Le New Deal, lancé dans les années 30 par Franklin Roosevelt, reste aujourd’hui encore une référence en matière de plan de relance. À son ascension au pouvoir en 1933, le président américain doit faire face à une économie dévastée par le krach boursier de 1929. Le pays traverse la "Grande Dépression", lors de laquelle une personne sur quatre est au chômage.
Roosevelt lance alors ce programme de prêts et de dépenses, à une échelle jamais vue auparavant, qui finance des créations d'emplois massives, notamment dans les travaux publics, les infrastructures, les arts et la culture.
"Roosevelt est un grand réformateur social, explique Nicole Bacharan, historienne spécialiste des Etats-Unis. Il crée l’Etat providence et lui donne un rôle tout à fait nouveau, à savoir celui d’investir de l’argent public dans des travaux. L’Etat devient un grand employeur et crée des programmes sociaux pour la santé, le chômage, la vieillesse."
Le New Deal est à l'origine du système de retraite aux Etats-Unis et a permis de créer le gendarme boursier américain, la SEC (Securities and Exchange Commission). Malgré les milliards de dollars injectés, le marasme économique ne prendra fin qu'avec la mobilisation massive des industries du pays pendant la Seconde Guerre mondiale.
Pragmatisme et audace
Dès le lendemain de son investiture, le président prend une mesure forte pour relancer le système bancaire, alors en déroute. "C’est ce qui s’appelle "les vacances bancaires" : presque tout le secteur est fermé pendant une ou deux semaines, pour faire le nettoyage", raconte Cédric Tille, professeur d’économie au Graduate Institute de Genève. "Une fois le système bancaire nettoyé, le pays peut repartir de l’avant. Cela constitue la première grosse action pour permettre à l’argent de circuler à nouveau, qui a été également un facteur pour rétablir la confiance."
Durant les 100 premiers jours de son mandat, Franklin Roosevelt a fait adopter une quinzaine de lois majeures, dépensé d’importantes sommes et établi des mesures d’urgence. "Roosevelt, qui incarne le dynamisme, a redonné de l'espoir à un pays qui allait très mal, explique Nicole Bacharan. Il a envoyé un nombre colossal de lois et de propositions au Congrès. Certaines sont passées, d'autres pas. Il a essayé des programmes, a gardé ceux qui fonctionnaient et abandonné les autres. C’est un grand pragmatique ; il prend la crise à bras-le-corps et décide de faire tout ce qu'il faut."
Une démarche empirique et audacieuse, ajoute Cédric Tille. "Franklin Rossevelt propose d’oser, d’essayer de nouveaux outils, même s’il y a le risque qu’ils ne soient pas les bons. Il ne reste pas les bras croisés. Cette attitude d'audace a été très utile."
Soutien financier à la culture
Au-delà de l’économie et des infrastructures, le New Deal était une vision globale de la société. Pour la première fois, le gouvernement subventionne l’art et la culture, en partant du principe que les artistes sont des travailleurs comme les autres. "S'intéresser aux artistes et les embaucher sur des crédits d'État n’est pas une idée qui vient naturellement", explique Jean Kempf, professeur de civilisation américaine à l’Université Lyon 2.
"D’abord, Roosevelt pense au fait que la culture est un employeur important dont les travailleurs peuvent aussi accomplir d'autres tâches et avoir une utilité sociale directe. Ensuite, il pense au fait que la culture va participer à la cohésion nationale et au soutien du moral du peuple."
Mais cet activisme de l’Etat rencontre des résistances de la part des milieux économiques. Les agences fédérales nouvellement créées, et dont la plupart existe encore aujourd’hui, font l’objet de vives critiques de la part du parti républicain. Mais au sein de la population américaine, le "New Deal" est apprécié, comme en témoigne la réélection massive de Roosevelt en 1936, avec 523 voix au collège électoral contre 8 seulement à son adversaire républicain.
Enseignements de l'Histoire
Aujourd’hui, le New Deal a laissé plusieurs enseignements, dont l'idée que l'Etat a une responsabilité et doit agir rapidement face à une crise, mais également qu'il doit avoir une vision à long terme sur la manière de gérer les investissements, estime l’historienne Nicole Bacharan. "Le pragmatisme et une vision durable sont les meilleurs enseignements qui puissent être tirés du New Deal."
Pour le professeur d’économie Cédric Tille, la leçon à tirer de cette histoire est "le rôle actif de l’Etat pour lancer une tendance. Actuellement la grosse tendance est l’investissement vert, l’innovation en efficience énergétique, qui est le gros défi de la planète". Et le climat, estime l’économiste, est un défi plus important que la dette publique pour les générations futures.
>> Ecouter l'épisode sur le New Deal de Roosevelt de la série "Plans de relance" dans l'émission Tout un monde: