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Le présentateur et écrivain Bernard Pivot est mort à 89 ans

Le présentateur et écrivain Bernard Pivot, connu pour son émission "Apostrophes", est mort lundi à Neuilly-sur-Seine à l'âge de 89 ans
Le présentateur et écrivain Bernard Pivot, connu pour son émission "Apostrophes", est mort lundi à Neuilly-sur-Seine à l'âge de 89 ans / 19h30 / 2 min. / le 6 mai 2024
Le présentateur et écrivain Bernard Pivot, qui a fait lire des millions de francophones grâce à son émission "Apostrophes", est mort lundi à Neuilly-sur-Seine à l'âge de 89 ans, a annoncé sa fille Cécile Pivot.

Un livre à la main, sa paire de lunettes dans l'autre, Bernard Pivot était un lecteur aussi scrupuleux qu'il était brillant comme intervieweur. Au fil des ans, il s'était imposé comme une figure populaire bien au-delà du petit milieu parisien des lettres.

En 2016, il avait eu ce bon mot sur Twitter: "L'habitude des radios de m'appeler à la mort d'un écrivain est si grande que, le jour où je mourrai, elles m'appelleront."

"Apostrophes", un rendez-vous incontournable

Diffusée à partir de 1975 le vendredi soir, son émission littéraire "Apostrophes" était regardée par plusieurs millions de téléspectateurs. Grands connaisseurs de la littérature ou modestes amateurs de livres, ils y appréciaient les traits d'esprit, les pensées frappantes de concision, les tirades lyriques ou les engueulades que Bernard Pivot savait susciter chez les auteurs invités.

Bernard Pivot durant l'émission "Apostrophes" le 23 octobre 1987, sur Antenne 2. [AFP - GEORGES BENDRIHEM]
Bernard Pivot durant l'émission "Apostrophes" le 23 octobre 1987, sur Antenne 2. [AFP - GEORGES BENDRIHEM]

L'animateur n'avait pas son pareil pour décontracter l'ambiance sur son plateau. Et, dans les conditions du direct, pour tirer le débat vers le haut. Des géants du XXe siècle se sont assis face à lui pour évoquer le titre qu'ils venaient de publier, tels l'écrivaine Marguerite Duras, le boxeur Mohamed Ali ou le dissident soviétique Alexandre Soljenitsyne.

Le journal Le Monde qualifie l'émission de "rendez-vous incontournable des auteurs et du monde de l'édition". Pour le magazine Télérama, elle "bouleversa durablement la vie littéraire", "un phénomène sociologique et un objet culturel unique en son genre".

Quand "Apostrophe s'est arrêtée en 1990, la perte a semblé irréparable à ce milieu. Affable, d'humeur égale, Bernard Pivot y était unanimement apprécié.

Les archives de l'émission laissent cependant aussi voir une époque aujourd'hui révolue. Ainsi quand a surgi en janvier 2020 l'affaire Gabriel Matzneff, auteur qui a bénéficié d'une grande complaisance alors qu'il avait des relations sexuelles avec des mineures, on a beaucoup revu une émission de mars 1990 dont l'écrivain était invité. Avec 30 ans de recul, la séquence choque. "Aujourd'hui, la morale passe avant la littérature. Moralement, c'est un progrès", se défendra Bernard Pivot.

>> L'interview dans Forum de François Jost, professeur en sciences de l’information et de la communication :

Le présentateur et écrivain Bernard Pivot est mort à 89 ans: hommage de François Jost
Le présentateur et écrivain Bernard Pivot est mort à 89 ans: hommage de François Jost / Forum / 4 min. / le 6 mai 2024

Président de l'Académie Goncourt

Après l'arrêt d'"Apostrophes", Bernard Pivot avait créé "Bouillon de culture", toujours sur le service public, à l'horizon plus large que les livres.

Lui qui avouait sans peine ses limites comme écrivain, exerça ensuite son influence à l'Académie Goncourt. Entré en 2004, président en 2014, il s'en était retiré fin 2019.

Les autres académiciens lui savent gré d'une indépendance sans aucun compromis face aux grands éditeurs français. Sous sa présidence, les éditions du prix Goncourt en 2006 ("Les Bienveillantes" de Jonathan Littell) et 2010 ("La Carte et le Territoire" de Michel Houellebecq) restent dans les annales.

>> A écouter, une interview de Bernard Pivot à propos de son livre "Oui, mais quelle est la question?" :

Portrait de l'écrivain et journaliste Bernard Pivot. [Alain Jocard]Alain Jocard
Poser des questions, un métier ou un vice? / Les hommes et les femmes mode d'emploi / 56 min. / le 3 novembre 2012

Bernard Pivot a publié de nombreux textes et signé trois romans: "L'Amour en vogue" (1959), "Oui, mais quelle est la question?" (2012) et "...mais la vie continue" (2021). En amateur éclairé de vins, on lui doit également un "Dictionnaire amoureux du vin" (2006).

A partir de 1985, il avait également organisé les Dicos d'or, un championnat d'orthographe vite devenu international.

afp/lan/aq

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Hommages

Emmanuel Macron a rendu hommage lundi à Bernard Pivot, estimant qu'il "restera ce passeur, populaire et exigeant, cher au coeur des Français". "Apprendre à écrire avec ses Dictées, à découvrir livres et auteurs avec Apostrophes, à vivre avec l'esprit français, de conversation, de curiosité, de gourmandise", a par ailleurs écrit le président de la République dans un message posté sur X (ex-Twitter).

De son côté, la ministre de la Culture Rachida Dati a salué sur le même réseau social "un très grand ambassadeur du livre, un militant de la lecture pour tous".

"Il était gai, il était drôle. Il était sympathique, profondément sympathique", a déclaré sur BFMTV une grande figure de la télévision des années 80, Anne Sinclair.

"La littérature subit une perte immense. Il est, à mes yeux, un de ces médiateurs pour qui je dirais qu'en Europe aussi un vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brûle", a écrit l'écrivain franco-congolais Alain Mabanckou sur X.

"Il aimait les livres avec gourmandise, comme la nourriture, sinon que son appétit littéraire n'était jamais rassasié", a affirmé Jacques Attali, écrivain et ancien conseiller du président François Mitterrand.

"Nous perdons un grand homme de culture et de TV", a estimé la directrice générale de France Télévisions Delphine Ernotte Cunci.