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Nathalie Hadj brise le silence des origines dans "L'impossible retour"

Nathalie Hadj. [Margaux Hadj]
Entretien avec Nathalie Hadj, autrice de "L'impossible retour" / QWERTZ / 27 min. / le 17 janvier 2024
Avec son premier roman "L'impossible retour", Nathalie Hadj puise dans sa vie personnelle pour raconter le laborieux et discret parcours de ses parents exilés en France, son père fuyant l’Algérie à la fin des années 1950 et sa mère quittant l'Espagne franquiste au début des années 1960.

C’est dans une loge du 11e arrondissement de Paris dévolue à la famille, sa mère occupant le poste de concierge, que la narratrice Margot va faire ses premiers pas dans l’écriture. Pendant que sa mère Ana pédale sur sa machine à coudre, les locataires viennent se confier.

Petite, Margot veut devenir "inventrice, de vie". Et quand les habitués et habituées de l’immeuble viennent ainsi parler de leurs soucis quotidiens, leurs problèmes familiaux ou leur solitude, elle prend des notes dans un carnet qui deviendra "son cahier d’histoires à raccommoder".

J’étais convaincue que la vie était comme un vêtement que l’on pouvait changer, que tout était réversible, même la mort.

Nathalie Hadj, "L’impossible retour", éd. Mercure de France

L'histoire du père

Raccommoder les vies, c’est l’entreprise dans laquelle Nathalie Hadj s’engage avec ce premier roman. En avril 2014, le décès déchirant de son père, qu’elle accompagne dans ses derniers instants de vie, va faire l’effet d’un détonateur. Cet homme discret, taiseux, ne se livrant que peu, renferme dans sa chair et son être une histoire enfouie dont on ne parle pas.

Originaire de Kabylie, il fuit l’Algérie en 1956, traverse la Méditerranée et tente sa chance en France. A Paris, Jean, juif polonais œuvrant dans la confection, se reconnaît dans la figure de ce jeune homme timide aux traits arabes, et le prend sous son aile. Comme il se l’est appliqué à lui-même, une fois arrivé en France, Jean conseille à son protégé de changer de prénom. Karim devient Paul.

La rencontre de deux exilés

Plus tard, Paul rencontre une exilée comme lui. Ana a quitté l’Espagne dans l’espoir de trouver du travail dans la capitale. Après avoir "baladé leur solitude sur les quais de la Seine", ils se marient et fondent une famille. De cette union naissent Margot et Thomas. Des enfants d’immigrés à qui l’on fait ressentir qu’ils ne sont pas comme les autres.

L’école en particulier est un lieu de tourments pour Margot où elle découvre les différences et la honte d’être étrangère. Statut d’autant plus difficile à faire évoluer que l’entier de l’existence de la famille est suspendu à un seul et unique instant important dans l’année: le retour en Espagne pour les vacances d’été. Cette nostalgie entretenue par Anna, la mère, va rendre encore plus difficile la possibilité de se sentir pleinement française.

La mémoire c'est le travail des descendants de ceux qui ont souffert, les victimes, elles, doivent tout oublier et se taire pour pouvoir survivre.

Nathalie Hadj, "L’impossible retour", éd. Mercure de France

Beaucoup de délicatesse

"L’impossible retour" est le récit d’une quête d’origines tenues secrètes et qui dit avec une grande délicatesse ce que l’on tait par amour et nécessité. Un premier livre qui touche par la justesse du ton et la parole qu’elle donne et redonne à celles et ceux à qui l’on ne prête que peu d’attention et d’égards.

Le roman de Nathalie Hadj a l’immense qualité de revenir sur des événements qui font encore l’objet d’une omerta et qu’il est pourtant essentiel de connaître et transmettre. D’autant plus lorsqu’ils proviennent des témoins proches et directs, de ceux et celles qui les ont vécus.

Céline O’Clin/mh

Nathalie Hadj, "L’impossible retour", éditions Mercure de France.

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