Les faits remontent à 1998, Michael Mann, professeur des sciences du climat à l'Université de Pennsylvanie, se fait connaître en publiant dans la revue Natureun graphique sur l'évolution de la température moyenne de la planète des 1000 dernières années. À l'image d'un bâton de hockey, la courbe connaît peu de variation pendant près de 900 ans, avant de s'accélérer de manière subite au 20e siècle.
Aussitôt les climatosceptiques accusent Michael d’exagérer les faits. L’affaire prend une tournure particulière en 2009 avec la divulgation, après un piratage, d'un ensemble de courriels et de fichiers attribués à des responsables du Climatic Research Unit (CRU) de l’Université d’East Anglia ainsi qu’à leurs correspondants.
Pris dans le tourbillon, Michael Mann se fait reprocher d'avoir manipulé les données. Mais des enquêtes menées notamment par l'Université d'État de Pennsylvanie, permettent finalement de démontrer que les contenus des échanges ont été sortis de leur contextes et que rien ne saurait lui être reproché.
Bien qu’il soit innocenté, Michael Mann n'en reste pas moins la cible des climatosceptiques et fait régulièrement l’objet d’attaques dans les médias.
Comparé à un pédophile par deux journalistes climatosceptiques
En 2012, dans un blog publié sur le site du groupe de réflexion libertarien Competitive Enterprise Institute, Rand Simberg, un analyste politique, compare la controverse du Climategate à l'affaire Jerry Sandusky, un ancien entraîneur adjoint de football à l'Université d'État de Pennsylvanie, reconnu coupable de 45 chefs d’agressions sexuelles sur de mineurs.
« On pourrait dire que Mann est le Jerry Sandusky de la science du climat, sauf qu'au lieu d'agresser des enfants, il a agressé et torturé des données », écrit Rand Simberg. Des propos repris par le journaliste canadien Mike Steyn dans le magazine National Review et sur les plateaux de télévision. Notamment dans les émissions de Tucker Carslon, qui a fait parler de lui récemment dans une interview accordée par Wladimir Poutine.
Mike Steyn ne se contente pas de comparer Michael Mann à Jerry Sandursky, il qualifie ses recherches de frauduleuses – bien que les enquêtes l’aient innocenté. C’en est trop pour le professeur de climatologie qui décide d’intenter un procès.
Au terme de 12 ans de procédure, la Cour supérieure du district de Columbia a finalement condamné Mike Steyn à verser un million de dollars à Michael Mann. Également sur le banc des accusés, Rand Simberg devra pour sa part verser mille dollars de dommages-intérêts.
Bien que les avocats de la défense aient invoqué le premier amendement de la Constitution des États-Unis - qui garantit la liberté d'expression des Américains -, le Tribunal a estimé que que Rand Simberg et Mike Steyn s'étaient rendus coupables de diffamation « en raison de leurs déclarations écrites avec malveillance, rancune, mauvaise volonté, vengeance ou intention délibérée de nuire ».
J'espère que ce verdict envoie le message qu'attaquer sans fondement les scientifiques du climat ne relève pas de la liberté d'expression protégée [par la Constitution américaine], a réagi Michael Mann par communiqué, jeudi soir.
L'avocat de Rand Simberg a fait savoir que son client ferait appel de la décision. Myke Steyn, qui a assuré sa défense sans avocat au cours du procès, en fera de même, selon sa manager, Melissa Howes.
Une grande victoire pour les scientifiques
Pour Pete Fontaine, l'un des avocats de M. Mann, il s'agit d'une grande victoire pour la vérité et les scientifiques du monde entier qui consacrent leurs vies à répondre aux questions scientifiques cruciales qui ont un impact sur la santé humaine et la planète.
C'est la toute première fois que des négationnistes du climat sont tenus responsables, financièrement, pour leurs déclarations trompeuses, a déclaré de son côté Michael Gerrard, fondateur du Sabin Center for Climate Change Law, un centre de recherche en droit environnemental basé à New York.
Reste à savoir si en instance supérieure, les juges continueront de donner raison à Michael Mann.
Philippe Jeanneret