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Dans "Malgrés", Clara Delorme danse avec les "s"

Le spectacle de Clara Delorme et Christian Garcia-Gaucher, "Malgrés". [Théâtre de Sévelin - © Cynthia Mai Ammann]
Clara Delorme, danseuse "Malgrés" / Vertigo / 7 min. / le 5 septembre 2022
Au Théâtre de Saint-Gervais ce jeudi et ce vendredi soir, dans le cadre du Festival de la Bâtie de Genève, la danseuse romande Clara Delorme rend un hommage délicieusement décalé aux petits ratages de l’existence. Un régal.

Gazon maudit! Au théâtre le vert est généralement proscrit de scène. Il porterait malheur, dit la légende. Clara Delorme n’est pas superstitieuse: son plateau est recouvert d’un gazon de chlorophylle artificielle. Effet vert pétant garanti. La voici assise sur l’herbe, ses yeux roulent dans toutes les directions de la rose des vents. On songe au caméléon capable de repérer sa mouche avec un champ de vision XXL. Sauf qu’en fait, Clara Delorme ne voit pas grand-chose. Ou plutôt perçoit de son propre spectacle un flou délicieusement artistique.

Dans "Malgrés", sa création présentée sur la scène du Théâtre de Saint-Gervais, elle ne porte ni lentilles ni lunettes alors qu’elle est astigmate. Pour nous, public, cela ne fait pas de différence. Pour elle, danseuse, le monde devient nettement plus mystérieux et aléatoire quant aux notions de profondeur de champs, de volume et de dimensions.

Hommage à ses propres failles et aux petits ratages de l’existence

Vous avez repéré ce "s" dans le titre "Malgrés"? Ce n’est pas une coquille, mais une coquetterie: un clin d’œil à sa dyslexie et aux (trop) nombreuses lettres de refus reçues dans le passé. Lesquelles commençaient souvent par la formule: "Malgré la qualité de votre dossier, nous sommes au regret blablabli blablabla… ". Car "Malgrés", outre un hommage à ses propres failles, se veut aussi un spectacle sur les petits ratages de l’existence. Cela va de la chute à la perte d’un objet en passant par: "mettre le feu à un papier très important et dire 'oups' ou craquer son pantalon".

Avec Clara Delorme, sur le plateau de "Malgrés", se trouve aussi un musicien malicieux, Christian Garcia Gaucher, lequel n’a rien de gauche lorsqu’il renverse tout son set de percussions métalliques. Tout l’art d’orchestrer les ratages.

Un art du décalage et un sourire

Clara Delorme, c’est une merveilleuse apparition dans le monde romand de la danse contemporaine. A peine découverte dans les salles de répétition lausannoises de Sévelin 36, la voici sur les scènes du monde avec des spectacles malicieux et remarqués par leur franchise. Autant "Malgrés" est vert, autant son "Albâtre" est d’une blancheur clinique. Dans cet autre spectacle, Clara Delorme porte des lunettes (et rien d’autre), mais elle ne voit pas mieux pour autant, faute d’avoir… les bonnes lunettes. Elle appellerait ça "twister" la réalité et c’est une autre histoire.

Les spectacles de Clara Delorme distillent leur petite musique bien personnelle et singulière. Il y a chez elle une part noble de clown. Un art du décalage et un sourire. C’est vrai que dans "Malgrés", elle porte aussi des oreilles postiches. Certainement pour mieux nous entendre, mon enfant…

Thierry Sartoretti/olhor

"Malgrés" au Festival de la Bâtie de Genève, Théâtre de Saint-Gervais, je 8 septembre à 21h et ve 9 septembre à 19h.

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