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"Le seul moyen d'arrêter le phosphore blanc, c'est de couper les tissus à vif"

Un soldat ukrainien blessé est traité à Adviivka, dans l'est de l'Ukraine. [Anadolu/AFP - Ozge Elif Kizil]
L’utilisation russe d’armes chimiques en Ukraine / La Matinale / 4 min. / le 16 avril 2024
En Ukraine, les indices attestant de l'utilisation par l'armée russe d'armes chimiques sur le front commencent à se multiplier. La RTS a pu recueillir plusieurs témoignages allant dans ce sens, dont celui d'un médecin et d'un soldat français se battant pour l'Ukraine.

Quelques mois après le début de l'invasion russe déjà, le chef d'un service de traumatologie affirmait à la RTS avoir reçu un certain nombre de patients présentant des lésions des voies respiratoires. A la question de savoir s'il avait connaissance de l'utilisation d'armes chimiques par la Russie, sa réponse est sans équivoque: "Oui!".

"Les surfaces brûlées ne sont pas caractéristiques des blessures normales dues aux éclats d'obus. Il est clair qu'une sorte d'arme chimique a été pulvérisée... Dieu sait quoi? Un jour, une douzaine de patients sont venus en même temps avec ces mêmes symptômes", explique ce médecin qui soigne quotidiennement des militaires ukrainiens blessés par les mines, les drones et l'artillerie.

Depuis, l'hôpital a reçu d'autres cas similaires, avec toujours la même question: de quel gaz s'agit-il? Le mystère reste entier, malgré les analyses.

Phosphore et gaz incapacitants

Sur le terrain, la RTS a aussi pu recueillir de nombreux témoignages de soldats victimes de ces gaz, donc celui d'un combattant français volontaire, venu se battre il y a deux ans aux côtés des Ukrainiens. Il raconte que la première fois qu'il a été soumis à des gaz russes, sur le front sud de pays, il s'agissait de phosphore blanc.

"L'obus va arriver et péter en l'air. On va entendre un bruit spécifique. C'est hyper dangereux, car ça réagit à l'eau. Si ça touche la peau, ça va consommer l'eau des tissus et le seul moyen de l'arrêter, c'est de couper à vif ou de pouvoir mettre la main dans de la terre hyper sèche. Ça fait un mal de chien", détaille-t-il.

On sait très bien que les Russes ont utilisé la Syrie comme laboratoire pour leurs gaz chimiques

Un soldat français en Ukraine

Ce soldat dit aussi avoir été confronté à d'autres substances chimiques aux propriétés incapacitantes. "En milieu de nuit, nous nous sommes pris une méga pétée (sic) par des Russes qui sont venus furtivement. On s'est fait gazer et on s'est dit que c'était fini. On était tous en détresse respiratoire", précise le Français.

Quel était ce gaz? "On a essayé de le savoir. Les médecins n'ont jamais su ce qui nous était arrivé. Une guerre propre, désolé, ça n'existe pas. On sait très bien que les Russes ont utilisé la Syrie comme laboratoire pour leurs gaz chimiques", assène le combattant, affirmant ne pas savoir si l'Ukraine usait aussi de tels produits. Pas à sa connaissance, assure-t-il.

Des substances interdites par le droit

Dans une enquête de The Telegraph, parue début avril, des soldats ukrainiens déployés en première ligne ont expliqué comment leurs positions subissaient des attaques presque quotidiennes de petits drones larguant principalement du gaz lacrymogène, mais aussi d'autres produits chimiques. Depuis le début de l'offensive russe, l'Ukraine affirme avoir recensé plus de 600 attaques au gaz.

Selon le quotidien britannique, des rapports ukrainiens - qui n'ont pas pu être vérifiés de manière indépendante par The Telegraph - font état de gaz "inconnus", mais aussi de l'utilisation de chlore et de chloropicrine, une substance utilisée comme un pesticide et employée par les Allemands comme arme chimique lors de la Première Guerre mondiale.

Ces armes chimiques sont strictement interdites par le droit de la guerre. "Le CICR ne peut que le répéter: ces armes ne doivent en aucun cas être utilisées sur les champs de bataille", explique Achille Després, porte-parole de l'organisation internationale.

S'il ne peut confirmer les allégations ukrainiennes, il confie que lorsque de telles enquêtes - qu'elles soient journalistiques, d'ONG ou d'organisations internationales - sur de potentielles violations du droit international sont révélées, le CICR utilise ces informations dans le cadre du dialogue "confidentiel et bilatéral" avec les belligérants.

Faute d'autorisation de la part de Moscou, la RTS n'a pas pu enquêter en Russie et dans les territoires occupés sur les comportements de l'armée ukrainienne, la Russie empêchant en grande partie de couvrir la guerre.

Maurine Mercier

Adaptation web: Jérémie Favre

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