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"Celle qui demeure" de Sven Bodenmüller, roman entre fiction et mémoire collective

Rendez-vous Culture : Cecilia Mendoza reçoit l'écrivain genevois Sven Bodenmüller.
Rendez-vous Culture : Cecilia Mendoza reçoit l'écrivain genevois Sven Bodenmüller. / 12h45 / 7 min. / le 14 mai 2024
"Celle qui demeure", le deuxième roman de l'écrivain genevois Sven Bodenmüller, est le fruit d'un travail d'écriture collectif avec les souvenirs d'anciens membres d'une communauté fondée dans les années 1970 en France. Cinq ans de travail pour un résultat captivant.

"Celle qui demeure", malgré le temps qui passe, malgré les générations qui se succèdent, c'est la maison de Greny, en France voisine, construite en 1814.

L'histoire commence dans les années 1970. Les parents Höffer et Puidoux fréquentent la même paroisse mennonite, un milieu protestant très conservateur, mais se détestent. Leurs enfants devenus jeunes adultes veulent s'émanciper de cette querelle comme du joug conservateur de leur milieu familial. Ils décident de vivre ensemble et de tout partager. Parmi les fondateurs, Jean Höffer et Annette Puidoux tombent amoureux…

Une véritable histoire

L'histoire que relate Sven Bodenmüller dans son roman est inspirée de celle d'Eric et Jeanine, les véritables propriétaires de la maison de Greny. A l'époque, dans la suite de mai 68, ils s'installent avec un groupe d'amis pour créer une communauté dans cette maison - achetée par les parents de Jeanine -, dans le but de refaire le monde et sortir de l'individualisme qu'ils combattent et critiquent.

La communauté vivra un temps, puis se dissoudra au moment de fonder des familles. La génération suivante prendra aussi possession des lieux un temps, dans le même esprit de partage et d'émancipation. Parfois en prolongeant leurs combats, parfois en s'y opposant farouchement.

Un pacte d'écriture

Huit personnes se sont retrouvées périodiquement pendant cinq ans pour accoucher du roman "Celle qui demeure", à mi-chemin entre les souvenirs des anciens membres de la communauté et une fiction. "Au départ, on ne savait pas dans quelle direction on irait. Les premières réunions étaient plutôt informelles et prenaient la forme de résidences d'écritures. Certaines personnes écrivaient des récits intimes, de fiction en lien avec les époques vécues", explique Sven Bodenmüller dans le 12h45 du 14 mai.

Au bout d'un an et autant de matière textuelle amassée, la décision est prise que le récit prendra la forme d'une fiction et un "pacte d'écriture" est signé entre les participants au projet et l'auteur. "Le pacte mentionnait que je serais le seul auteur du texte et que je serais libre d'inventer à ma guise sans droit de veto", souligne Sven Bodenmüller.

Une histoire du temps

"Celle qui demeure" oscille ainsi sans cesse entre réalité et fiction. "Je pars souvent d'événements réels que je transforme pour le bien du récit. (...) J'ai aussi dû combler les vides grâce à la fiction. Ça ne satisfaisait pas toujours tout le monde. Il y a eu quelques grincements de dents et quelques claquements de portes. Mais au final, tout le monde est content", sourit-il.

Fil rouge des chapitres qui ponctuent "Celle qui demeure", le passé, le présent et le futur se répondent et permettent de voir comment les choix des personnages sont impactés par ce qui s'est passé et ce qui va ou pourrait arriver. C'est aussi le temps qui passe qui permet aux identités de se forger, à certaines choses de changer, à des tabous de se briser et à des idéaux d'être remis en question par la confrontation, parfois, des générations.

Propos recueillis par Cecilia Mendoza

Adaptation web: Lara Donnet

"Celle qui demeure" de Sven Bodenmüller (autoédition). Paru en 2023.

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