückelheim]
Selon une étude récemment publiée dans la revue Science, les premières migrations des Homo sapiens de l’Afrique vers l’Asie ont peut-être été favorisées par un changement du régime de la mousson, il y a environ 100'000 ans. L’analyse sédiments, prélevés sur des sites archéologiques en Chine, montre une grande coïncidence entre les deux évènements.

Le climat terrestre a été particulièrement changeant au début de l’humanité, alternant à intervalles serrés des périodes glaciaires et interglaciaires, notamment pendant la période où apparaissent les premiers Homo sapiens en Afrique, il y a environ 300'000 ans.

Il y a 140 000 ans, le climat de l’Asie de l’Est était beaucoup plus froid et sec qu’aujourd’hui, les conditions n’étaient guère favorables à la migration des espèces qui peuplaient l’Afrique, en particulier l’Homo sapiens. Mais suite à un réchauffement de grande ampleur (voir ci-dessous), de premières migrations se sont produites il y a environ 100'000 ans.

Température globale moyenne au cours des 540 derniers millions d'années. [Wikipedia - Ridhvan Sharna]
Température globale moyenne au cours des 540 derniers millions d'années. [Wikipedia - Ridhvan Sharna]

Selon les auteurs de l’étude, ce réchauffement s’est accompagné d’un renforcement de la mousson entre l’Afrique et l’Asie, avec un fort impact sur la température et le régime des pluies. L’apparition de forêts tropicales luxuriantes et des plaines fertiles dans des régions autrefois froides et sèche a attiré l’Homo sapiens hors de ses contrées.

Pour établir la corrélation entre les deux évènements, les chercheurs ont méticuleusement collecté 2 066 échantillons de sédiments éoliens de loess sur les falaises du plateau qui porte le même nom en Chine.

Paysage du plateau de Lœss près de Hunyuan dans le nord de la province du Shanxi en 1987. [Wikipedia - Till Niermann]
Paysage du plateau de Lœss près de Hunyuan dans le nord de la province du Shanxi en 1987. [Wikipedia - Till Niermann]

Ces loess sont des structures géologiques constituées de sédiments de la taille d'un limon, transportés par le vent. Ils contiennent de précieuses informations sur les conditions environnementales des différentes périodes de l’Histoire.

En les analysant, les chercheurs ont pu reconstituer les mécanismes de la mousson d'été en Asie au cours des 280 000 dernières années, en tenant compte des changements dans l'énergie solaire entrante et dans les concentrations de gaz à effet de serre. Les résultats montrent une forte corrélation avec le mouvement des premiers Homo sapiens à travers l’Asie, ce qui suggère un rapport de causalité entre les deux évènements.

Premières migrations des Hominines hors d'Afrique. En rouge l'Homo sapiens. [Wikipedia]
Premières migrations des Hominines hors d'Afrique. En rouge l'Homo sapiens. [Wikipedia]

Mais l’attrait de l’Asie de l’Est n’était apparemment pas la seule force en jeu. Alors que la mousson dessinait un tableau luxuriant à l’Est, les paysages asséchés et la diminution des ressources rendaient la vie particulièrement difficile en Afrique du Sud-Est. Selon les chercheurs, c’est plutôt un effet push-pull qui a pu diriger nos ancêtres vers les pâturages plus verts de l’Est.

Circulation des courants pendant la mousson estivale. [Wikipedia/NOAA - Frédéric Ducarne]
Circulation des courants pendant la mousson estivale. [Wikipedia/NOAA - Frédéric Ducarne]

Les auteurs de l’étude ont également procédé à des simulations sur ordinateur pour comprendre les changements d’habitat chez l'Homo sapiens en fonction de différents scénarios climatiques. Les résultats montrent que lorsque la mousson s’intensifiait, l’occupation humaine en Asie de l’Est était plus importante.

"Ce n'est pas une solution miracle… mais cela donne beaucoup de crédit à l'hypothèse selon laquelle les migrations humaines sont en étroite corrélation avec la variabilité climatique", explique Kaustubh Thirumalai, paléoclimatologue à l'Université de l'Arizona, l’un des auteurs de l’étude.

L'Homo sapiens n'a pas fini de faire parler de lui.

Philippe Jeanneret

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