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"La Chienne-Mère" de Simona Brunel-Ferrarelli, un miroir animal

L'écrivaine Simona Brunel-Ferrarelli. [DR - Michel Juvet]
Entretien avec Simona Brunel-Ferrarelli, autrice de "La Chienne-Mère" / QWERTZ / 27 min. / le 7 octobre 2021
Avec son histoire de fille, de mère et de chienne, l’autrice genevoise Simona Brunel-Ferrarelli esquisse dans "Chienne-Mère" une tragédie grecque où amour et désamour entrecroisent les destins.

"Que ce soient des êtres humains ou des chiens, ce que j’ai voulu raconter, c’est l’histoire d’une compréhension au-delà de tout, d’un amour absolu qui pourrait idéalement exister entre les êtres", explique l’autrice genevoise Simona Brunel-Ferrarelli. Mais il y beaucoup d'essais et peu d’aboutissements, des tentatives et des échecs.

"La Chienne-Mère" est l’histoire d’une petite fille qui naît dans une famille du Sud. On la nomme Allegra Felice. Un nom Totem. Elle est la dernière d’une famille de garçons, elle n’est pas désirée. Seule sa rencontre avec une chienne lui offrira la beauté, le calme qui manque au sein de la famille, auprès d’une mère engoncée dans son quotidien, coincée dans ses maternités. Entre la fillette et la chienne (Mère est son nom), l’amour se joue, animal, primitif, comme s’il n’y avait d’issue que là, d’une manière spontanée, instinctive et absolue.

J’ai voulu illustrer des imperfections, une famille simple, pauvre, constituée d’une mère imparfaite, non-conditionnée à son milieu social. Les mères imparfaites sont dans tous les milieux. Mais chacun tente à sa manière de vivre, voire de survivre comme il peut.

Le roman se construit sur des parallélismes. On y trouve des humains plus animaux que les animaux, et des animaux plus humains que les humains. La tragédie des hommes, des femmes, des enfants, ce sont ces sentiments que l’on glisse partout. Comme les mots pour les dire.

Autour de l'accouchement

Que signifient le chagrin, la détresse, l’appréhension pour une chienne qui met bas? Elle n’est alors qu’un être vivant qui met au monde, dans la douleur des contractions, un autre être dont elle devra s’occuper. "Mon personnage, Allegra Felice, arrive comme quelque chose qui dérange, comme un intrus. Je raconte sa naissance ainsi que l’accouchement de la chienne. Chez les animaux, il n’y a pas d’intrus. Quand un chiot vient au monde, il vient au monde. Point. On ne se soucie pas si c’est un mâle ou une femelle. On le met au monde et on fait tout pour qu’il survive", insiste l’autrice.

Toutes les élucubrations d’avant la naissance sont de l’ordre de l’humain. Simona Brunel-Ferrarelli joue avec les mots autour de la maternité. L’accouchement est quelque chose de surhumain. L’amour déchire les entrailles, se fait haine, la violence se crie, et se poursuit, dans cette difficulté d’aimer ses enfants. Ce n’est pas un choix, c’est une fatalité. Les multiples couches s’imbriquent.

Une tri-maternité

La tragédie s’annonce dans une tri-maternité. La mère, la fillette, et la chienne. La louve se fait Odyssée, obligeant le lecteur à se poser la question: "que serait devenu Allegra Felice sans la bête?" Elle est cet animal-oxygène, comme un autre soi. Le chien fait le boulot de la mère, donne de la chaleur de l’affection. Cet amour infini qu’on ne trouve dans les yeux d’un chien. Il n’y a pas de liberté dans l’amour d’un animal. Il est lumière. Il est vrai!

Simona Brunel-Ferrarelli a écrit avec ses chiens, Pablo et Luna, collés à elle. Le roman avait pris une direction exempte de canines. Il manquait la vérité. Sa vérité. "Si ce n’est pas vrai, ça ne vaut pas la peine d’écrire!", affirme l’autrice, chienne-louve de ses romans.

Catherine Fattebert/aq

Simona Brunel-Ferrarelli, "La Chienne-Mère", ed. Slatkine.

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