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La poésie dépoussiérée par une nouvelle génération d'autrices et auteurs

La 8e édition du Printemps de la poésie fait la part belle à une nouvelle génération d’auteurs libres, engagés et populaires
La 8e édition du Printemps de la poésie fait la part belle à une nouvelle génération d’auteurs libres, engagés et populaires / 19h30 / 2 min. / le 1 avril 2023
Longtemps restée confidentielle, la poésie contemporaine revient sur le devant de la scène. De jeunes autrices et auteurs plus libres et décomplexés n'hésitent pas à briser les codes et à se faire connaître sur les réseaux sociaux, touchant un public plus jeune.

La poésie a connu un regain de popularité, notamment sur Instragam. Les réseaux sociaux ont créé des stars comme la Française Cécile Coulon (36'000 abonnés) ou Rupi Kaur, jeune Canadienne originaire du Pendjab, (4,5 millions).

"De jeunes poètes et poétesses, il y en a beaucoup. L'engagement est le même, mais la façon de partager leur travail est très différente, notamment avec les réseaux sociaux. Tous les moyens à disposition permettent une sorte de poésie en cascade", explique le poète vaudois Arthur Billerey, mercredi dans le 19h30 de la RTS.

Des réseaux sociaux aux rayons des librairies

Mais le virtuel n'a pas remplacé l'édition traditionnelle. A ses débuts, Cécile Coulon avait entendu qu'il était  "très compliqué de publier des poèmes." Elle les partage alors sur Facebook pendant huit ans avant de les rassembler dans un recueil. "Les ronces" (éditions Le Castor Astral, 2018) a eu un succès considérable, rare en poésie: 14'000 exemplaires vendus - on parle de best-seller en librairie quand un livre de poésie atteint les 1000 exemplaires vendus.

De son côté, Rupi Kaur a déjà vendu plus de 3 millions d'exemplaires de ses recueils à travers le monde. En France, elle est éditée par NiL, une entité du groupe Robert Laffont, reprise par l'éditrice Claire Do Sêrro, qui a inauguré une collection consacrée à la poésie.

"J'ai observé une certaine résurgence du genre, portée par toute une nouvelle génération d'auteurs qui est en train de rendre la poésie tendance. Il serait dommage de passer à côté", observait-elle, en 2018, dans un entretien disponible sur le site de la Fnac.

"Beaucoup de libertés formelles"

En France, les éditeurs développent des collections pour accompagner ce phénomène. Ces dernières années, des éditeurs grand public investissent le domaine, alors que celui-ci était réservé à quelques grandes maisons d'édition (Flammarion et Gallimard, notamment) ou à des éditeurs indépendants.

"La poésie a un regain d'intérêt, parce qu'elle permet beaucoup de libertés formelles. Et, quand on s'affranchit des formes, des genres, des choses qu'on nous dicte, cela donne aussi un côté plus engagé, plus politique aussi à la poésie. On entend parfois des poètes qui disent que la poésie est insoumise, le langage est insoumis, on réinvente quelque chose de nouveau", explique le poète valaisan Guillaume Favre, auteur de "Greg ou rien" (éditions Cousu Mouche), un recueil pour rendre hommage à son frère décédé.

En 2021, la jeune poétesse Amanda Gorman avait fait sensation lors de la cérémonie d'investiture de Joe Biden. Son texte "The hill we climb" ("La colline que nous gravissons") est ensuite paru aux éditions Fayard.

L'émotion et l'enthousiasme ont dépassé les frontières. Dans la foulée, la jeune fille gagne des centaines de milliers d'abonnés sur Instagram, fait la couverture du numéro de mai de l'édition américaine de Vogue, et est photographiée en majesté par Annie Leibovitz. Une première pour une poétesse.

>> Relire : La jeune poétesse Amanda Gorman vole la vedette à Joe Biden

Arthur Teboul, chanteur et poète

Ce langage nouveau a séduit Arthur Teboul, le chanteur du groupe Feu! Chatterton dont le nom rend hommage au poète anglais du XVIIIe siècle Thomas Chatterton qui s'est suicidé à 17 ans.  Il vient de sortir un recueil de poèmes minutes, "écrits en quelques instants", "Le déversoir" (éditions Seghers). Il est ainsi le premier Français à rejoindre de son vivant le catalogue de cette maison d'édition emblématique, qui a publié Paul Eluard ou Louis Aragon.

"L'avantage d'un recueil de poèmes - ce qui me plaît en tant que lecteur, c'est qu'on ouvre une page au hasard. Soit c'est le bon moment et ça nous touche, soit on change de page et ce n'est pas grave... Cet écho qui peut naître de ce jeu du sort, c'est une chose qui me touche beaucoup, qui me plaît", dit Arthur Teboul, à la RTS.

Un "cabinet" de consultation

Le déversoir est aussi le nom du "cabinet" au coeur de Paris dans lequel Arthur Teboul a "consulté" le mois dernier. Chaque consultation donnait lieu à l'écriture d'un poème instantané. Ecrit devant chaque personne, en un temps compté entre cinq et sept minutes, le poème était ensuite lu, puis remis. Ainsi 250 personnes ont franchi la porte du Déversoir en une semaine.

"On est encore plus intimidés de goûter à la poésie que de goûter à l'amour, alors qu'on le fait sans le savoir. C'est le mot qui inquiète, qui intimide. Quand on parle de poésie, c'est soit snob, soit fleur bleue. Alors qu'en fait toute la journée nous vivons des instants poétiques, qu'on reconnaît comme tel, mais qu'on n'appelle pas ainsi", expliquait-il, au micro de France Inter.

>> L'interview d'Arthur Teboul sur France Inter:

Sujet TV: Julie Conti

Adaptation web: Valentin Jordil

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