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L'illustre pianiste de jazz Thelonious Monk aurait eu 100 ans

Thelonious Monk, Minton's Playhouse, New York,1947 [wikipedia - William P. Gottlieb]
Thelonious Monk, centenaire de sa naissance / Versus-écouter / 32 min. / le 10 octobre 2017
Monstre sacré, partenaire de Coltrane et de Coleman Hawkins, l'Américain Thelonious Monk est né le 10 octobre 1917. Retour sur la carrière d'un artiste au passé douloureux qui a profondément marqué le jazz.

Unique au monde, le jeu de piano de Monk pourrait se comparer à un chat qui attrape les notes avec une liberté infinie, allié à un grand sens du silence. Comme la plupart des musiciens noirs de l'époque, le système ne l'a pas épargné. Très amoché, comme en témoigne sa condition mentale due à l'enfermement, il a toutefois réussi à s'en sortir, non sans tomber dans la drogue. Il souffre toute sa vie de ce handicap et de son lourd passé, tout comme son ami Bud Powell, au parcours cependant différent.

Un succès immédiat

Dès ses premiers enregistrements, sa musique se distingue avec des morceaux tels que "Flyin' Hawk" dont l'introduction étonnante évoque Teddy Wilson et le lyrisme classique tout en présentant quelques angularités.

Dès ses débuts, on ressent sa volonté de créer sa propre musique. En 1944, alors qu'il joue dans le Quartet de Coleman Hawkins, son mentor, il cartonne avec "'Round Midnight". Très rapidement, il va devenir un de ces musiciens qui ne joue que ses compositions.

Le message de Thelonious Monk c'est que chaque note est extraordinairement claire, et tout ceci swinguait de manière parfaite.

Randy Weston, musicien et compositeur de jazz

Le "piano stride" vient du ragtime tout en empruntant au blues. La main gauche fait des sauts d'une octave à l'autre, alors que la main droite effectue des enjolivures. Cette technique permet de garder le rythme, tout en restant maître du tempo. Les grands pianistes de l'époque tels que Meade Lux Lewis et James P. Johnson recourent tous à cette technique. Monk va généreusement s'en inspirer.

Un style personnel et unique

Le virtuose s'interdit la redite et se laisse parfois lui-même surprendre par les notes qui défilent sous ses doigts. Il met un point d'honneur à toujours rester foncièrement original. C'est peut-être pour cette raison qu'il impose toujours à ses musiciens de jouer ses compositions.

Il jouera ainsi avec les meilleurs musiciens du monde tels que Charles Mingus ou Percy Heath. Petit à petit il va fidéliser le saxophoniste Charlie Rouse qui l'accompagnera pendant plus de quinze ans. De même, Coltrane et Johnny Griffin marqueront sa carrière avec le titre "Rhythm-A-Ning".

Il réussit ce tour de force auquel peu de pianistes peuvent prétendre. Quand il joue, il est une section rythmique à lui tout seul.

Laurent de Wilde, pianiste de jazz amoureux et spécialiste de Thelonious Monk

Un personnage atypique

C'est aussi l'enthousiasme qui pousse Thelonious Monk à se lever en plein concert, pour se mettre à danser. Les musiciens, tout d'abord désemparés, s'habituent peu à peu à continuer à jouer pendant dix ou quinze minutes sans lui. Il lui est même arrivé de partir boire un café et d'oublier qu'il était en pleine représentation.

Il reste aujourd'hui très peu d'interviews intéressantes de l'artiste. En effet, les rares entrevues réalisées furent en général faites par des journalistes qui souhaitaient se mettre en avant en déballant de grandes phrases à rallonges. Monk ne répond alors que par "oui" ou par "certainement".

Homme à la posture murée, très certainement en raison de son passé douloureux, il possédait cependant un très grand sens de l'humour dans le cercle privé.

Yvan Ischer/mg

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