Pour comprendre la spirale de tensions dans laquelle se trouvent actuellement les deux plus grandes puissances nucléaires, un zoom arrière s'impose, pour revenir jusqu'aux lendemains de la chute du bloc communiste en 1991. Les relations entre les Etats-Unis et l'ex-URSS connaissent à ce moment-là une période de relative normalisation, après de longues décennies de conflits plus ou moins ouverts.
Des tensions resurgissent à partir de 2002, avec la décision du déploiement par les Etats-Unis de George W. Bush d'un bouclier anti-missiles en Europe de l'Est. La mesure prise dans le cadre de la mission de l'Alliance atlantique (Otan) – créée en 1949 pour protéger ses membres contre la menace de l'URSS et du communisme, mais dont le mandat a depuis été réorienté – est vécue comme un acte offensif par la Russie de Vladimir Poutine, "jeune" président à la poigne de fer, et ex-officier du KGB.
L'Otan, qui n'a cessé de s'agrandir depuis les années 1950, jusqu'à intégrer en 2004 trois anciennes républiques soviétiques baltes, est désormais installée aux frontières de la Russie malgré les promesses faites à l'époque à Moscou – et au grand dam de cette dernière.
Bachar al-Assad et Vladimir Poutine, le 7 janvier 2020 à Damas. [Alexei Druzhinin - AP/Keystone]
Alors que la Russie a renoué avec un de ses modus operandi de la Guerre froide – en reprenant en 2007 les vols continus des bombardiers stratégiques russes – les relations entre les Etats-Unis et la Russie trouvent une nouvelle pierre d'achoppement dans leur participation respective dès 2013 dans le conflit syrien. Les Etats-Unis, à la tête d'une coalition et en soutien des milices kurdes, mènent des frappes aériennes contre les djihadistes du groupe Etat islamique en Syrie, tout en s'opposant au régime syrien. La Russie de son côté a toujours maintenu son soutien à Bachar al-Assad – issu du parti Baas aux origines socialistes – par des bombardements stratégiques et plus tard par le déploiement de troupes russes sur le terrain.
>> Lire: Les relations USA-Russie se détériorent, fragilisant la trêve en Syrie
La crise ukrainienne – qui s'enflamme en 2013 autour d'une série d'accords signés par le président Yanoukovitch avec la Russie plutôt qu'avec l'Union européenne – suivie de la guerre du Donbass – après l'annexion par Moscou de la Crimée, territoire disputé dans l'est de l'Ukraine – entraînent des trains de sanctions et de boycott de la part de l'Union européenne et des Etats-Unis à l'encontre de la Russie. Des mesures de rétorsion qui détériorent les liens entre cette dernière et le bloc occidental, et notamment les Etats-Unis, et jettent un froid durable dans la relation entre les deux puissances.
Des milliers de manifestants massés sur la place Maidan à Kiev, où des affrontements ont lieu avec l'armée. [Sergei Grits - AP/Keystone]
Dans ce contexte, la poursuite du déploiement du système de défense anti-missiles de l'Otan dans les pays de l'Est – en Roumanie en 2016 et actuellement en Pologne – est perçue par Moscou comme un nouvel acte de défiance. Cette dernière accuse l'Occident de créer un déséquilibre stratégique, en s'installant systématiquement à ses frontières, sous couvert officiel de se défendre contre l'Iran et plus généralement contre les menaces émergentes en provenance du Moyen-Orient.
Malgré l'élaboration de plusieurs traités sur la réduction des armes nucléaires, les relations entre Etats-Unis et Russie sont désormais caractérisées par un climat de défiance et d'inquiétudes concernant leurs politiques militaires réciproques, à tel point que l'expression "nouvelle Guerre froide" est utilisée en 2016 par le Premier ministre russe Dmitri Medvedev, sous la présidence américaine de Barack Obama.
Une manifestante américaine avec une pancarte mettant en cause la relation entre Donald Trump et Vladimir Poutine. [Andrew Harnik - AP/Keystone]
Son successeur Donald Trump se démarque du président démocrate par une relation ambivalente à l'égard de Vladimir Poutine: sa fascination pour le chef d'Etat russe lui a été reprochée tout au long de son mandat, et les attaques répétées du président américain contre l'Otan, jugée "obsolète" et trop coûteuse pour les finances américaines, ont régulièrement affaibli l'institution.
Dans l'affaire des ingérences dans l'élection présidentielle de 2016, que le Kremlin est accusé d'avoir orchestrées, Donald Trump n'a eu de cesse d'évoquer une "théorie du complot", instaurant selon ses détracteurs une connivence avec Moscou, en porte-à-faux avec les intérêts américains qu'il est censé défendre.
Dans les faits, les relations entre Etats-Unis et Russie ne sont toutefois pas le reflet exact des sympathies personnelles du président républicain. Sous le mandat Trump, en août 2019, les Etats-Unis claquent la porte du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaires. Cet accord historique, signé en 1987 entre Mikhaïl Gorbatchev et Ronald Reagan, était le symbole du désarmement et de la désescalade entre les deux nations.
Ronald Reagan (droite) et Mikhaïl Gorbachev (gauche) signent le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire, le 8 décembre 1987 à la Maison Blanche. [DR]
Donald Trump a également prononcé le retrait des Etats-Unis du traité "Open Skies" (Ciel ouvert), qui donne le droit d'effectuer des vols d'observation des activités militaires des Etats membres. Il avait accusé Moscou de le violer. En retour, la Russie s'était à son tour retirée du traité.