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Impact paradoxal de la baisse de pollution sur la température mondiale

Nuage de pollution au-dessus de la Chine le 8 octobre 2010 [NASA]
Nuage de pollution au-dessus de la Chine le 8 octobre 2010 - [NASA]
La baisse des niveaux de pollution pourrait avoir contribué de manière significative à la hausse de la température mondiale entre 2001 et 2019, selon une étude publiée mercredi dans la revue Communications Earth & Environment. Le phénomène s’expliquerait par une diminution de la nébulosité engendrée par les mesures anti-pollution. Des incertitudes subsistent cependant quant à l’ampleur du phénomène. Explications :

Les émissions de gaz à effet de serre et l’avènement d’un épisode de type El Niño ont beaucoup influencé la température mondiale en 2023, année la plus chaude sur Terre depuis le début des mesures. Mais ils ne sauraient expliquer à eux-seuls les hausses observées. Les bilans radiatifs et l'albédo terrestre ont également joué un rôle.

Evolution de la température moyenne mondiale depuis le début des mesures, par rapport à la moyenne 1850 - 1900 [OMM/NASA]
Evolution de la température moyenne mondiale depuis le début des mesures, par rapport à la moyenne 1850 - 1900 [OMM/NASA]

Depuis le début du XXIème siècle, les scientifiques constatent en effet que la planète réfléchit moins le rayonnement solaire, comme si elle était devenue plus sombre. Les instruments Clouds and the Earth's Radiant Energy System (CERES) installés sur différents satellites montrent depuis 2015 une diminution de la lumière solaire réfléchie par la Terre. Plus précisément, le rayonnement solaire absorbé en 2015-2019 était supérieur de 0,99 W/m 2 à celui de la période 2005-2015). Depuis janvier 2020, le déséquilibre est même encore plus important (1,29 W/m 2 ).

Evolution entre 2000 et 2023 de la partie de l’énergie solaire absorbée par la Terre par opposition à la partie directement renvoyée vers l’Espace [NASA/James Hansen]
Evolution entre 2000 et 2023 de la partie de l’énergie solaire absorbée par la Terre par opposition à la partie directement renvoyée vers l’Espace [NASA/James Hansen]

L’augmentation de ce déséquilibre dans les bilans radiatifs ne s’est pas produite par un changement de l’irradiation solaire (qui a d'ailleurs eu tendance à diminuer ces dernières années). Elle ne peut pas non plus être la conséquence de la régression des glaces de mer ou de l’éruption volcanique du Hunga Tonga début 2022, qui a injecté de grandes quantités de vapeur d’eau dans l’atmosphère (ndlr : la vapeur d’eau est le premier gaz à effet de serre). Elle est probablement liée à un changement d’albédo :

L’albédo est très élevé pour les surfaces claires qui réfléchissent la lumière solaire, comme la glace ou la neige mais également pour la couverture nuageuse, en particulier le sommet des nuages bas. A l’inverse, il est très bas pour les surfaces sombres, les végétaux ou les océans.

Selon une étude publiée la semaine passée dans la revue Communications Earth & Environment, les changements d'albédo s’expliqueraient en partie par la diminution des taux de pollution

En effet, les aérosols générés par la pollution ont un albédo relativement élevé, par leur faculté à réfléchir la lumière dans l’espace. Ils peuvent également faire augmenter le nombre de gouttelettes dans les nuages, les rendant ainsi plus brillants ou leur permettant de se maintenir plus longtemps dans l’atmosphère.

Selon Øivind Hodnebrog, modélisateur au Centre norvégien de recherche internationale sur le climat, qui a dirigé les travaux les auteurs de l’étude, la diminution des taux de pollution dans l’atmosphère aurait ainsi eu un effet réchauffant. Le phénomène expliquerait même le 40% des changements dans les bilans radiatifs observés entre 2001 et 2019. 

La baisse des taux de pollution n'est pas seule en cause

La baisse des taux pollution a joué un rôle mais d'autres facteurs ont également été déterminants dans les changements d'albédo: la fonte des neiges et des glaces par exemple ou encore le réchauffement qui a beaucoup contribué à la dissipation des nuages bas au-dessus des océans, pour laisser place à des surfaces de mer plus sombres. Les recherches devront donc se poursuivre pour saisir la portée du phénomène, expliquent les auteurs de l'étude.

Mais rien n'est gagné, explique Norman Loeb, chercheur principal au Langley Research Center de la NASA. Quatre des six instruments du programme CERES équipent des satellites Aqua et Terra qui n'ont plus que quelques années de vie.

Le cinquième est installé sur un satellite qui ne sera plus en service à la fin de la décennie. Il ne devrait rester à terme plus qu’un instrument sur le satellite météorologique NOAA-20, l’entrée en service d’un satellite de remplacement n’étant pas prévue avant 2028. La continuité des observations n’est pas garantie...

Philippe Jeanneret

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