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"Le repos" de la danseuse Clara Delorme explore les couleurs de nos émotions

"Le repos" de Clara Delorme. [Sévelin 36 - Anouk Maupu]
Le Repos de Clara Delorme / Vertigo / 3 min. / le 14 mars 2024
Présentée encore ce 15 mars à Sévelin 36 à Lausanne dans le cadre du Festival Programme commun, la dernière création de la chorégraphe et danseuse Clara Delorme, "Le repos", explore nos émotions, du deuil à la résilience, de la tristesse à la joie. Magistral et coloré.

Quelle entrée en matière! Nous voici plongés dans le bleu et dans le blues le plus complet. Cette couleur est reine sur le plateau de Sévelin 36 à Lausanne. Jusqu’aux tenues des quatre danseuses, sortes d’ensembles entre l’uniforme d’hôtesse soviétique et le bleu (forcément) de travail. Et puis il y a les larmes.

Dans "Le repos", dernière création explorant les états d’âme, la chorégraphe et danseuse Clara Delorme commence par nous inviter à pleurer. Debout devant nous, au plus près du premier rang, les interprètes ouvrent grand les vannes lacrymales. Il y a des pleureuses, des suppliantes et des madones andalouses dans ces visages striés de larmes. "The Day The World Turned Blue", chantait Gene Vincent à son crépuscule.

Beaucoup de chant

Et après? De la colère, de la rage et des cris comme exutoire avant que ce quatuor au diapason retrouve un bel état de sérénité par le chant. Car on chante dans "Le repos", beaucoup même. On y danse aussi dans une seconde partie de spectacle. Et là, le bleu se déchire enfin, comme un ciel entre chien et loup, pour accueillir la couleur orange et un nouvel état émotionnel. Imaginez une journée difficile avec sa mosaïque de tristesse, de résilience et de joie et vous avez saisi l’essence du "Repos".

Il y a deux ans, en découvrant les premiers spectacles de Clara Delorme au Temple allemand de La Chaux-de-Fonds, on parlait de "merveilleuse apparition". Le merveilleux est toujours là dans le sens d’une créativité inattendue et hors normes. Cela peut notamment provenir du fait que la chorégraphe n’aborde pas la création comme le commun des artistes (si tant est que l’on puisse parler de "commun"). Douée de synesthésie, elle associe les couleurs aux sons et aux émotions, avoue un goût pour les monochromes et débute ses réflexions non pas par un mouvement, mais par des visions sonores et colorées.

Blanc, vert et maintenant bleu

Dans son premier spectacle, "L’albâtre", tout était blanc, tout était nu. Dans sa seconde création intitulée malicieusement "Malgrés", tout était vert grenouille. Et le "s" incongru se rapportait aux trop nombreuses lettres de refus que l’artiste avait naguère reçues, la plupart débutant par cette frustrante préposition.

Dans ce nouveau spectacle, "Le repos", ce sont donc le bleu et l’orange qui dialoguent et ouvrent de magnifique façon le Festival Programme commun, cette alliance foisonnante entre les scènes de Vidy-Lausanne, Arsenic et Sévelin 36 pour mettre en avant la création artistique romande.

Une histoire de deuil et de résilience

Sur scène, Claire Dessimoz, Karine Dahouindji, Emma Saba et Clara Delorme (parfois remplacée par Jessica Allemann) nous chantent et nous dansent une histoire de deuil et de résilience, d’émotions aussi changeantes que les vents au large de Vannes.

On entend aussi de la cornemuse dans "Le repos", un instrument que le compositeur Christian Garcia Gaucher prend un malin plaisir à transformer en mystère sonore. La cornemuse serait donc orange, présente après l’orage émotionnel, symbole d’un lien de Clara Delorme avec ses origines.

Thierry Sartoretti/mh

"Le repos" de Clara Delorme, Sévelin 36, Lausanne, jusqu’au 15 mars 2024; Le Grütli, Genève, du 6 au 9 novembre 2024.

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