L'amnésie antérograde est une pathologie touchant des personnes ayant vécu un traumatisme, accident ou AVC. Celles-ci sont soignées dans des cliniques identiques à celle que décrit, en Haute-Savoie, le romancier Arnaud Delalande dans son roman "Memory".
Piégées dans un éternel présent, ces personnes n'ont que cinq à six minutes au plus pour se rappeler ce qu'il vient de se passer. Difficile dès lors de mener une enquête policière quand les seuls témoins n'ont aucun souvenir des faits. L'amnésie devient ainsi le cœur du roman et le moteur des interrogations d'une jeune policière qui cherche à oublier son passé, tandis que les malades tentent de s'inventer un futur.
Un lien entre mémoire et identité
Amoureux de l'Histoire, Arnaud Delalande est intrigué par ce qui se cache dans le souvenir. Dans son entourage, des proches touchés par Alzheimer le bouleversent. Il perçoit un lien étroit entre mémoire et identité. La vision d’un reportage sur l'amnésie antérograde lui apporte la matière de ce polar.
En voyant ces personnes parler, victimes de drames personnels chaque fois différents, a germé l'idée de les placer dans un thriller. Il y là, évidemment, un argument romanesque et policier, mais surtout une interrogation sur ce qui fait le fond de notre identité.
Arnaud Delalande se réfère à la question d'Henri Bergson qui a évoqué la relation entre le moi relatif et le moi absolu. Qu'est-ce que le moi? Et qu'est-ce qui le fait changer? La vie s'écoule, le temps d'un sablier, et les malades de "Memory" ont déjà tout oublié.
La philosophie en filigrane
La philosophie s'inscrit ainsi en filigrane dans les pages du roman. Mais l'auteur va plus loin encore, créant un décor de neige pour enfermer davantage ses personnages dans leur mémoire défaillante.
Pour ces malades, le présent est une sorte de blanc. D'où l'idée d'une atmosphère ouatée avec un rideau de neige qui tombe en continu. C'est comme un écran qui serait brouillé, parce qu'ils sont en prise avec des souvenirs lacunaires.
En parallèle à l'enquête, le romancier s'amuse à faire le portrait des malades. Un prêtre lui permet de questionner la mémoire dans le rapport à Dieu et à la foi. Une violoniste ouvre le débat sur la mémoire et l'art. Il y a le corps et il y a l'esprit. Autant d'énigmes semées comme des perles dans un thriller glacé à la trame qui s'épaissit à mesure que la neige engloutit la clinique.
Catherine Fattebert/ld
Arnaud Delalande, "Memory", Ed. Le Cherche midi.
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