Le bruit, mal moderne dont souffre un Suisse sur huit

Grand Format Ici la Suisse

Keystone

Introduction

Le décollage d'un avion, le bruit d'une voiture, la musique d'un bar ou le chahut des enfants dans une cour de récréation: en Suisse, le bruit excède souvent les valeurs limites légales et serait la cause de 450 décès prématurés par année. Selon l'Office fédéral de l'environnement (OFEV), plus d'un million de Suisses sont exposés à des nuisances sonores excessives. Ici la Suisse explore cette thématique.

Episode 1
Les zones 30 se multiplient pour réduire le bruit

RTS - Gaël Klein

Réduire la vitesse est un moyen de lutte contre le bruit du trafic routier à l'efficacité reconnue: passer de 50 à 30 km/h a pour effet de diminuer de moitié le volume sonore du trafic.

L'idée de multiplier les zones 30 fait son chemin dans plusieurs villes de Suisse. Genève a ainsi annoncé un projet de limitation à 30 km/h sur certains grands axes et prévoit d'inscrire tous ses quartiers d'habitation en zone 30 d'ici 2022.

A Neuchâtel, une motion des groupes popvertsol et vert’libéraux/PDC propose d'imposer une limitation générale de vitesse à 30 km/h au maximum sur les routes communales, ce qui serait une première en Suisse.

A Lausanne, la demande du 30 km/h pour les rues où les normes de bruit sont dépassées, voire pour un centre-ville à 30 km/h, est sur la table de la Municipalité.

L'avenue Vinet et l'avenue Beaulieu font actuellement l'objet d'un projet pilote mené par la Ville, le canton de Vaud et l'Office fédéral des routes.

Extension du 30km/h la nuit à Lausanne

Sur ces deux artères très passantes, les voitures sont tenues de ne pas dépasser 30 km/h entre 22h et 6h du matin. Le test se termine au printemps prochain et la Ville songe déjà à l'étendre à d'autres grands axes la nuit.

>> Rencontre avec la militante Anne-Françoise Decollogny, membre du PS lausannois et présidente du Collectif Vinet-Beaulieu, à l'origine de cette demande :

Anne -Francoise Decollogny présidente du collectif  Vinet - Beaulieu et membre du Parti socialiste lausannois à avenue Vinet. Sur cette avenue les voitures doivent Rouler à 30 km heure la nuit. [RTS - Céline Fontannaz]RTS - Céline Fontannaz
Ici la Suisse - Publié le 12 novembre 2018

La limitation à 30 km/h pour réduire le bruit ne fait toutefois pas l'unanimité. L'avis du TCS, par exemple, est nuancé.

Selon lui, les zones 30 ont du sens dans les quartiers mais pas sur les grands axes. Le TCS plaide plus généralement pour les revêtements phono-absorbants.

Les collectivités publiques ont l'obligation de réduire les décibels mais, aujourd'hui, de très nombreux cantons et communes sont dans l'illégalité.

Ils avaient jusqu'en mars dernier pour se mettre en conformité avec l'Ordonnance fédérale sur la protection contre le bruit. Désormais, la population peut déposer plainte pour non respect des normes.

"On est dans un système de stress global"

Pour Sophie Hoehn, cheffe de la section bruit routier à l'Office fédéral de l'environnement (OFEV), "la situation est devenue critique".

Le territoire suisse est petit et abrite une population de plus en plus mobile, ce qui a pour effet d'accentuer les problèmes de bruit, a-t-elle expliqué dans la Matinale de la Première.

La spécialiste a relevé par ailleurs que le mode de vie dans notre société, globalement plus stressant, peut abaisser le seuil de tolérance au bruit.

"On est entrés dans une société du 24h/24, 7 jour sur 7. (...) On est dans un système de stress global, et quand on est stressé n'importe quel bruit peut être dérangeant. (...) Il faut un moment où on puisse faire redescendre la machine", a-t-elle développé.

Sophie Hoehn. [RTS]RTS
La Matinale - Publié le 12 novembre 2018

Le trafic routier est la principale source de pollution sonore mais aussi la plus nuisible sur le plan sanitaire, parce qu'elle est ininterrompue. Le trafic aérien cause une gêne importante mais les interdictions de mouvements d'avions la nuit offrent du répit, a expliqué Sophie Hoehn.

Les nuisances sonores perturbent le sommeil et causent un stress pouvant être à l'origine de maladies cardio-vasculaires. Tous les ans, 450 personnes meurent prématurément à cause du bruit.

Episode 2
Les très bruyantes souffleuses de feuilles, un mal nécessaire?

KEYSTONE - Salvatore Di Nolfi)

Les souffleuses de feuilles tendent à remplacer de plus en plus le balais, non seulement dans les collectivités, mais aussi chez les particuliers.

On les entend beaucoup en ce moment alors que les arbres perdent leurs feuilles, mais ces engins peuvent aussi être utilisés le reste de l'année pour balayer les déchets.

A part à Genève, où l'usage de souffleuses thermiques (à moteur, les plus bruyantes) n'est autorisé qu'à l'automne.

Très bruyantes, les souffleuses crispent certains riverains qui vont parfois jusqu'à passer leurs nerfs sur les agents de la voirie. En Argovie, une initiative circule actuellement pour restreindre leur utilisation.

Et pourtant, la plupart des villes et les communes qui les ont adoptées vantent leurs mérites.

Renaud Rossier, chef de la voirie à Sion, est formel: même si "un petit pourcentage de feuilles repartent ailleurs", le recours à la souffleuse est beaucoup plus rapide et efficace que le balayage.

Le bruit des souffleuses de feuilles irrite de nombreuses personnes. [RTS - Sandra Zimmerli]RTS - Sandra Zimmerli
Ici la Suisse - Publié le 13 novembre 2018

Malgré les nuisances sonores qu'elles engendrent et leur coût plus élevé, Renaud Rossier estime donc que les souffleuses, "un mal nécessaire", ne sont pas près de disparaître.

Un changement du parc d'appareils est toutefois prévu, pour remplacer au centre-ville les souffleuses à moteur par leurs homologues électriques, plus écologiques mais à l'autonomie restreinte.

D'autres villes comme Lausanne, Neuchâtel et Fribourg, ont adopté la même ligne que la capitale valaisanne.

Episode 3
Des chercheurs planchent sur la réduction du bruit des avions

Keystone - Christian Merz

Comme c'est le cas à Genève, le trafic aérien aux abords de Kloten rend la vie difficile à certains Zurichois.

Au fil des développements de l'aéroport et des évolutions du différend avec le voisin allemand sur cette question, le bruit des avions touche les habitants de plusieurs communes au nord de la ville et aussi vers le sud, sur la Goldküste.

A Dübendorf (ZH), les chercheurs du Laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherche planchent sur les avions de demain.

Des acousticiens y fabriquent artificiellement des bruits, afin de comprendre comment ils se forment et se propagent, et quels sont leurs effets sur les gens.

Leur objectif, atténuer le bruit des avions du futur. Ils sont déjà en mesure de simuler des bruits d'avion qui seraient moins perturbateurs pour l'être humain.

Le chercheur Reto Pieren travaille sur le bruit des avions au laboratoire Empa de Dübendorf. [RTS - Séverine Ambrus]RTS - Séverine Ambrus
Ici la Suisse - Publié le 14 novembre 2018

L'industrie s'intéresse aux résultats de l'EMPA. Le laboratoire aimerait que ses techniques de simulation jouent un rôle plus important dans le processus de développement des nouveaux avions.

Si leurs travaux permettront peut-être un jour de réduire les nuisances sonores dont souffrent les riverains des aéroports, cela ne devrait pas se faire avant une trentaine d'années. Un progrès acquis en tout cas: les avions sont déjà moins bruyants aujourd'hui qu'il y a quelques décennies.

Episode 4
Vers un durcissement des règles sur le bruit dans les clubs?

RTS - Alexandre Chatton

Limiter les décibels dans les concerts, c'est la hantise des milieux musicaux. Certains se sentent insultés par la législation qui envisage la musique moins comme un domaine artistique que comme du bruit, comme un risque pour la santé.

Des niveaux maximum d'intensité sonore sont fixés pour protéger le public durant les concerts. La limite est à 93 décibels mais des dérogations existent jusqu'à 100 décibels.

Si tout le monde convient que les règles sont nécessaires, les patrons des clubs sont en colère car elles pourraient encore se durcir.

Les seuils ne bougeront pas, mais le Conseil fédéral propose de renforcer les précautions de sécurité qui les accompagnent et les exigences de mesure (ordonnance relative à la loi fédérale sur la protection contre le rayonnement non ionisant et au son, O-LRNIS).

Certaines salles se situant dans des niveaux intermédiaires craignent qu'il ne soit bientôt plus possible de faire les réglages du volume "à l'oreille".

Cela impliquerait pour elles davantage de démarches administratives et l'achat d'appareils de mesure dont l'utilité ne fait pas l'unanimité.

Un concert aux Docks à Lausanne (illustration). [Keystone - Jean-Christophe Bott]Keystone - Jean-Christophe Bott
Ici la Suisse - Publié le 15 novembre 2018

La Confédération pourrait toutefois revenir un peu en arrière. L'association Petzi, qui représente les clubs et salles de concert, a récemment salué la volonté de dialogue de l'administration.

La protection contre le bruit est, en Suisse, plus stricte qu'ailleurs. Avec le temps s'impose l'idée qu'améliorer la qualité du son permet de moins forcer sur le volume et d'éviter les problèmes d'audition.