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La première bande-son du film "Les Liaisons Dangereuses" redécouverte

Le pianiste et compositeur de jazz Thelonious Monk donne un concert à Paris, Salle Pleyel, en décembre 1969. [AFP - Eleonore Bakhtadze]
"Les Liaisons Dangereuses" par Thelonious Monk / JazzZ / 22 min. / le 3 juin 2017
Les bandes originales des enregistrements du pianiste Thelonious Monk pour le film de 1960 "Les Liaisons Dangereuses" de Roger Vadim ont miraculeusement réapparu. Un coffret de deux CDs permet de découvrir ce véritable trésor.

Si une bonne partie de cette musique s'entend bien dans le film de Vadim, elle n'est bien sûr "discernable" que sous les chassé-croisés des dialogues que servent en tête de distribution Jeanne Moreau et Gérard Philippe. Mais jamais elle n'avait eu l'honneur d'une édition "per se". On entre donc dans la légende, ceci d'autant que Thelonious Monk avait eu bien de la peine à se décider à enregistrer cette musique gravée en quartette plus un au Studio Nola de New York en juillet 1959.

"Les liaisons dangereuses" de Roger Vadim. [AFP - Les Films Marceau Cocinor]
"Les liaisons dangereuses" de Roger Vadim. [AFP - Les Films Marceau Cocinor]

Convertir Roger Vadim à la musique de Monk

A la fin des années 1950, Marcel Romano, producteur passionné de jazz, sent que l'heure est venue pour "sa" musique de franchir un important palier de reconnaissance. Il vient de faire engager Miles Davis pour la musique du film "Ascenseur pour l'Echafaud", de Louis Malle, qui remporte un succès considérable. Et il se dit que comme Vadim, pour "Sait-on jamais", en 1957, a déjà utilisé des compositions du Modern Jazz Quartet, le convertir à Monk devrait être un jeu d'enfant… passionné.

Un contrat qui ne vient pas

Vadim croche immédiatement aux ambiances onirico-angulaires du pianiste et charge Romano, qui avait rencontré Monk en 1954 lors de sa première venue en France, d'organiser une séance d'enregistrement à Paris. Hélas, la tournée européenne prévue est annulée et Monk rencontre passablement de problèmes personnels et de déboires suite à des projets ambitieux qui ne se déroulent pas aussi bien qu'espéré. Dans l'attente d'un contrat que Monk ne signe toujours pas, au grand dam de son impresario qui avait promis au Français que tout allait bien se dérouler, Romano finit par débarquer à New York à l'été 1959 avec son tout jeune poulain saxophoniste Barney Wilen.

Ne pas s'encombrer de minutages

Après des jours de discussion, d'attente, de rendez-vous manqués et de matches de ping-pong chez la Baronesse Pannonica de Königswarter, le pianiste signe enfin - dans sa voiture! - le contrat pour la musique de film qu'il a promis d'écrire. Et le 27 juillet, Monk retrouve ses musiciens Charlie Rouse, Sam Jones et Art Taylor, auxquels va s'ajouter le Niçois Barney Wilen. Seulement voilà, Monk n'a rien écrit! Parce qu'après avoir visionné le film en catastrophe, il pense que son répertoire habituel ira très bien. Il imagine donc tel ou tel thème en fonction des scènes qu'il a vues, sans se soucier une seconde des minutages requis par le metteur en scène.

Il fait travailler inlassablement ses musiciens jusqu'à ce qu'ils possèdent chaque carrefour de phrase comme lui le souhaite. Le travail de découpage, d'editing et de montage sera donc de longue haleine pour Marcel Romano au retour à Paris, mais il sera facilité par un fait incontestable: la musique est d'une qualité superlative et Monk est dans une forme musicale exceptionnelle. Attention: chef-d'oeuvre!

Yvan Ischer/mh

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